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Les évêques
Être accueilli, s’accueillir mutuellement, accueillir

Publié le 09 novembre 2017

Être accueilli, s’accueillir mutuellement, accueillir

« Être accueilli, s’accueillir mutuellement, accueillir » Journée diocésaine pour les laïcs en mission ecclésiale.

Méditation de monseigneur Emmanuel Gobilliard.

La confession de foi de Césarée de Philippe

emLuc 9, 18-24

Après avoir prié, Jésus interroge ses apôtres pour savoir ce que les gens pensent de lui. Cette attitude de Jésus peut sembler étonnante. Ainsi Jésus s’intéresse à ce que les gens pensent de lui ? C’est la première fois que je vois Jésus exprimer une revendication par rapport à lui-même ! Etant infiniment aimé par son Père, il n’a pourtant aucune raison de souffrir d’une blessure narcissique !

Je vois dans cet épisode combien Jésus rejoint une problématique très actuelle. Dans un monde très individualiste où se déploient les revendications narcissiques de toute part, je trouve ici des réponses lumineuses, comme si Jésus voulait m’éduquer, de la même manière qu’il a éduqué ses apôtres. Je remarque que moi aussi, je m’intéresse souvent à ce que les gens pensent de moi, que j’ai, en moi, de profondes revendications, à être aimé, à être reconnu, à être admiré. Je remarque aussi que ces revendications, un peu narcissiques, il faut bien le dire, m’empêchent d’accueillir celles des autres, leurs propres revendications, leurs propres blessures.

Dans cet épisode de Césarée de Philippe, Jésus nous dit, en substance : « Je ne dépends pas de ce que le monde pense de moi ! » Il en est de même pour moi, Emmanuel. Je suis un homme, un prêtre, je suis en bonne forme physique, plutôt heureux dans ma mission…Vous pouvez penser que je suis une femme malade. Vous avez le droit de le penser, mais cela ne changera rien à ce que je suis. La réalité ne dépend pas de ce que vous pensez. Cette réflexion peut paraître évidente, pourtant elle ne l’est pas tant que cela. En effet, à travers les sondages, à travers l’influence considérable que les médias exercent, je vois bien qu’on accueille comme étant vrai, ce qui est reçu comme tel par la population. Il suffit que la majorité pense qu’un tel est coupable, pour qu’il soit aussitôt condamné, comme Jésus l’a été par la foule le Vendredi saint, cette même foule que l’avait acclamé quelques jours auparavant avec des rameaux, comme on acclame un roi. La majorité peut bien penser qu’on peut être catholique sans croire que Jésus est ressuscité, la réalité c’est que pour être catholique, il faut, au minimum, croire que Jésus est mort et ressuscité pour nous sauver.

La première question que je dois donc me poser, et à laquelle Jésus m’invite à répondre c’est : « Qui est Jésus ? » et même : « Qui est Dieu ? » Si Dieu est Dieu, il dépasse infiniment tout ce que je peux comprendre de lui, sinon, si Dieu est contenu dans ma pauvre intelligence, c’est que je suis moi-même Dieu. Jésus nous invite à accueillir Dieu tel qu’il est, tel qu’il se révèle. Il nous invite à accueillir Jésus tel qu’il est, non pas tel que les autres le voient. Alors je pourrais entrer en relation avec lui, alors je pourrais répondre à la deuxième question de Jésus : « Et vous, que dites-vous ? Pour vous qui suis-je ? » Si je ne réponds pas à la première question, si je ne reçois pas Jésus tel qu’il est, je risque de projeter sur lui ce que je veux, ce que je suis, mes propres désirs, mes propres revendications, je risque de le voir comme le miroir de moi-même.

Mais ce qui vaut pour Jésus, vaut aussi pour les autres. Je suis souvent tellement plein de moi-même que je suis incapable de recevoir l’autre tel qu’il est. Je suis tellement attentif au « qu’en dira-t-on » que je n’arrive pas à écouter ce qu’il est. Jésus nous invite à avoir à l’égard des autres ce regard objectif. Les autres ne dépendent pas de ce que je pense d’eux, de ce que pensent les autres, de ce que pensent les médias. Pour entrer en relation avec eux, il est indispensable que je sois en vérité avec eux, que je rejoigne ce qu’ils sont vraiment. Cette attitude est très concrète. Pour rejoindre ce qu’ils sont il faut que je me pose des questions simples : « que vit-il ? souffre-t-il ? Qu’est-ce qu’il vient de faire avant d’arriver jusqu’à moi ? A-t-il pris le métro pour venir, a-t-il subi les embouteillages ? Je dois aller sur la colline de l’autre, le rejoindre dans ce qui fait sa vie avant d’imaginer ! Il faut pour cela que je sorte de moi-même, de ce que je pense de lui, de mon imaginaire qui souvent me joue des tours, et parfois même de ce que les autres m’ont dit de lui. C’est cette attitude profonde du cœur à laquelle nous invite notre pape François. Vivre l’Eglise en sortie, c’est commencer par sortir de soi, de ses propres idées réductrices, de ses propres jugements. Juger, dans le fond, c’est réduire la réalité, c’est réduire l’autre à ce que j’en pense. Le pape François nous invite à avoir, comme première attitude pastorale, l’accueil de ce qu’est l’autre. Il nous invite à aller sur la colline de l’autre. Pour cela nous devons accepter de renoncer à être admiré, à être reconnu et même à être aimé. Nous savons bien que si nous nous mettons en valeur en permanence, si nous passons notre temps à parler de nous, à occuper le terrain pour nous valoriser aux yeux des autres, le résultat sera à l’opposé de ce que nous souhaitons profondément. Si nous voulons être admirés, en fait, la meilleure attitude à adopter, c’est de ne pas chercher à l’être. Si nous voulons être reconnus, la meilleure façon de procéder, c’est de ne pas chercher à l’être. Si nous voulons être aimés, profondément, la meilleure manière d’agir, c’est de rejoindre l’autre, c’est de l’écouter, c’est d’apprendre à le connaître tel qu’il est et non tel que je l’imagine. Lorsque Jésus nous invite, à la fin de notre texte, à renoncer à nous-mêmes, il veut nous faire entrer dans cette attitude profonde du cœur qui écoute. C’est l’attitude qu’il adopte lui-même en permanence lorsqu’il croise, sur sa route, des malades, des pécheurs, des pauvres. Il nous fait la délicatesse, comme avec la samaritaine, de nous rendre notre dignité en ayant besoin de nous. Son attitude à l’égard de tous les personnages de l’évangile nous indique l’attitude pastorale que nous devons avoir à l’égard de tous ceux que nous rencontrons, à l’égard de tous ceux qui frappent à la porte de l’Eglise. Ils ne sont pas d’abord des adjectifs, ils ne sont pas d’abord grands ou petits, mariés ou divorcés, riches ou pauvres, valorisant pour moi ou pas. Ils sont d’abord des substantifs, des personnes dont les noms sont inscrits dans les cieux. Lorsque nous l’avons rencontré, avec les prêtres de Lyon, le pape François nous a invité à avoir cette attitude profonde du cœur, qui est l’attitude de Dieu lui-même. Prendre sa croix, ce n’est pas s’inventer une souffrance qui serait rédemptrice, c’est adopter l’attitude de Jésus à l’égard de l’humanité, attitude qui se manifeste de façon étonnante dans le mystère de la croix. Totalement tourné vers l’humanité en attente de salut, il est sorti de lui-même, il a renoncé à une revendication légitime, il a renoncé …à être traité comme un Dieu. C’est ce que nous rappelle l’épitre aux Philippiens : « Que chacun de vous ne soit pas préoccupé de ses propres intérêts ; pensez aussi à ceux des autres. Ayez en vous les dispositions qui sont dans le Christ Jésus : Le Christ Jésus, ayant la condition de Dieu, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu. Mais il s’est anéanti, prenant la condition de serviteur, devenant semblable aux hommes. Reconnu homme à son aspect, il s’est abaissé, devenant obéissant jusqu’à la mort, et la mort de la croix. »

Prendre sa croix, ce n’est pas vouloir souffrir, ce n’est pas revendiquer aux yeux de tous ses propres souffrances. C’est avoir en soi les « dispositions qui sont dans le Christ Jésus », c’est accueillir celles des autres, c’est aimer les autres et souffrir de ce qu’ils souffrent, et prendre sur nous ce qu’ils sont, y compris leurs difficultés et leurs souffrances.


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