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Les évêques
Homélie – 4e dimanche de l’Avent 2018

Publié le 24 décembre 2018

Homélie – 4e dimanche de l’Avent 2018

L’Évangile d’aujourd’hui nous présente la rencontre surprenante de deux femmes qui ne peuvent pas avoir d’enfant, parce que l’une est stérile et trop âgée, et l’autre est vierge. J’y vois un beau signe du Seigneur qui, ici comme dans toute la Bible, met à mal nos propres efficacités pour nous ouvrir à une fécondité qui les dépasse infiniment. Il vient toucher nos faiblesses, nos blessures, nos souffrances, nos pauvretés, pour les ouvrir délicatement à sa fécondité. Dans toute la Bible nous assistons à un combat entre nos efficacités trop humaines et sa fécondité. Nous voyons d’ailleurs, dans le peuple d’Israël, combien le Seigneur donne la victoire aux hébreux, surtout lorsqu’ils partent au combat avec peu de moyens, avec un petit nombre de combattants. Même si en face d’eux, les adversaires possèdent des chars et de puissants chevaux qui symbolisent l’orgueil, ce sont les petits qui sont vainqueurs, à condition qu’ils accueillent, au cœur même de leur petitesse, la grandeur de Dieu. « Chantons le Seigneur, car il a fait éclater sa gloire. Il a jeté à l’eau, cheval et cavalier ». Plus tard la victoire sera donnée au jeune David, armé d’une fronde, contre le puissant Goliath, paré d’une armure, d’un casque, d’un bouclier, d’une épée. Notre bouclier, c’est la foi ; notre casque, le salut ; notre épée, l’Esprit de Dieu, nous rappelle saint Paul dans son épitre aux éphésiens. Nous retrouvons justement ces éléments dans l’évangile d’aujourd’hui. C’est par sa foi que Marie, rendu disponible à l’action de l’Esprit, a accueilli en elle le salut. Comme elle le dira juste après dans son magnificat, le Seigneur élève les pauvres et les humbles. Ces deux femmes sont surprises par la fécondité que Dieu déploie en elles et qui dépasse infiniment tout ce qu’elles pouvaient espérer. Cet évangile est ainsi une bonne nouvelle pour toutes les personnes qui vivent des stérilités, des échecs, de grandes souffrances. Jamais elles ne sont abandonnées par Dieu. Prions le Seigneur pour qu’il leur découvre la magnifique fécondité qu’il veut déployer en elles, si elles acceptent de cheminer, de sortir d’elles-mêmes pour aller en hâte à la rencontre des autres…à la rencontre des souffrances et des difficultés des autres. La fécondité qui est donnée à Marie, alors qu’elle avait l’intention de se consacrer au Seigneur, de lui offrir sa fertilité, est une fécondité, pour elle, bien sûr, mais au-delà d’elle-même, pour toute l’humanité.

C’est étonnant de voir combien la bible foisonne de ces contraires, de ces oppositions, de ces contradictions apparentes qui nous surprennent. Ainsi, « qui perd sa vie, la gagne », « les premiers seront les derniers », « qui s’abaisse sera élevé ». C’est comme si le Seigneur voulait faire échec à nos propres forces pour nous dire, avec délicatesse, « lorsque tu es faible, c’est alors que tu es fort » !

Le point culminant de cette étonnante contradiction, c’est le mystère pascal. Le moment le moins efficace de l’histoire du salut, le grand échec apparent, c’est le mystère de la croix par lequel celui en qui nous avons mis toute nos espérances, le Fils de Dieu meurt, cloué au bois de l’infamie. C’est normal que ceux qui ne partagent pas notre foi soient scandalisés par ces trois mystères : le mystère de la crèche et de l’incarnation de Dieu lui-même, le mystère de l’Eucharistie que nous allons célébrer dans quelques instants, et le mystère de la croix. Trois mystères d’humiliation, d’abaissement, où Dieu se fait faible. Ce sont en fait les grands moments où Dieu nous fait renaître, nous recrée. La plus grande fécondité de l’histoire de l’humanité est donnée dans le mystère de la croix, qui est le moment par excellence de la l’inefficacité. Au cœur de la mort, jaillit la lumière de la Résurrection. Au cœur de nos morts, Dieu veut donner sa vie. D’ailleurs, pour voir Dieu, vous savez qu’il faut mourir, c’est ce que nous révèle Moïse…il faut surtout mourir à soi-même, pour s’ouvrir à l’Autre. Le mystère de la charité nous permet ce passage. Je meurs à moi-même lorsque je m’oublie en l’autre. Ce mouvement que le Seigneur souhaite pour nous, c’est le mouvement qu’il vit lui-même dans la Trinité où le Fils, comme nous le rappellera bientôt le prologue de saint Jean, est « tourné vers le Père », tout relatif au Père, tout donné, tout livré au Père. C’est la deuxième lecture qui nous invite à cette méditation, qui nous introduit à l’offrande totale du Verbe Incarné au Père, sur l’autel de la croix, qui lie le mystère de l’Incarnation et le mystère de la Rédemption : « En entrant dans le monde, le Christ dit : Tu n’as voulu ni sacrifice ni offrande, mais tu m’as formé un corps. Tu n’as pas agréé les holocaustes ni les sacrifices pour le péché ; alors, j’ai dit : Me voici, je suis venu, mon Dieu, pour faire ta volonté. »

Il est l’autel, le prêtre, et la victime, il est le pasteur et la brebis, il est roi en étant serviteur. Il vient bouleverser toutes nos certitudes, nos idées toutes faites. Le Seigneur attend de nous que nous soyons, comme Marie, de vivantes offrandes à la louange de sa gloire, que nous entrions dans ce mouvement du don, dans ce mouvement de l’obéissance, que notre vie soit « perdue », parce que « qui perd sa vie la gagne ! » Nous voyons bien qu’à chaque fois que nous revendiquons les choses pour nous-mêmes, nous les perdons. Si je veux être aimé pour moi-même, je risque de n’être aimé par personne ; si je me mets du côté de l’autre, si je sors de moi-même, de mes propres perspectives, si je sors de mes propres idées, de mes propres illusions parfois pour me transporter sur la colline de l’autre, alors, curieusement, c’est à ce moment-là que je suis aimé. Si j’entre dans les perspectives de l’autre, si je viens rejoindre ses pauvretés, ses humbles prières, ses souffrances et ses difficultés, alors, naturellement, le cœur de l’autre s’ouvrira, à la rencontre, à plus de vie, à plus d’amour. Alors moi-même je serai comblé, aimé, presque sans le vouloir, involontairement. Je serai rejoint par ce mouvement de la charité qui m’aura porté vers l’autre. Lorsque je revendique quelque chose pour moi-même, cela m’échappe. Lorsque je revendique d’être reconnu, d’être écouté, d’être aimé, je suis souvent seul. Lorsque je les revendique pour les autres, alors je les gagne, pour l’autre et pour moi, au-delà de tout ce que je pouvais espérer. Le Seigneur, sur l’autel de la croix, a pris sur lui toutes nos difficultés, toutes nos peurs, toutes nos souffrances, tous nos manques d’amour, toutes nos grandes aspirations aussi. Il s’est tourné vers nous, et nous a obtenu tout ce que nous espérions : la vie, l’amour, l’espérance. N’ayons pas peur, à notre tour, de nous tourner vers Dieu, de nous tourner vers les autres, de leur offrir notre efficacité ; n’ayons pas peur, avec Marie et Élisabeth, à la suite de Jésus, de mourir à nous-mêmes, pour que notre Dieu soit fécond en nous, pour que, par nous, il offre aux autres, la vie…éternelle. Amen

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