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Les évêques
Manille…Miséricorde !

Publié le 06 février 2017

Manille…Miséricorde !

Envoyé par le pape François au IVe Congrès mondial de la Miséricorde, en ce mois de janvier 2017, j’ai découvert, avec Mgr Pascal Roland et un petit groupe de Français, Manille et l’Eglise des Philippines, la plus tonique d’Asie, dit-on. Pendant quelques jours, elle fut pour nous une source de joie et d’émerveillement !

A l’aller, une escale à Taipei m’a permis d’appeler le P. Etienne Frécon, jeune prêtre lyonnais des Missions étrangères, curé d’une petite paroisse de… 450 000 habitants ! Il était venu avec une vingtaine de jeunes Chinois aux JMJ de Cracovie, l’été dernier. C’est vraiment étonnant de l’écouter parler des souffrances et du courage des Chinois et des Taïwanais.

Les Philippines, un pays abîmé par tant de souffrances dans son histoire et de violence dans son présent. Une lecture préparatoire m’avait fait buter sur cette phrase lourde : « 350 années de colonisation et de lavage de cerveau nous ont fait croire que nous étions une nation médiocre… [Merci à ceux qui pourront nous] aider à découvrir notre force collective et donner aux plus pauvres un rêve crédible : celui d’avoir un mot à dire sur leur destinée. »

C’est la tâche à laquelle s’attellent l’Eglise et bien d’autres associations venues à Manille pour servir et témoigner que seul l’amour, si souvent malmené et bafoué, sera finalement victorieux. A l’arrivée, on me remet un mot de bienvenue du P. Matthieu Dauchez, responsable de la fondation Un pont pour les enfants (TNK) qui, en vingt ans, a ouvert plus de vingt-cinq centres pour héberger des enfants. A Lyon, l’église Sainte-Croix était comble, à l’automne, quand il est venu y donner une conférence. Chaque jour, le Congrès nous conduit dans une ville différente, en commençant par Manille et l’impressionnante université Santo Tomás qui compte près de 50 000 étudiants. Les temps de prière alternent avec les conférences et les témoignages, sans parler des rencontres qui nous font découvrir des initiatives de miséricorde dans le monde entier. Le sommet de la journée, bien sûr, c’est la célébration de la messe, magnifique, fervente. Les homélies sont souvent frappantes, comme celle du président de la Conférence des évêques qui s’en prend aux violences et aux excès du président Duterte.

J’avais l’impression d’être en présence d’un Mgr Ancel Philippin !

Le premier enseignement, confié à un vieux cardinal philippin, portait sur la communion. Sa parole, pétrie de Bible, ne manquait pas d’humour : « Nous formons tous le corps du Christ, dont les membres sont en communion organique. Souvent, je me suis demandé quel membre j’étais. L’appendice, peut-être… puisqu’il ne sert à rien ! Une fois, j’ai osé penser aux poumons ; deux jours plus tard, le médecin m’a annoncé que j’avais une double pneumonie ! » Ensuite, vint le témoignage de Mgr Padillo, évêque auxiliaire de Manille : « J’appartiens à une famille aisée, mes parents nous avaient appris à être toujours accueillants aux pauvres. Mais peu à peu, j’ai compris qu’il ne suffit pas de s’occuper des pauvres. Il faut vivre avec eux et comme eux. Alors, j’ai plongé ! » J’avais l’impression d’être en présence d’un Mgr Ancel philippin !

Pour moi, le sommet de cette semaine fut l’après-midi et la soirée du mercredi avec le P. Matthieu Dauchez. Accompagnés d’un jeune dominicain français, le P. Thomas de Gabory, et de quelques éducateurs, nous avons visité des centres d’enfants, avec l’accueil que vous imaginez… débordements de joie, de chants ! Leur plus beau souvenir était le rassemblement de tous les foyers autour du pape François, il y a deux ans. Plusieurs centres sont situés dans un immense bidonville construit sur les lieux d’une décharge publique. Nul ne peut s’y aventurer seul, mais la fondation TNK y est connue, et les prêtres respectés et attendus. Insalubrité, odeurs pestilentielles, mais partout des enfants qui jouent, des grands qui s’adonnent au sport préféré des Philippins, le basket, sur une apparence de terrain. Quelle merveille de tomber soudain sur trois ou quatre petits en train de manger des glaces ! Mais comment sont-elles arrivées jusqu’ici ?

Nous parcourons les lieux, parlant avec beaucoup de monde, enfants, parents, animateurs. J’admire cet encadrement nombreux, formé et compétent. Dès que des enfants arrivent dans un foyer, on prévient la police et l’on cherche à établir un lien avec la famille. Il faut tout leur apprendre, pas seulement à lire et écrire, mais comment se nourrir, vivre et jouer ensemble…

Une fois la nuit tombée, nous partons à la rencontre des bandes. Les animateurs se sont réparti les zones de la ville. Ils savent trouver les jeunes qu’on ne voit pas tout de suite, en traversant un pont ou sur une place. On s’arrête, un jeune s’approche et des grappes d’enfants sortent d’un peu partout pour venir à la rencontre des prêtres et des animateurs. « Vous sentez la colle ? me demande le P. Matthieu. Regardez le vêtement imbibé que cette petite renifle ! »
Ce soir-là, la Providence fait qu’il retrouve trois jeunes qui avaient quitté le foyer : petite discussion dont j’ignore le contenu… et ils acceptent de revenir. Pas difficile de ramasser ses affaires pour monter dans le minibus : ils n’ont rien ! D’autres restent là, assis par terre aux carrefours, dans la nuit, sans se préoccuper des voitures qui passent tout autour !

Un peuple fier de son pays, avec le désir d’être respecté, reconnu, rempli de la passion la plus belle qui soit, celle de faire du bien aux autres ! Même en vivant dans la misère la plus sordide, quelle belle communauté ils forment ! Dans mes lectures, je trouve cette phrase : « Notre pays a besoin de héros : pas d’un grand chef exceptionnel qui nous conduira à la gloire, mais de millions de héros du quotidien. »

Des cathédrales, églises et basiliques, il y en a partout à Manille !

Je remercie la paroisse francophone, animée par le P. Bernard Holzer et ses frères assomptionnistes, de m’avoir invité à parler de la Miséricorde et de ses congrès. Durant cette rencontre, plusieurs m’ont partagé leur regard sur les Philippines.

Les cathédrales, églises et basiliques, il y en a partout, avec des statues qui ne sont pas tellement de notre goût, mais où l’on sent la ferveur simple de tout un peuple. Nous visitons le centre spirituel de Notre-Dame de Vie, le sanctuaire de la Miséricorde et celui de saint Padre Pio, qui « grandit comme un champignon », tout proche du Lourdes philippin.

Le pape François a insisté pour que la fin du Grand Jubilé n’affaiblisse pas l’élan de la Miséricorde. Chaque diocèse doit prendre de nouveaux engagements. « J’ai vu la misère de mon peuple… J’ai entendu son cri… Je suis descendu » (Ex 3, 7-8).
C’est ce mouvement de la Miséricorde de Dieu qui aboutit à l’Incarnation. Et quand Jésus sort du Jourdain après le baptême de Jean, la voix du Père se fait entendre : « En lui, j’ai mis tout mon amour. » C’est bien là et en Lui que se trouve le coeur de la Révélation et de notre foi.

Par le cardinal Philippe Barbarin

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