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Les évêques
« Merci aux saints de la porte d’à côté, dont on ne parle pas dans les médias »

Publié le 18 juin 2018

« Merci aux saints de la porte d’à côté, dont on ne parle pas dans les médias »

Comme j’aime ces paraboles agricoles de Jésus, tellement claires et en même temps tellement profondes, tellement humaines et tellement spirituelles. Elles élèvent le cœur et l’âme sans nous sortir de la réalité. Elles sont profondément incarnées. Prenons la première. Elle nous présente le royaume de Dieu, non pas comme un paradis inconnu, futur et désincarné mais comme l’action de Dieu dans nos vies aujourd’hui. Jésus compare le royaume à la croissance d’un épi de blé, et donc à la croissance humaine et spirituelle de chacun d’entre nous.

Ainsi Jésus nous dit-il que la croissance de chacun passe par plusieurs étapes, que la fécondité est précédée par une phase cachée, enfouie, puis par une phase de croissance fragile. L’épi n’est encore qu’une petite pousse qu’il faut protéger, et dont il faut respecter le rythme. On ne le fait pas pousser en tirant dessus mais en l’arrosant, en enlevant les mauvaises herbes qui risquent de l’étouffer, en enrichissant son environnement, la terre qui le nourrit. Il y a aussi une phase de maturité où l’épi, fortifié, peut affronter le vent et la pluie, mais aussi les rayons du soleil. Il reste enraciné et en contact avec la terre, mais il ne craint pas de regarder vers le ciel.

Nous pensons spontanément que la croissance dont il s’agit est chronologique. Certes nous vivons cela dans notre vie. Il y a un élément chronologique indéniable, mais nous devons aussi être capable de dire que dans la vie, il y a des moments de lumière, des moments où la fécondité est visible, et des moments de nuit, d’obscurité où la fécondité nous échappe, où nous souffrons, où nous avons le sentiment d’être craquelé, de mourir à nous même, ou aux projets que vous avions prévus. Dans une autre parabole, Jésus nous avait prévenu : « si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas il reste seul, mais s’il meurt il porte beaucoup de fruit » (Jn 12, 24). Il y a des moments de notre vie où nous ne voyons rien, où nous croyons que nous ne progressons pas, où nous jugeons notre fécondité à notre efficacité. Il y a des moments où nous sommes sur le point de craquer comme le grain de blé tombé en terre.

« Il faut misère pour avoir cœur. Et d’une patience qui attend, et d’une attente qui écoute, naît le dialogue insurpassable. Notre assurance n’est plus en nous, elle est en celui qui nous aime.

Accepter d’être aimé… accepter de s’aimer. Nous le savons, il est terriblement facile de se haïr; la grâce est de s’oublier. La grâce des grâces serait de s’aimer humblement soi-même, comme n’importe lequel des membres souffrants de Jésus-Christ.

Encore faut-il avoir appris ce que tomber veut dire, comme une pierre tombe dans la nuit de l’eau; Ce que veut dire craquer, comme un arbre s’éclate aux feux ardents du gel, sous l’éclair bleu de la cognée. Que peuvent savoir de la miséricorde des matins, ceux dont les nuits ne furent jamais de tempêtes et d’angoisses ? » Paul Baudiquey

Une jeune du diocèse, atteinte d’un cancer, a offert une belle méditation à ses amis. Elle y parle de la Vierge Marie et de l’ombre du Très Haut, cette ombre dont il s’agit dans la deuxième parabole et qui protège les oiseaux. Voici ce qu’elle y dit : « Sous Son ombre, je ne vois rien d’autre que l’instant présent, que ce qui est tout proche. Je sais et je crois qu’instant après instant il y a la grâce pour avancer, alors j’apprends à faire confiance. Mais je saisis de moins en moins ce que Dieu construit et qui me dépasse, ce qu’Il permet et où Il veut me mener… Parce qu’en effet à l’ombre de l’Amour, il faut avancer pas à pas, il n’y a pas ou plus de plan pour toute la vie… seulement l’abandon, comme un enfant dans les bras de son Père. »

Il y a des moments où nous ne voyons rien, où nous ne sommes pas dans cette claire vision dont parle saint Paul dans la lettre aux corinthiens, où il faut faire confiance au Seigneur qui ne voit pas avec nos yeux. « L’essentiel est invisible pour les yeux ! » Si nous avions la possibilité de voir avec les yeux du Seigneur, nous serions capables de voir les merveilles cachées dans l’humilité et la pauvreté, nous serions capables de comprendre que la sainteté n’est pas l’héroïsme, que la vraie sainteté est la sainteté du quotidien comme le dit le pape François.

Nous pouvons aussi voir cette parabole dans le sens d’une complémentarité. Dans l’Eglise, il y a ceux qui sont mis en lumière, et d’autre qui vivent dans l’ombre, qui sont en terre. Il y a ceux qui sèment et ceux qui moissonnent. J’ai bien conscience qu’il m’est donné de moissonner, de recueillir tous les fruits que d’autres ont semé, dans la foi, dans l’ombre, parfois dans la souffrance. La deuxième parabole me rappelle sainte Blandine, qui, avec saint Pothin ou saint Irénée ont offert au diocèse de Lyon, par le don de leur vie et leur témoignage de foi, le Christ lui-même et son Evangile. Ils ont été ces semences de chrétiens que sont les martyres, selon l’expression de Tertullien qui nous rappelle aussi notre première lecture du livre d’Ezékiel. Blandine n’était qu’une toute petite graine, comme la graine de moutarde, frêle, fragile. C’est elle, par son courage, par son amour du Christ qui a donné aux hommes forts qui l’entouraient la force de donner leur vie, le courage d’aller jusqu’au bout. Celle que le monde regardait comme une faible s’est révélée la plus forte et a permis à ses compagnons de s’abriter à l’ombre du Très Haut, à l’ombre de la croix du Seigneur, lui qui a vaincu la mort en s’humiliant, en étant traité comme un criminel. « Lorsque je suis faible, dit saint Paul, c’est alors que je suis fort ». Merci à tous ces témoins de l’amour du Christ, à ces chrétiens d’orient qui n’ont d’autres armes que leur foi, leur espérance et leur charité. Merci à ces saints de la « porte d’à côté », qui ne brillent pas et dont on ne parle ni dans les médias, ni dans les livres d’histoire. Merci à ceux qui ne seront probablement jamais canonisés mais à qui l’Eglise doit sa fécondité, merci à ceux qui vivent l’humble fidélité, souvent dans la nuit, mais, parce qu’ils vivent à l’ombre du Très Haut, nous donnent la vie du Christ ressuscité, sans le savoir.

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