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Les évêques
Ne rêvez pas votre vie, affrontez-la !

Publié le 16 juillet 2017

Ne rêvez pas votre vie, affrontez-la !

Homélie de Mgr Emmanuel Gobilliard – dimanche 16 juillet 2017.

Dans l’Evangile d’aujourd’hui, le Seigneur se compare au semeur et nous compare à une terre qui est, soit bonne, soit caillouteuse, soit pas assez profonde. Cette comparaison me pose un problème, même après l’explication que Jésus en fait aux disciples. Finalement la terre dans laquelle la parole de Dieu est semée, c’est chacun de nous et cette terre est plus ou moins fertile, mais y pouvons-nous quelque chose ? Ce qui me gène dans cette parabole, c’est qu’il semble y avoir des bons et des mauvais, et tant pis pour ceux qui ne sont pas une « terre favorable », ils ne pourront pas produire de fruit. En fait, en relisant l’Evangile, nous voyons que Jésus ne nous dit jamais que nous sommes cette terre, mais que la parole de Dieu est semée dans cette terre et cette terre nous précise l’explication qui suit, c’est notre cœur. On pourrait dire que c’est notre vie spirituelle, notre capacité d’aimer. Même si ce cœur est la partie la plus importante de la personne humaine, la personne ne se réduit pas à ce cœur, ce qui signifie, qu’elle est responsable de ce cœur, qu’elle a un pouvoir sur lui. Si mon cœur est sec, c’est finalement bien de ma faute, ce n’est pas une fatalité, ce n’est pas parce que la nature l’a rendu au départ, moins réceptif à la parole. On ne nait pas mauvais ou bon ou plus ou moins bien disposé à la vie spirituelle, ou plus ou moins religieux. J’entends parfois des personnes qui me disent : « un tel ! Il n’est pas naturellement religieux » sous entendu : il est trop actif, donc pas assez contemplatif, il est trop fêtard ou que sais-je encore ? Regardez saint Pierre, l’un des plus grands saints de l’histoire de l’Eglise : il a un tempérament très actif, il est impétueux, fougueux, sanguin et un peu « primaire ». Pourtant c’est un authentique contemplatif, un homme dans le cœur duquel la parole de Dieu a porté un fruit étonnant. C’était, certes, un grand pécheur mais ce pécheur s’est converti, il a été buriné par le Seigneur, il s’est corrigé, transformé, il a travaillé sa terre pour que, avec la grâce de Dieu, il puisse la rendre féconde. Nous ne sommes pas plus ou moins bien disposés à recevoir Dieu, ou à pratiquer la religion, ou à prier. Tout cela, ce sont des excuses que nous nous donnons parce que nous ne voulons pas faire l’effort de disposer nos cœurs à recevoir Dieu. Tous, quel que soit notre caractère, nos prédispositions, et même notre éducation, nous sommes Capax Dei, capables d’accueillir la grâce de Dieu. Et si certains sont tonitruants, ils seront appelés à devenir des saints tonitruants, et si certains sont timides, ils seront des saints discrets. Cela ne signifie pas qu’il ne faille pas réfléchir et nous transformer. Nous avons le devoir de nous dire : « quelle terre suis-je ? » et nous transformer intérieurement pour pouvoir porter du fruit. Pour cela nous devons nous connaître, apprendre à savoir quel est notre caractère, notre éducation, nos tendances naturelles, puis nos défauts mais aussi et surtout nos qualités, pour les développer. C’est avec tout ce que nous sommes que le Seigneur veut produire du fruit, y compris avec nos défauts et notre péché, à condition que nous les reconnaissions et que nous nous précipitions dans ses bras pour accueillir le pardon régénérateur. J’aime beaucoup ce livre de Tim Guénard, plus fort que la haine, où, après nous avoir raconté sa vie, une vie de souffrance et d’humiliation, il nous rappelle que le Seigneur est capable de faire des miracles même si notre péché semble avoir causé des dommages irréparables. Je ne pense pas qu’on puisse imaginer de vie pire que celle de Tim Guénard dans les premières années de sa vie. Il a vécu des horreurs et il était à deux doigts de sombrer totalement. Il voulait se venger ! Sa vie, il l’a dit lui-même, c’était un tas d’ordure ! Et puis ces déchets, ces souffrances, ces humiliations et ces péchés, grâce à l’action providentielle de Dieu, sont devenus un engrais. Il n’a pas fait abstraction de sa vie passée, il n’a pas refusé ce qu’il avait vécu, il n’a pas nié sa propre responsabilité et son péché, mais il a accepté que le Seigneur reprenne tout et en fasse une bonne terre. Si vous avez des blessures, des handicaps, si votre éducation vous a éloigné de Dieu, si votre péché vous semble une montagne, vous pouvez en faire le lieu où le Seigneur germera à condition d’accepter sa miséricorde et son amour, à condition de vous laisser transformer pas lui. Alors, s’il le faut, la montagne de votre péché deviendra une montagne fertile sur laquelle le bon grain donnera du fruit. A Madagascar, on appelle cela le riz de montagne, qui est excellent ! Ne rêvez pas votre vie, affrontez-la s’il le faut ; ne rêvez pas que vous êtes des saints, soyez-le dès maintenant ! Souvenez vous cette belle prière que je vais lire pour terminer et qui nous rappelle que le Seigneur nous aime tel que nous sommes, transformés par son pardon, et qu’il attend de nous que nous aimions à notre tour et que nous portions du fruit. Dans cette prière, c’est le Seigneur qui parle :

« Je connais ta misère les combats et les tribulations de ton âme ; la faiblesse et les infirmités de ton corps ; je sais ta lâcheté, tes péchés, tes défaillances ; je te dis quand même : « Donne-moi ton cœur, aime-moi tel que tu es ».

Si tu attends d’être un ange pour te livrer à l’amour, tu ne m’aimeras jamais. Même si tu retombes souvent dans ces fautes que tu voudrais ne jamais commettre, même si tu es lâche dans la pratique de la vertu, je ne te permets pas de ne pas m’aimer.

Aime-moi tel que tu es. A chaque instant et dans quelque situation que tu te trouves, dans la ferveur ou la sécheresse, dans la fidélité ou l’infidélité. Aime-moi tel que tu es. Je veux l’amour de ton cœur indigent ; si pour m’aimer tu attends d’être parfait, tu ne m’aimeras jamais. Ne pourrais-je pas faire de chaque grain de sable un séraphin tout radieux de pureté, de noblesse et d’amour ? Ne pourrais-je pas, d’un seul signe de ma volonté, faire surgir du néant des milliers de saints, mille fois plus parfaits et plus aimants que ceux que j’ai créés ? Ne suis-je pas le Tout-Puissant ? Et s’il me plaît de laisser pour jamais dans le néant ces êtres merveilleux et de leur préférer ton pauvre amour !

Mon enfant, laisse-moi t’aimer, je veux ton cœur. Je compte bien te former, mais, en attendant, je t’aime tel que tu es. Et je souhaite que tu fasses de même ; je désire voir, du fond de ta misère, monter l’amour. J’aime en toi jusqu’à ta faiblesse. J’aime l’amour des pauvres ; je veux que de l’indigence s’élève continuellement ce cri : « Seigneur, je vous aime ». C’est le chant de ton cœur qui m’importe. Qu’ai-je besoin de ta science et de tes talents ? Ce ne sont pas des vertus que je te demande ; et si je t’en donnais, tu es si faible que, bientôt, l’amour-propre s’y mêlerait ; ne t’inquiète pas de cela. J’aurais pu te destiner à de grandes choses ; non, tu seras le serviteur inutile. Je te prendrai même le peu que tu es car je t’ai créé pour l’amour. Aime ! L’amour te fera faire le reste sans que tu y penses ; ne cherche qu’à remplir le moment présent de ton amour.

Aujourd’hui, je me tiens à la porte de ton cœur comme un mendiant, moi, le Seigneur des Seigneurs. Je frappe et j’attends ; hâte-toi de m’ouvrir. N’allègue pas ta misère, ton indigence, car si tu les connaissais pleinement, tu mourrais de douleur. Cela seul qui pourrait me blesser le cœur, ce serait de te voir douter et manquer de confiance. Je veux que tu penses à moi à chaque heure du jour et de la nuit ; je ne veux pas que tu fasses l’action la plus insignifiante pour un motif autre que l’amour. Quand il te faudra souffrir, je te donnerai la force ; tu m’as donné l’amour, je te donnerai d’aimer au-delà de ce que tu as pu souhaiter. Mais souviens-toi : Aime-moi tel que tu es ! »

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