Chargement du site...
Les évêques
Relevez la tête !

Publié le 02 décembre 2018

Relevez la tête !

Alors que de nombreux français éprouvent le besoin d’exprimer, dans la rue, leur colère, leurs attentes, leurs revendications, laissons-nous toucher par la parole de Dieu qui nous indique les vraies raisons d’espérer. Il me semble en effet que, même si de nombreux de nos contemporains vivent dans la pauvreté, dans la précarité, ce dont tous souffrent, en particulier dans nos sociétés occidentales dont le niveau de vie est très au-dessus du reste de la population mondiale, c’est du manque d’une espérance profonde qui remplisse les cœurs et les âmes. Quel que soit leur niveau de vie, derrière le cri des gens, il y a la soif d’être aimé, d’être reconnu, d’être pris en compte ; il y a aussi la peur de la mort. Oui notre monde meurt, assoiffé d’une espérance que l’individualisme et la course à la consommation ne comblent pas. Les biens matériels sont devenus des idoles, synonymes de bonheur, bonheur qu’on a parfois du mal à distinguer du bien-être, parce que malheureusement ces deux réalités se confondent lorsque nous n’avons plus la foi ou que nous sommes trop repliés sur nous-mêmes.

La vérité, c’est que pour vivre le bonheur que Dieu nous promet, pour que tous les êtres humains puissent vivre dignement, pour que nous ne vivions plus au-dessus de nos moyens, et que la nature soit préservée, il va falloir que nous acceptions une certaine décroissance. Une vie simple est d’ailleurs plus souvent synonyme de bonheur qu’une vie fondée sur le matérialisme.  C’est à ce constat que veut nous conduire le pape François, en particulier lorsqu’il crée le dicastère pour le développement humain intégral. Ecoutons d’abord la parole du Prophète qui nous dit : « Voici venir des jours où j’accomplirai la promesse de bonheur que j’ai adressée à la maison d’Israël et à la maison de Juda. » Depuis toujours Dieu nous fait cette promesse de bonheur et cette promesse ne concerne pas seulement la vie éternelle par opposition à la vie d’ici-bas, elle concerne bien notre vie quotidienne d’aujourd’hui. Depuis que Dieu nous a fait cette promesse, depuis Abraham en passant par Moïse, David et Isaïe, il a envoyé son Fils qui nous a fait cette même promesse à de multiples reprises dans l’Evangile ; en particulier à travers les béatitudes : « Bienheureux ceux qui pleurent, ils seront consolés, bienheureux les doux, ils recevront la terre en héritage, bienheureux les miséricordieux, ils obtiendront miséricorde, bienheureux les artisans de paix, bienheureux ceux qui sont persécutés pour la justice » Dieu nous promet le bonheur, mais des pays vivent de terribles guerres, des hommes et des femmes meurent assassinés, des pauvres sont à nos portes et n’ont pas de quoi se loger ou se nourrir, et je ne me sens pas la force de leur dire : « Bienheureux ceux qui pleurent, bienheureux ceux qui sont persécuté pour la justice ». Pourtant, si je ne me sens pas cette force de le dire, certains ont la force de le vivre, et cela me plonge dans une grande admiration et me redonne l’espérance. Ainsi ces futurs martyres d’Algérie qui seront béatifiés à Oran samedi, en passant par ceux qui vivent la compassion, la charité, dans les hôpitaux et les EHPAD, dans les associations qui servent les plus pauvres. Ils sont la lumière du monde et le sel de la terre. Le bonheur ce n’est pas une vie confortable et sans souffrance. Le bonheur, c’est qu’au cœur de la vie, avec ses souffrances et ses drames, il y ait encore des hommes et des femmes qui ont la force d’aimer et de rester debout, dignes, témoins d’une espérance ! Oui la voilà la radicalité de l’Evangile. Je n’ai pas toujours la force de la proclamer, mais certains ont la force de la vivre.

L’Espérance, c’est qu’au cœur de la difficulté, l’amour de Dieu soit encore annoncé et vécu concrètement, comme à l’époque du prophète Jérémie. Revenons sur le contexte de la première lecture : le prophète a eu le courage de rappeler la promesse de bonheur du Seigneur dans un contexte dramatique : celui de la déportation à Babylone. La ville avait été asservie, le peuple décimé, les prisonniers déportés, le Temple détruit et avec lui tous les espoirs d’Israël. Et le prophète de proclamer en substance : « Réjouissez-vous, il viendra sans tarder le prince de la paix ! » Mais David est venu et la paix n’est pas là, et Jésus, le Fils, est venu et la paix n’est pas là ! Le rôle du prophète qui nous semble un peu provocateur quand il se met toujours en contradiction avec ce que vit le peuple, c’est de nous inviter à réfléchir et à avoir l’attitude juste, à donner un sens à ce que nous faisons, à orienter nos réactions pour qu’elles contribuent au bien, à notre bonheur et à celui des autres.

Ces temps-ci, dans une méditation que j’ai faite à partir d’un passage de la Genèse, celui de la tentation par le serpent, j’ai été saisi par cette phrase par laquelle Adam et Eve ont été tentés : « Vous serez comme des Dieu » ! Ce petit mot « comme » m’a renvoyé aussitôt à ce même mot employé par Jésus quand il nous dit : « Aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimé » ou « soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait ! » D’un côté le démon nous propose d’être comme des dieux, de l’autre Jésus nous invite à agir comme Dieu. La voilà la grande différence. D’un côté il y a ceux qui se prennent pour Dieu, qui veulent se mettre à la place de Dieu, qui agissent au nom de Dieu, et qui osent dire ce que Dieu pense et ce qu’il veut ; d’un autre côté il y a ceux qui nous invitent à agir comme Dieu. Ces derniers sont des croyants humbles et fidèles qui ont choisi la voie de l’obéissance du cœur. Les autres ont succombé à la méta-tentation, à la tentation démonique, celle de se prendre pour des dieux. Cette tentation, elle peut être aussi la nôtre : tentation de certains croyants un peu trop zélés et mal éclairés qui croient savoir avec un aplomb déconcertant où se trouve la volonté de Dieu et refusent, souvent par peur, de s’affronter à la complexité du réel. Tout devient simple voir simpliste et il suffit d’appliquer le manuel du bon croyant. Nous voyons à quel point cette tentation existe. Il est tellement plus facile d’appliquer sans réfléchir, c’est-à-dire en éteignant la conscience des règles qui semblent venir d’en-haut alors qu’elles ne sont que des tentations de toute puissance. C’est à partir de ce refus d’appréhender la complexité du réel qu’ont germées les grandes idéologies liberticides puis les dictatures du XXème siècle. Cette même tentation peut pourtant avoir des expressions bien différentes. Il est tout aussi dangereux de vouloir refuser Dieu, parce qu’automatiquement on fait de soi-même un Dieu. D’un côté la tentation autoritariste génère des comportements grégaires, de l’autre la tentation d’une liberté mal comprise sombre dans un individualisme tout aussi mortifère. Dire, comme on l’entend souvent actuellement dans nos médias : « laissez-moi faire ce que je veux, comme je veux, où je veux, avec qui je veux » provoque des drames, et aussi des morts en masse. Mais ceux-là semblent plus doux parce qu’ils sont plus lointains. Cet individualisme érigé en bien absolu par nos sociétés de surconsommation provoque des drames écologiques et sociaux de très grande ampleur à cause desquels, par exemple 800 millions de personnes ne mangent pas à leur faim dans le monde. Le voilà l’enjeu du développement intégral dont nous parle François. Le pape nous alerte avec force, dans Laudato Si contre les deux comportements et renvoie les autoritaires et les individualistes à leurs contradictions.

Dans l’Evangile, Jésus nous invite à veillez, c’est-à-dire à réfléchir, à être attentifs aux autres, à prier et à nous donner. Quand vous verrez ces signes, nous dit-il, ces signes terribles d’un monde qui s’écroule, ne baissez pas la tête comme ceux qui ont peur mais levez la tête et regardez Jésus, le prince de la paix. Il nous indique, encore et toujours la clé du bonheur. Pour être heureux ne cédez jamais à la tentation du repli sur vous-mêmes, repli identitaire ou repli égoïste. Je suis triste de voir que certains prônent comme réaction lorsqu’un acte terroriste a lieu : « surtout ne changez rien » Sous-entendu : « surtout continuez de vivre de façon égoïste, consommez, mangez, buvez, faites la fête » Je reprends ici, à peu de chose près, les paroles de Jésus dans l’Evangile quand il nous dit : « Tenez-vous sur vos gardes, de crainte que votre cœur ne s’alourdisse dans les beuveries, l’ivresse et les soucis de la vie ! » Je n’ai rien contre le fait d’aller au concert ou au restaurant. Récemment je suis allé au concert, la semaine dernière je suis aussi allé au restaurant et j’y ai même bu du vin. J’ajoute que j’aime le foot. Mais là n’est pas le but de ma vie ! Si ces petits plaisirs de la vie sont importants et contribuent parfois à me rendre joyeux, ce ne sont pas eux qui me rendent heureux. Jésus nous veut veilleur. Or un veilleur est une personne qui sait entendre les signes des temps, et qui pour cela est à l’écoute de la société, de ses difficultés et de ses combats ; c’est une personne qui est libre, d’abord par rapport à elle-même, à ses passions désordonnées et à ses tendances égoïstes ; c’est une personne qui, enfin, sait relever la tête et voir au dessus d’elle la présence d’un Dieu qui lui évite de se prendre pour Dieu et surtout qui l’aime et lui fait confiance.

Mon bonheur, ce n’est pas de jouir de la vie, c’est d’être aimé infiniment par un Dieu qui a donné sa vie pour moi et qui m’invite à donner la mienne pour mes frères. Au milieu du malheur, de telles personnes ont éclairé le monde par leur témoignage héroïque. Oui l’espérance existe. Elle se trouve dans le cœur de ces hommes et ces femmes qui savent relever la tête. C’est ce à quoi nous invite ce temps de l’avent. Sachons répondre simplement et avec courage à l’invitation de Jésus qui nous invite à la seule réaction qui soit digne du chrétien : la sainteté ! Amen

En savoir plus

événements à venir
Découvrez notre magazine
Eglise à Lyon n°71 avril 2024

Suivez-nous sur
les réseaux sociaux