Article réalisé à partir des propos recueillis par Chiara Biagioni (SIR)
Emmanuel Gobilliard, évêque auxiliaire de Lyon, revient pour l’agence italienne SIR sur le procès qui, du 7 au 9 janvier, a vu le cardinal Philippe Barbarin, aux côtés de 5 autres responsables du diocèse, répondre au tribunal, de non dénonciation de violences sexuelles commises par le prêtre Bernard Preynat.
« Il y a eu un procès, un procès qui a été aussi une bataille entre avocats, mais au cœur de ce procès il y avait des hommes, des hommes qui ont souffert et souffert terriblement ». C’est ainsi que commence le long récit que Monseigneur Emmanuel Gobilliard, évêque auxiliaire de Lyon, a fait ce matin à l’agence SIR, du procès qui, du 7 au 10 janvier, a vu le cardinal Barbarin, aux côtés de cinq autres responsables du diocèse, répondre au tribunal pour non dénonciation de violences sexuelles commises par le prêtre Bernard Preynat, sur de jeunes scouts, entre 1986 et 1991. Monseigneur Gobilliard a été présent au procès à la demande du cardinal Barbarin, pour représenter le diocèse de Lyon. Trois jours pendant lesquels le diocèse a été mis au centre de l’attention médiatique de toute la France. Alexandre, François, Mathieu, Stéphane… les victimes ont témoigné à la barre, un par un, du traumatisme causé par les abus et de l’enfermement dans le silence auquel ils ont été contraints. Les victimes ont eu une force et un courage incroyables pour venir raconter leur histoire. J’ai eu avec certains d’entre eux des échanges bouleversants.
Nous avons vu aussi tant de rage. Comment avez-vous vécu de la part de l’Eglise cette rage ?
Vraiment je n’ai pas perçu de rage. J’ai plutôt entendu un cri. Alexandre a crié sa souffrance et en le faisant il a été vrai et profondément humain. J’en suis resté très touché. La chose la plus importante maintenant est de permettre à ce cri de s’exprimer, autrement il ne pourra jamais y avoir de rencontre possible et la vérité ne pourra être connue.
Le procès a été repris par les caméras. Dans les images nous avons vu une Eglise humiliée. Est-ce ainsi que cela s’est passé ?
Oui, bien sûr. Nous avons vécu tout cela comme une blessure. C’était intéressant de voir dans la salle du procès un mouvement singulier : d’une part les victimes humiliées dans leur corps, humiliées par un profond sentiment de culpabilité, humiliées par le silence, arrivant avec les épaules recourbées par la douleur. Puis, nous qui baissions la tête. À mesure que nous entendions leur douleur, à mesure que nous nous courbions, les victimes relevaient la tête. Dans la mesure où le cardinal et nous étions atteints par la honte de ce qui s’était passé, eux, parvenaient à relever la tête. Je pense qu’il ne pourra jamais y avoir de vraie réconciliation, que jamais nous ne pourrons rejoindre les victimes, si nous n’agissons pas avec humilité, si nous restons dans une attitude de défense et de justification. Quand j’ai échangé quelques mots avec François Devaux c’était avec un profond sentiment d’humiliation, pour lui dire : oui, nous sommes des pécheurs.
La France attend une parole claire de la part de l’Eglise. Quel message voulez-vous donner au terme de cette expérience lyonnaise ?
Je répondrais avec la citation d’une victime. « Faisons en sorte que jamais plus de telles choses ne se reproduisent ». Mais à cette citation je voudrais ajouter : faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour qu’il n’y ait plus jamais les conditions qui ont permis ses actes. Et les conditions dans lesquelles ces actes se sont produits, étaient directement liées au climat de cléricalisme qui se vit dans l’église. Alors, demandons à ne pas être traité pour ce que nous ne sommes pas. Nous sommes seulement des serviteurs et des pêcheurs. Ce que nous sommes est lié uniquement à un ministère, qui est difficile à vivre, et que nous cherchons à vivre pleinement, mais nous vous le demandons : « ne nous mettez plus sur des piedestals » !