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Les évêques
Bienheureux ceux qui ont un coeur de pauvre

Publié le 17 juin 2019

Bienheureux ceux qui ont un coeur de pauvre

Introduction de Mgr Emmanuel Gobilliard – pèlerinage de Lourdes 2019.

 

Avant d’entrer dans le cœur de ce que je voudrais vous dire, permettez moi d’évoquer différents types de pauvreté. Sur le thème de la pauvreté, il peut nous arriver de nous tromper, en exaltant une pauvreté matérielle que certains subissent douloureusement, qui est injuste et indigne et que nous devons combattre par tous les moyens. Concernant cette pauvreté-là, avilissante et humiliante, il serait dangereux d’évoquer la première béatitude, sauf pour dire à ceux qui la vivent, que le Seigneur ne les a pas oubliés, que, comme pour Bernadette dont la famille était dans la misère, la Vierge Marie les considère comme des personnes, avec un infini respect, une maternelle tendresse. L’autre erreur dans laquelle nous de devons pas tomber est celle du discours culpabilisant à l’égard de ceux qui vivent dans le confort, qui ont réussi professionnellement. Dans tous les milieux, dans le monde du spectacle comme dans la brousse malgache, dans les hôpitaux, les bidonvilles de Rio ou de Bombay, comme dans les beaux quartiers de Paris, j’ai vu des personnes extraordinaires et d’une magnifique pauvreté intérieure, d’une belle générosité. J’y ai vu aussi des gens malhonnêtes, orgueilleux et avares. Il m’arrive aussi d’être alternativement tout cela, d’être tantôt généreux, tantôt égoïste, de faire ce que je ne voudrais pas faire et souvent de ne pas faire ce que je voudrais faire et que le Seigneur attend de moi. Le monde est compliqué ; l’homme est compliqué et il serait dangereux de séparer le monde entre des bons et des méchants.

En revanche le Seigneur nous appelle à une pauvreté évangélique qu’il exprime dans son discours sur la montagne, à une pauvreté intérieure, qui passe aussi par une sobriété extérieure et que lui-même a vécue. Cette pauvreté est également choisie par de nombreux témoins de l’Evangile comme par des religieux et religieuses. Elle est ce qu’on appelle un conseil évangélique.

Le modèle, dans ce domaine c’est toujours Jésus. Saint Paul l’exprime magnifiquement dans la deuxième épitre aux corinthiens : « Vous connaissez en effet le don généreux de notre Seigneur Jésus Christ : lui qui est riche, il s’est fait pauvre à cause de vous, pour que vous deveniez riches par sa pauvreté. »

Il aurait pu rester bien tranquille dans son ciel de Gloire, dans l’amour Trinitaire. Il a choisi de venir habiter parmi nous, de revêtir notre pauvreté, notre souffrance, notre misère…pour nous en délivrer, pour nous faire participer à sa divinité. Mais quelle pauvreté est-il venu rejoindre. A quelles souffrances est-il venu répondre. Pendant quelques instants, je voudrais que nous lui ouvrions nos cœurs, pour qu’il vienne lui-même rejoindre nos pauvretés, nos souffrances, nos blessures, mais aussi nos péchés, nos replis sur nous-mêmes, nos infidélités et nos trahisons, comme il a rejoint avec tellement de compassion l’humiliation de la Samaritaine, les blessures du Zachée, la trahison de Pierre. Oui Seigneur, découvre-moi mes pauvretés, mes misères, mes blessures. En venant à Lourdes, je vous te les ouvrir pour que, par ta parole, par l’onguent bienfaisant de ta miséricorde, par la charité que mes frères exercent à mon égard, tu me guérisses. Nous aspirons tous à être guéris par Jésus. Tous nous souffrons de ces deux grandes souffrances de l’humanité et auxquelles il est venu répondre : la souffrance de ne pas être assez aimés et la grande souffrance qu’est la peur de la mort.

Oui nous avons tous besoin d’être aimés, d’être reconnus, d’être valorisés, d’être pris en compte, et nous souffrons de ne pas l’être assez. C’est ce qui se cache derrière toutes ces revendications de nos concitoyens, c’est ce qui se cache derrière nos plaintes et nos gémissements. Nous nous plaignons souvent, comme les Hébreux dans le désert, mais, dans le fond, nous exprimons tous la même souffrance : nous avons besoin d’être aimés. Notre cœur est un puits d’amour, insatiable. La Samaritaine en est l’étonnante expression. Elle avait honte d’elle-même, de sa vie. Assoiffée d’être aimé, plusieurs fois délaissée, rejetée par tout un village, elle a perdu l’espérance ; Bernadette a vécu cette honte familiale du rejet. Que fait Jésus : il se fait pauvre ! Devant nos pauvretés, face à nos cœurs assoiffés, il nous demande à boire et nous rétablit dans une dignité que nous croyions perdue. Il donne à la Samaritaine la joie de donner et finalement c’est lui qui lui redonnera l’espérance, qui la comblera de l’eau vive de son amour infini. Il y a une stupéfiante ressemblance avec Lourdes. La Vierge Marie a besoin de Bernadette, pour qu’elle gratte la terre et découvre une source. Elle nous rappelle ainsi comment le Seigneur Jésus est venu rejoindre notre misère, notre péché, pour nous inonder de son amour et de son pardon, pour nous plonger dans les sources vives du baptême, de sa vie ! L’autre grande souffrance que Jésus vient rejoindre pas sa résurrection, par le mystère pascal, c’est la peur de la mort, qui s’exprime aussi dans la souffrance qui est liée à la maladie ou à la vieillesse. Concernant cette souffrance aussi Jésus vient à nos côtés comme un ami, pour nous apprendre, petit à petit, à nous laisser faire par lui, à nous abandonner dans la confiance. Il est avec nous pour vivre la pauvreté de la dépendance. Pour cette béatitude des pauvres de cœur, comme pour chacune des béatitudes, Jésus est le premier à l’avoir vécue et à la vivre en nous. La caractéristique principale du pauvre, c’est d’être dépendant, d’avoir besoin des autres. Eh bien Jésus a vécu concrètement cette pauvreté. Cela me rappelle le magnifique poème de Rabindranath Tagore. Il s’agit d’un pauvre mendiant qui apprend que le roi va passer dans son pays. Voilà ce qu’il dit :

« J’étais allé, mendiant de porte en porte, sur le chemin du village lorsque ton chariot d’or apparut au loin pareil à un rêve splendide et j’admirais quel était ce Roi de tous les rois ! Mes espoirs s’exaltèrent et je pensais : c’en est fini des mauvais jours, et déjà je me tenais prêt, dans l’attente d’aumônes spontanées et de richesses éparpillées partout dans la poussière. Le chariot s’arrêta là où je me tenais. Ton regard tomba sur moi et tu descendis avec un sourire. Je sentis que la chance de ma vie était enfin venue. Soudain, alors, tu tendis ta main droite et dis : « Qu’as-tu à me donner ? » Ah ! quel jeu royal était-ce là de tendre la main au mendiant pour mendier ! J’étais confus et demeurai perplexe ; enfin, de ma besace, je tirai lentement un tout petit grain de blé et te le donnai. Mais combien fut grande ma surprise lorsque, à la fin du jour, vidant à terre mon sac, je trouvai un tout petit grain d’or parmi le tas de pauvres grains. Je pleurai amèrement alors et pensai : Que n’ai-je eu le cœur de te donner mon tout ! »

Le plus bel acte d’amour de notre Dieu, c’est de s’être humblement rendu dépendant de sa créature, d’un homme et d’une femme, de Joseph et de Marie ! Il s’est remis entre leur mains, comme il se remet entre nos mains dans l’Eucharistie. Il dit ainsi à chacun d’entre nous : « J’ai besoin de toi ». Je ne peux venir dans ton cœur que si tu m’y accueilles librement. Je dépends de ton « Oui » !

A notre tour, à l’imitation de notre Seigneur, comme des pauvres de cœur, tournons-nous vers Lui et disons-lui : « Seigneur j’ai besoin de toi, sans toi je ne suis rien, je ne peux rien faire. Sois mon tout, mon unique espérance ! »

N’ayons pas peur non plus de nous tourner vers les autres, vers notre conjoint, vers nos enfants, nos amis, ceux qui nous entourent pour leur faire cette belle déclaration d’amour : « j’ai aussi besoin de chacun d’entre vous ! »

C’est ce que nous vivons dans notre pèlerinage diocésain. Nous avons tous besoin les uns des autres. Je vois des jeunes au service des plus âgés, des hospitaliers au service des malades, mais je ne saurais pas dire lesquels ont le plus besoin des autres. Comme le disait en substance Jean Vanier, ceux qui ont des pauvretés apparentes nous rappellent que nous avons tous des pauvretés cachées, et qu’à cause de ces pauvretés, nous avons tous besoin de Dieu, nous avons tous besoin les uns des autres.

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Photo ©Diocèse de Lyon

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