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Les évêques
« Le diable a peur des gens heureux »

Publié le 17 février 2018

« Le diable a peur des gens heureux »

Jésus est poussé au désert par l’Esprit, il y est tenté par le démon et l’Evangile nous dit qu’il vit parmi les bêtes sauvages.

Cette précision est plus importante qu’on ne le croit. Elle nous rappelle la prophétie d’Isaïe, le petit enfant jouera sur le nid du cobra, le loup habitera avec l’agneau, la panthère se couchera avec le chevreau, la création sera renouvelée, la paix rétablie, le combat achevé.

Cela nous renvoie à cette première lecture du livre de la Genèse.

Le Seigneur veut purifier la terre du mal qui l’habite mais il choisit l’homme juste et sa famille qui en sont préservés. Aujourd’hui, le Seigneur veut aussi purifier nos cœurs du mal qui l’habite mais il a promis qu’il n’enverrait plus le déluge sur l’humanité. Prions pour qu’il envoie ce déluge dans nos cœurs, ce déluge intérieur qu’est le baptême ; les eaux du baptême sont données par le Seigneur pour engloutir le mal, le submerger, nous défendre et nous délivrer. Les eaux du baptême sont comme un rempart pour notre foi, pour que le Seigneur puisse marcher dans nos cœurs, ce rempart qui était celui que Dieu a donné à Israël pour qu’il traverse la mer rouge. Le rempart de la mer qui permet aux peuples de traverser, ce même rempart qui engloutit le mal, symbolisé par l’Egypte et ses guerriers. Ce combat n’est pas tout à fait achevé, il prend une forme nouvelle, plus personnelle, une forme davantage révélée dans cette période de Carême que nous allons vivre. Nous devons nous laisser toucher par les eaux du baptême, nous devons engloutir en nous le mal, nous défendre contre l’ennemi et recevoir en plénitude la grâce, c’est-à-dire la présence de Dieu.

Dans le chapitre XIII de Saint Jean, le Seigneur nous dit : « Le serviteur n’est pas plus grand que son maître » : le Seigneur a été tenté au désert et nous serons tentés, le Seigneur est tenté pour nous ouvrir la voie et en même temps pour nous donner les armes de la victoire. Ces armes dont parle Saint Paul quand il nous demande de laisser le Seigneur combattre en nous : « Rendez vous puissants dans le Seigneur et dans la vigueur de sa force. Revêtez l’armure de Dieu. » (Eph 6, 10)

Ce combat est mené par ceux qui aiment Dieu et le curé d’Ars dit : « Le démon ne tente que les âmes qu’ils veulent sortir du péché », cela signifie que la tentation du démon n’est pas nécessairement un mauvais signe ; elle est mauvaise mais ce n’est pas forcément un mauvais signe : elle est le signe que nous avons le désir de sortir du péché et que nous avons franchi la première étape, l’étape qui est la lutte contre nous même parce qu’il est parfois facile de mettre le démon dans toutes nos tentations alors que souvent, nos tentations, ce sont d’abord les tentations que nous nous créons nous-mêmes par notre médiocrité et par notre attachement à des biens secondaires.

Le démon n’intervient que lorsque l’âme est déjà touchée par le Seigneur, lorsqu’il y a un risque pour lui que l’âme puisse être totalement envahie par la présence divine ; c’est la première étape dont parlent les mystiques, comme Sainte Thérèse d’Avila dans la première demeure du château de l’âme. La première étape c’est lutter contre notre propre MOI, et là le démon sait très bien nous laisser, il s’occupe des autres, ceux qui sont déjà dans une certaine sainteté parce que nous avons bien du mal à nous dépêtrer de cette première demeure.

Pour nous rappeler quels sont les combats que nous devons mener, quels sont les démons qui nous habitent, je voudrais d’abord rappeler l’enseignement d’Evagre le pontique.

Evagre le pontique dit qu’il y a trois sortes de pensées : les pensées qui viennent de nous, celles qui viennent du démon et les pensées qui viennent de Dieu. L’épreuve qui vient de nous dans notre combat contre notre moi envahissant, l’épreuve qui vient du démon, qui voit le risque que l’âme lui échappe et l’épreuve qui vient de Dieu pour nous mener à la perfection, l’épreuve d’un père qui nous éduque, qui nous aime et qui veut nous rendre toujours meilleurs.

Ensuite l’enseignement de l’Eglise nous invite, dans sa sagesse, à reconnaitre en nous les sept démons qu’on appelle aussi les sept péchés capitaux.

Ces sept péchés capitaux peuvent être distingués en trois grandes parties.

Ceux qui touchent le corps, ceux qui touchent l’esprit et ceux qui touchent l’âme. Puisque nous devons mener un combat, il nous faut en connaitre les tenants et les aboutissants pour que nous puissions avoir les bonnes armes.

Le premier combat qui concerne le corps commence avec la gourmandise. Ce n’est pas nécessairement ce que l’on croit : ce n’est pas parce que j’apprécie un bon gâteau que je suis gourmand mais c’est lorsque je pense plus à moi qu’à Dieu, lorsque je cherche une consolation pour moi dans ce qui n’est pas Dieu, lorsque cette consolation devient trop envahissante. La gourmandise c’est aussi l’abus de la consommation. On peut tout à fait être gourmand de jeux vidéo, d’achats, de vêtements aussi bien que de sucreries ou de vin. C’est chercher sa consolation ailleurs qu’en Dieu. Nous pouvons tout à fait trouver des consolations dans les biens de la nature, à condition de ne pas en être dépendant et de ne pas en faire un absolu.

Le troisième démon : l’avarice.

C’est l’attachement désordonné aux biens matériels. Entre les deux, il y a ce qui envahit nos pensées, ce que l’Eglise appelle la fornication. Cela rejoint aussi la gourmandise : c’est vouloir chercher comme unique consolation des satisfactions en nous-mêmes ou dans les personnes qui nous entourent dans un but égoïste, sans les respecter ou sans respecter le choix de vie dans lequel elles se sont engagées.

Le deuxième chapitre, concerne l’esprit. Le quatrième démon c’est la tristesse.

Ce n’est pas l’affliction légitime que j’éprouve lorsque quelqu’un que j’aime va mal ; cela, c’est plutôt de la charité. La tristesse c’est la nostalgie du passé et de tout ce que j’ai laissé en essayant de me rapprocher de Dieu. Ce retour sur le passé qui me fait être triste de ce que j’ai quitté surtout lorsque ce que j’ai quitté concerne le premier chapitre. Souvent lorsqu’on a réussi à se libérer de la gourmandise, de certaines affections qui sont désordonnées, le démon met en nous la tristesse, comme pour nous faire reprendre nos mauvaises habitudes. C’est aussi le découragement qui pousse au désespoir.

Le cinquième démon, c’est la colère qui rend injuste, violent.

Le sixième démon, j’en ai parlé plusieurs fois en homélie, on l’appelle l’acédie (ou paresse spirituelle). C’est la lassitude des choses de Dieu et, pour que plusieurs d’entre nous se sentent concernés, j’ajoute que c’est le démon du milieu de la vie. C’est ce démon qui fait les croyants non pratiquants par exemple. C’est la déception des choses essentielles. On croit être déçu par Dieu : c’est la tentation d’aller voir ailleurs si c’est mieux.

Le troisième chapitre concerne l’âme. Septième démon : la vaine gloire : c’est tirer gloire de ses progrès spirituels. Pour nous éclairer, nous pouvons relire l’Evangile du pharisien et du publicain.

Enfin le huitième démon, c’est l’orgueil qui incite à ne pas reconnaitre l’aide de Dieu. Cette idolâtrie qui s’oppose à l’humilité, c’est le démon des origines : être comme des dieux ; c’est aussi, dans un domaine un peu différent, la tentation du satanisme. Ce sont ces philosophes qui ont relégué Dieu aux accessoires inutiles. Ce démon de l’orgueil, il se manifeste de différentes façons et il touche beaucoup de domaines de la vie spirituelle. Par exemple, lorsque je refuse de faire oraison parce que je pense que c’est inutile, cela peut être rattaché au démon de l’orgueil. Pourquoi ? Parce que l’oraison c’est se laisser toucher par Dieu, c’est laisser Dieu mener en nous le combat. C’est se reconnaitre impuissant face à toutes les attaques que je subis et reconnaitre que le seul qui a mené le vrai combat et qui nous conduit à la victoire, c’est le Christ. C’est le Christ en nous qui va combattre pour nous comme il nous l’a montré dans l’Evangile. Il est victorieux. L’orgueil, c’est écarter Dieu de notre souci de perfection.

Cela peut être aussi refuser les sacrements comme le lieu où le Seigneur agit, combat et remporte la victoire. Alors, après toute cette énumération qui nous permet de mieux nous connaitre, de connaitre les tentations auxquelles nous sommes confrontées, je voudrais donner quelques pistes de solutions, quelques armes.

D’abord, le démon ne peut rien contre nous si nous ne lui ouvrons pas la porte. C’est le mystère parfois incompréhensible de la liberté. Lui ouvrir la porte, c’est lui ouvrir une des huit portes. Il peut s’introduire par une porte et infester les sept autres. Alors, vous allez penser qu’on lui ouvre souvent la porte ! oui, nous lui ouvrons la porte à chaque péché, en particulier lorsqu’il touche l’un de ces démons que sont les péchés capitaux. Mais le Seigneur ne nous laisse pas et ne nous abandonne pas dans le combat. C’est la deuxième arme principale : il faut s’en remettre au Christ.

La miséricorde veut que si nous ouvrons la porte au démon, c’est Jésus lui-même qui vient la refermer dans le sacrement de sa miséricorde et de son pardon.

C’est pour cela que nous devons pratiquer régulièrement le sacrement de la réconciliation, y avoir accès souvent même si je n’ai pas commis de péchés graves, simplement pour que les petites portes qui sont les péchés véniels soient vite refermées et que le démon soit expulsé par la présence victorieuse du Christ.

Dans le sacrement de pénitence, je fais cet acte d’humilité qui est de demander au Seigneur de remporter en moi la victoire. Finalement, j’ai une troisième arme qui est très importante : le démon ne supporte pas la lumière. On l’appelle le prince des ténèbres. Alors tout ce qui est du domaine de la lumière, chasse le démon d’où l’importance de recourir à un père spirituel : mettre en lumière nos pensées celles qu’avaient précisées Evagre, pour que ce père spirituel, avec la grâce de Dieu, puisse nous dire celles qui viennent de nous, celles qui viennent du démon et celles qui viennent de Dieu.

Dans l’obscurité d’un isolement, nous risquons de prendre les unes pour les autres ; alors le démon peut faire en nous sa demeure. Si nous recourons à un père spirituel, nous chassons le huitième démon, celui de l’orgueil. Préférer la lumière, c’est donc laisser le Christ, qui vient à travers ses médiations humaines, remporter en moi la victoire.

Demandons au Seigneur d’être des enfants de lumière, reconnaissons que nous sommes tous tentés, que nous avons tous un combat à mener, que nous aurons tous à vivre cette lutte avec les huit démons dont je viens de parler. Etre des enfants de lumière, c’est prendre les armes de Dieu, de ses sacrements où il agit efficacement. Etre des enfants de lumière, c’est reconnaitre que le combat qui est mené par nous est remporté par le Christ. Pour conclure cette homélie qui finit par ressembler à une conférence d’entrée en carême, je vous rappelle que la lumière, qui vient chasser les ténèbres du péché, c’est aussi le bonheur profond que communique la vie de Dieu. Saint Jean Bosco, à ce propos a dit : « Rappelez-vous que le diable a peur des gens heureux ! »

Amen

Père Emmanuel Gobilliard


NB : Le lecteur, s’il consulte la liste des 7 péchés capitaux, pourra être surpris de ne pas les retrouver exactement dans cette homélie, d’abord parce qu’il en dénombrera 8 ! En effet on peut distinguer, et certaines traditions dans l’Eglise le font, l’orgueil et la vaine gloire dans la mesure où l’orgueil, c’est s’attribuer à soi-même ce qui vient de Dieu, ou pire, se prendre pour Dieu ou prendre la place de Dieu. La vaine gloire ou vanité, c’est, comme son nom l’indique, se vanter, sonner de la trompette dès que l’on a réalisé quelque chose de bien. La vanité prépare l’orgueil sans toujours se confondre avec lui. Pour ce qui est de l’envie ou jalousie qui n’apparaît pas, il faut le rattacher à ce qu’on a appelé la tristesse pour rappeler qu’on peut être envieux de ce que l’on a quitté pour se rapprocher de Dieu. Ainsi l’envie n’est pas seulement un regard jaloux sur les autres mais peut aussi concerner les mauvaises habitudes dont je me suis détaché, avec la grâce de Dieu.

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