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Les évêques
Homélie du 3ème dimanche de Pâques

Publié le 25 avril 2020

Homélie du 3ème dimanche de Pâques

Retrouvez ci-dessous l’homélie de Mgr Emmanuel Gobilliard pour le troisième dimanche de Pâques, dimanche 26 avril 2020.

 

Dans cet évangile, les disciples sont tristes, désorientés, découragés. Ils ont perdu l’espérance et ils n’ont plus la foi. Ont-ils vraiment eu la foi ? N’avaient-ils pas construit leur foi, leur espérance, sur ce qu’ils pensaient, sur ce qu’ils voyaient, sur des rumeurs aussi. Est-ce qu’ils n’avaient pas réduit Dieu à ce qu’ils en comprenaient, utilisé Jésus pour qu’il serve leurs intérêts politique, leurs idées, leurs propres perspectives, LEUR religion, sans faire l’effort d’entrer, eux-mêmes dans les perspectives de Dieu.

Toutes proportions gardées, je voudrais que nous nous inspirions de cet évangile pour vivre la conversion profonde que les disciples d’Emmaüs ont vécu. Leur religion était morte, ou mourante. Ils n’avaient pas compris leur mission, leur responsabilité ; ils n’avaient même pas compris qu’ils étaient chrétiens ! Nous aussi, nous devons accepter de nous dire que notre foi, notre espérance sont un peu vacillantes, que nous vivons parfois mal notre lien à l’Eglise, à la communauté, comme ces disciples qui fuient Jérusalem et la communauté des apôtres réunis au cénacle. Le Christ ressuscité a rejoint les disciples d’Emmaüs sur le chemin qu’ils avaient pris pour le fuir. Peut-être est-ce aussi ce qui est en train de se passer. Nous nous sommes trompés de chemin, et ce, depuis longtemps. Le Christ nous rejoint, même quand nous faisons fausse route. Il ne nous abandonne pas et ne nous réduit pas à nos péchés, à nos erreurs. Il nous explique les écritures, le sens de ce que nous vivons, il nous partage son pain, sa vie, et nous relève pour finalement nous envoyer, pour faire de nous ses témoins.

Pour voir le côté positif de ce que nous vivons, je pense que nous avons la possibilité d’une véritable transformation missionnaire. Vous savez, cette transformation dont nous parlons depuis quelques années à grand renfort de congrès, de conférences, d’ouvrages aussi originaux, intéressants les uns que les autres ; cette transformation que le pape François appelle de ses vœux depuis Evangelii Gaudium ! Nous avons un immense besoin de redécouvrir nos paroisses comme des communautés fraternelles et vivantes, comme des communautés où les uns et les autres se connaissent et se soutiennent, où les mariages ne sont pas seulement des fêtes privées qui rassemblent amis et cousins, mais un événement de toute la paroisse, où l’Eucharistie n’est pas seulement une cérémonie où on se croise sans vraiment se rencontrer, mais une source qui se déploie lorsque nous prenons en compte tous les habitants de la paroisse, et surtout les plus pauvres, et leurs souffrances. Dans quelques semaines nous aurons à vivre un défi considérable : le soutien à tous ceux qui auront perdu leur emploi, aux familles qui se seront déchirées, à tous les nouveaux précaires. Cette crise révèle des soifs et des attentes en même temps qu’elle pointe des dysfonctionnements et des préoccupations secondaires, vaines auxquelles il nous faut renoncer.

Certains me disent : « Je ne peux pas vivre sans l’Eucharistie ». Mais je suis tellement heureux d’entendre ce cri que je souffrais de ne pas l’entendre assez ! La communauté vit de l’Eucharistie.  L’Eucharistie, c’est la célébration, et nous ferons le maximum pour que, très vite ces célébrations aient lieu, c’est tellement important. Mais l’Eucharistie peut aussi être adorée et surtout, elle doit être vécue. En ce moment nous redécouvrons combien la rencontre intime avec le Christ est essentielle, combien la liturgie domestique, familiale, personnelle est aussi nécessaire. L’Eucharistie vécue, c’est le prolongement de la célébration dans notre vie quotidienne. Nous devons redécouvrir combien notre travail doit être pénétré d’esprit évangélique et de doctrine sociale de l’Eglise, combien nos loisirs ne doivent pas être des défouloirs mais des lieux où la charité peut aussi être vécue. Nous devons découvrir que notre vie n’est pas une somme d’activités sans lien les unes avec les autres, que nous ne sommes pas chrétiens seulement le dimanche à 10h30. Au fond, la crise actuelle nous rappelle que l’Eglise, ce n’est pas seulement quelques clercs sur qui on compte comme on compte sur son assureur ou son prestataire de service, que l’Eglise, c’est tous les baptisés, et qu’ils ont une mission. Oui chacun a une mission dans l’Eglise, et si vous ne le saviez pas, je vous invite à la chercher cette mission et à la vivre. Depuis le début de la crise sanitaire, je m’aperçois qu’il y a des chrétiens qui redécouvrent cette mission et qui la vivent de façon extraordinaire, dans les hôpitaux et les maisons de retraite aussi bien que dans leur travail ou leur famille. Certains ne peuvent pas supporter que des pauvres meurent de faim et que d’autres désespèrent ou vivent une solitude mortifère. C’est magnifique de voir combien ces chrétiens s’engagent concrètement. Des repas sont distribués. Dans certaines paroisses des personnes généreuses se rendent disponibles pour téléphoner, pour faire des courses, pour aider à prier, à célébrer, pour donner des conseils ou rendre divers services. Curieusement, à mesure que la communauté paroissiale vit des difficultés, la nécessité de la fraternité se révèle et on rivalise de créativité, d’ingéniosité. Vraiment j’ai vu de belles choses pendant ce confinement. Des prêtres ont fait de riches propositions et qu’on ne les accuse pas de se mettre en scène alors que leur intention, c’est d’enseigner, c’est d’encourager à la prière, au service. Les uns le font en célébrant la messe ou la liturgie des heures, les autres en créant des formations en ligne, en téléphonant à leurs paroissiens ou en se rendant disponibles aux malades et aux familles en deuil. A chacun sa mission ! A chacun de faire preuve d’inventivité. C’est plus facile de juger anonymement, de critiquer ou de régler ses comptes sur le dos de la crise. Dans cette période, nous sommes rejoints par Jésus, qui marche avec nous, qui nous explique le sens de ce que nous vivons, qui nous donne sa vie, et nous invite à nous convertir, c’est-à-dire à reprendre le chemin de Jérusalem, de l’Eglise, de la communauté. Il nous invite à avoir besoin de lui, à avoir besoin des autres ; il nous demande de ne plus avoir un rapport de consommateur, un rapport individualiste à la religion. La religion catholique n’est pas un club de pensée, la réunion de ceux qui ont les mêmes idées et qui s’y complaisent. Redécouvrons combien notre Eglise est belle, même souffrante, combien nos paroisses sont vivantes, et qu’elles ne se limitent pas à ce que nous en voyons, combien les besoins sont immenses. Oui la moisson est abondante, les ouvriers trop peu nombreux. Mais je suis sûr que dans cette crise, même si certaines réactions, qui s’expriment en particulier dans les réseaux sociaux, sont décevantes et mesquines, la plupart des réactions sont réjouissantes et font honneur à notre communauté chrétienne. Elles sont plus discrètes et ne font pas le buzz, mais elles sont authentiquement divines parce profondément humaines. Cette Eglise-là, qui est mue par l’Esprit, est un authentique témoignage pour notre monde et une invitation pour tous nos contemporains à redécouvrir le sens de la vie, la nécessité du lien avec nos anciens, le besoin vital que nous avons tous de respecter les corps mais aussi de rassasier les âmes. L’avenir nous réserve des choses difficiles, des remises en question, mais nous avons le devoir de le vivre comme les disciples, bouleversés par leur rencontre avec le Christ vivant et remplis d’une espérance nouvelle…de le vivre comme un défi. Ne cherchons pas le Christ où il n’est pas, dans nos vielles habitudes qui vident les églises plus sûrement que tous les virus, dans nos certitudes sclérosées, qui sont davantage des certitudes de nous-mêmes que des actes de foi au Dieu vivant. Cherchons-le dans le visage de ceux qui nous entourent et qui ont soif, reprenons le chemin de Jérusalem pour toucher ses plaies, dans les souffrances du monde en attente de salut, dans le cri d’une humanité qui s’est trompé de priorités et qui s’en rend compte. Offrons-lui la seule parole qui puisse sauver, la seule présence qui puisse nourrir leur espérance : notre Dieu, dont l’amour miséricordieux se révèle en Jésus ressuscité.

 

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