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Les évêques
Le Seigneur est monté au ciel pour que, par nous et avec l’aide de l’Esprit, sa mission se poursuive

Publié le 20 mai 2020

Le Seigneur est monté au ciel pour que, par nous et avec l’aide de l’Esprit, sa mission se poursuive

Découvrez ci-dessous l’homélie de Mgr Emmanuel Gobilliard pour la fête de l’Ascension, jeudi 21 mai 2020.

Le Christ est monté aux cieux, nous le proclamons dans le Credo, nous le célébrons aujourd’hui ; Cela signifie que notre humanité est auprès de Dieu, toute notre humanité, pas seulement notre âme, mais aussi notre corps. D’ailleurs nous ne savons pas bien ce que serait une humanité sans le corps. Nous ne sommes pas des anges, et nous ne savons pas vivre sans cette merveilleuse unité de l’âme, de l’esprit et du corps. Nous le rappelons aussi, d’une certaine manière, lorsque nous proclamons notre foi en la résurrection des corps. C’est par ce corps que nous agissons, que nous servons, que nous souffrons et que nous aimons, et toutes ces activités ont une valeur d’éternité. La foi en la résurrection des corps est difficile, mais nous ne pouvons pas imaginer être vraiment humain sans le corps, sans que notre vie soit incarnée. Le Verbe s’est fait chair pour que nous soyons accueillis au cœur de la Trinité, pour que notre humanité soit en quelque sorte, divinisée. La fête d’aujourd’hui nous le rappelle.

Cette fête, si nous lisons bien l’Evangile, nous dit autre chose. Elle nous dit que si le Christ échappe à nos regards, il se rend présent d’une autre manière. Les apôtres ont eu une chance immense d’avoir vu le Christ, d’avoir vécu avec lui, d’avoir assisté à ses miracles, à ses prédications. Comme le dit saint Jean dans le début de sa première épitre : « Ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé et que nos mains ont touché du Verbe de vie, nous vous l’annonçons. Oui, la vie s’est manifestée, nous l’avons vue, et nous rendons témoignage ». En nous mettant à leur place, nous comprenons combien ils ont dû être tristes de le voir partir, d’autant qu’avec ce départ ils comprennent que Jésus ne réalisera pas leurs rêves de puissance. Dans les lectures d’aujourd’hui, je suis étonné de voir que les apôtres en sont encore à espérer que Jésus sera un sauveur temporel. « Seigneur, est-ce maintenant le temps où tu vas rétablir le royaume pour Israël ? » Ils ont pourtant entendu plusieurs fois le Seigneur répondre à ces demandes. Jésus a souffert la passion, il a donné sa vie. Il est ressuscité, et le jour de l’ascension, ils n’ont toujours pas fait le deuil de ce pouvoir humain, politique qu’ils désirent. Aujourd’hui encore nous avons du mal à faire le deuil de la puissance et du pouvoir temporel, nous avons du mal à comprendre que Jésus a répondu une fois pour toutes à nos désirs mal ajustés, lorsqu’il a dit dans l’Evangile : « mon royaume n’est pas de ce monde ». De tout temps, dans l’histoire de l’Eglise, il y a eu cette tentation de vouloir établir un pouvoir politique, un règne du Christ compris comme une manifestation de notre puissance, de notre influence, comme si nous n’avions pas lu l’Evangile. A aucun moment vous ne trouverez cette justification dans la bouche de Jésus. En revanche, il ne cesse de nous reprendre pour nous demander de nous occuper de l’essentiel, et l’essentiel n’est pas seulement d’ordre spirituel, il est aussi temporel. Eh oui, nous avons un corps et nous ne pouvons pas vivre sans être en relation avec le monde. Jésus dit : « rendez à César ce qui est à César », mais il s’occupe de la vie concrète des gens : il les nourrit, il les guérit, il exhorte ses apôtres à se faire serviteurs, à venir en aide aux plus pauvres. Il ne s’implique pas dans la vie politique, mais il respecte cette vie politique. Il demande à Pierre de payer l’impôt, il montre en exemple la foi du fonctionnaire romain. « Jamais, dit-il, je n’ai vu une telle foi en Israël ». Il est important de revenir sur ce rapport entre le temporel et le spirituel dont parle l’Evangile d’aujourd’hui. En montant aux cieux, le Seigneur ne s’évade pas de notre condition humaine, de notre vie d’ici-bas et de nos préoccupations, mais il compte sur nous pour nous engager. Cette réflexion est encore très actuelle : on demande aux évêques de s’engager sur le plan politique, sur le plan juridique. Aujourd’hui ils sont critiqués de n’avoir pas été en justice pour défendre la liberté de culte. La question que je me pose est la suivante : qu’aurait fait Jésus à ma place ? Il n’aurait certainement pas porté plainte auprès des tribunaux, tout l’Evangile nous le dit. A son procès, alors qu’il aurait pu se défendre, il n’ouvre pas la bouche et nous invite à regarder plus haut. Les apôtres lui parlent de droit et de pouvoir temporel, il répond qu’il est venu pour nous sauver, du péché, de la mort. Il nous redit l’essentiel. Jésus attend de nous que nous soyons des pasteurs, de bons pasteurs, qu’à son exemple, nous prêchions la parole de Dieu, nous venions en aide aux plus pauvres, que nous accordions notre priorité et que nous déployions nos forces au service de la charité. A chaque fois que les clercs ont trop voulu se mêler de politique, ils y ont perdu leur âme et se sont détournés de leur vocation profonde. Est-ce à dire qu’il ne fallait rien faire ? Pas du tout ! Jésus a mis en valeur le fonctionnaire royal ! Il ne veut pas que les apôtres s’occupent de cela, mais il loue ceux qui s’engagent sur ce terrain. Je pense que c’est le rôle spécifique des laïcs. Par leur sacrement du baptême ils reçoivent une mission dans l’Eglise. Ils doivent s’engager dans la société aussi. La politique est un magnifique engagement. Chacun d’eux doit vivre sa mission, sa vocation comme une suite du Christ, et pour cela connaître la doctrine sociale de l’Eglise. Je suis heureux qu’il y ait des hommes et des femmes politiques pétris de l’Evangile, qu’il y ait des avocats chrétiens, des juges aussi, des médecins, des ouvriers, des entrepreneurs, des agriculteurs et des enseignants qui n’ont pas peur de donner leur vie au service de l’Evangile, sans prendre la place des pasteurs, sans vouloir non plus que les pasteurs soient multi-tâches. L’Eglise est un corps ! Elle n’est ni un parti politique, ni un syndicat. Nous avons tous besoin les uns des autres. En ce moment nous commémorons les 5 ans de l’encyclique Laudato Si dans laquelle le pape nous rappelle que tout est lié, que tout doit être imprégné de l’Evangile, le respect de la nature et le service du pauvre, les réalités politiques et économiques aussi, à condition qu’elles ne négligent ni le social ni le respect de la personne humaine.  C’est la mission de l’Eglise, mais l’Eglise est composée de différents membres qui ont chacun une vocation, une mission. J’ai relu ce matin le rituel de l’ordination des évêques. Je l’ai médité même, et j’ai demandé au Seigneur de m’envoyer son Esprit Saint pour que je demeure fidèle aux engagements que j’ai pris :

  • que je garde le dépôt de la foi selon la tradition reçue des apôtres,
  • que je travaille à l’unité dans l’Eglise,
  • que j’obéisse au pape,
  • qu’avec les prêtres, les diacres et tous les autres collaborateurs de mon ministère je prenne soin du peuple de Dieu,
  • qu’avec bonté et miséricorde j’accueille les pauvres, les étrangers, et tous ceux qui sont dans le besoin,
  • que j’annonce l’Evangile à tous et spécialement à ceux qui sont loin,
  • que je prie, que j’intercède auprès du Seigneur pour chacun de vous.

 

Voilà ma mission. Mais on ne peut pas demander aux évêques d’être des scientifiques, des médecins, des juristes, des chefs d’entreprise. On leur demande de prier, de former et de motiver tous ceux qui ont ces compétences, pour qu’ils soient au service du bien de tous, avec l’aide de l’Esprit Saint. Je vous invite à prendre conscience de votre mission et de vous engager, vous aussi, au service de l’Eglise et de la société. Le Seigneur est monté au ciel pour que, par nous et avec l’aide de l’Esprit, sa mission se poursuive. La fête d’aujourd’hui, comme le demande les anges, ne doit pas nous laisser dans le regret, la nostalgie, les yeux dans les nuages, mais elle nous rappelle que notre mission, elle est ici ! Que chacun remplisse sa mission et l’Evangile sera bien gardé !

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