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Les évêques
L’Eglise à l’image de cette basilique est un lieu de vie et de rencontre : ici, pas de fraternité sélective !

Publié le 28 septembre 2019

L’Eglise à l’image de cette basilique est un lieu de vie et de rencontre : ici, pas de fraternité sélective !

La célébration d’aujourd’hui revêt un caractère exceptionnel et providentiel à plus d’un titre. Nous avons l’impression que saint Bonaventure est, à nouveau, donné à l’Église de Lyon pour la fortifier, la consoler, l’encourager. Il est mort ici, au milieu du deuxième concile de Lyon dont l’enjeu était l’unité de l’Église. Demandons donc au Seigneur, par son intercession, de fortifier notre unité. A ce sujet, comme pour le reste, restons dans l’espérance, dans la confiance et gardons au cœur les mots de la première lecture. « Nous sommes dans sa main !» Puisse saint Bonaventure nous aider à vivre cette douce sagesse, cette simplicité, cette humilité, qu’il a lui-même vécue comme disciple du Poverello. Il était doté de dons éclatants, mais, selon les témoignages de l’époque, il avait su garder une profonde humilité et une grande attention aux pauvres, comme sa vocation de frère mendiant l’y appelait. Demandons au Seigneur que cette basilique soit toujours un lieu d’accueil et de vie pour les plus pauvres, qu’une attention spirituelle particulière leur soit accordée, pour qu’ici, ils reçoivent l’assurance et le réconfort que Dieu les aime, qu’il les accueille, qu’il les comble de sa miséricorde. Je me fais l’écho de notre archevêque et de notre administrateur pour dire que nous souhaitons qu’on puisse découvrir ici ce à quoi nous invite la parole de Dieu : « J’ai supplié, et l’esprit de la Sagesse est venu en moi. Je l’ai préférée aux trônes et aux sceptres ; à côté d’elle, j’ai tenu pour rien la richesse ; je ne l’ai pas comparée à la pierre la plus précieuse ; tout l’or du monde auprès d’elle n’est qu’un peu de sable, et, en face d’elle, l’argent sera regardé comme de la boue. Plus que la santé et la beauté, je l’ai aimée ; je l’ai choisie de préférence à la lumière, parce que sa clarté ne s’éteint pas. » Oui, notre Église doit être à l’écoute du bon sens populaire, de la sagesse qui émane du peuple de Dieu ; il faut que nous ancrions notre vie sur la source de la Sagesse, notre Dieu et que nous le préférions à tout. Au cœur d’un quartier commercial, témoignons d’autre chose, de cette sagesse de l’Évangile que nous devons promouvoir. Pour nous, la sagesse ce n’est pas de beaucoup posséder, de pouvoir faire beaucoup de choses. Pour nous la sagesse est une personne, le Christ et le chemin pour y accéder, c’est l’humilité. Plutôt que de nous enliser dans des débats interminables, pour savoir s’il faut proclamer la vérité dans le monde actuel au détriment de la charité, ou de choisir d’aimer par-dessus tout, quitte à fermer les yeux sur les égarements et les mensonges de la société actuelle, prenons comme exemple notre divin maître, notre seul maître, qui est la vérité en personne, la sagesse en personne, la source de tout amour. Si le pape, très providentiellement, a choisi le nom de François, c’est parce que notre monde a besoin de retrouver cette sagesse toute simple, que saint Bonaventure nous a transmise dans la biographie précise qu’il a faite du saint d’Assise : Dans le Père, révélé par Jésus, se trouve la source de toute bénédiction. Pour que se fortifie l’homme intérieur dont parle saint Paul, nous devons retrouver la saveur de l’Évangile, sa simplicité, sa radicalité aussi. Le Christ, qui habite en nos cœurs par la foi, saura nous enraciner dans l’essentiel, et cela passe par une conversion, par un changement de vie. Pour redécouvrir cette sagesse, nous devons renoncer à nous enrichir à tout prix (« en face de la sagesse, l’argent sera regardé comme de la boue ») ! Dans ce sanctuaire, nous voulons développer l’esprit de ce à quoi le pape François nous a invité dans Laudato Si. Voilà l’une des grandes vocations de ce sanctuaire : faire vivre cette encyclique, et rappeler, à travers des débats, des formations, des rencontres, des célébrations, que tout est lié.

En effet, déclarer que saint Bonaventure devient une basilique mineure n’est pas un acte anodin, surtout dans le contexte actuel. La basilique exprime d’une certaine manière un lien particulier avec l’Église de Rome. Il ne s’agit pas d’un privilège qui se limite à exhiber une clochette et un dais en forme de parasol. Ce que le pape nous accorde aujourd’hui nous oblige à faire vivre concrètement ce lien avec le siège de Pierre, à faire résonner ici la parole du saint Père, même et surtout lorsqu’il nous invite à la conversion, à la parole prophétique dans un monde qui a bien du mal à accueillir certaines paroles, certaines vérités, qui a bien du mal à accueillir la sagesse dont je viens de parler. Nous devons accueillir avec beaucoup de joie la liberté du pape dont notre basilique doit se faire l’écho. J’ai parlé de Laudato Si. Je pense que le grand apport de l’Église, par la voix du pape, dans le monde d’aujourd’hui, c’est que nous ne pouvons plus traiter séparément les questions économiques, sociales, politiques, environnementales, bioéthiques, migratoires… séparément. En créant le dicastère pour le développement humain intégral, le pape a posé un acte prophétique qui doit avoir son écho dans tous les diocèses. Saint Bonaventure doit être dans notre diocèse l’un de ces lieux où ces questions sont réfléchies, débattues, portées dans la prière. Un peu comme un petit laboratoire diocésain de Laudato Si.

Nous devons nous faire ici les porte-parole de ce que dit le pape, de ce qu’il nous demande : Nous devons mettre la même farouche énergie à défendre le droit des enfants à recevoir une éducation solide où le rôle de la mère est primordial, où le rôle du père n’est pas optionnel, qu’à défendre le droit de ceux qui sont rejetés, exclus, humiliés à cause de leur condition sociale, de leur couleur de peau ou de leur orientation sexuelle. Nous devons dénoncer avec la même force l’avortement et la culture du déchet, les effets désastreux de la guerre, de la construction de murs, où qu’ils soient, et l’idolâtrie de l’argent. Comment peut-on défendre l’écologie et prétendre que les manipulations sur l’embryon sont un progrès, les refuser sur les plantes et les animaux et les encourager sur l’homme ? Comment peut-on défendre la famille, toutes les familles, et n’accorder aucune attention au sort des migrants, de ces familles en détresse ? Comment peut-on prêcher la miséricorde et rejeter ceux qui ne sont pas dans la norme, dans le cadre ? Comment peut-on s’appeler catholique, universel, et se replier sur soi, sur ceux qui pensent comme nous, qui vivent comme nous ? Comment peut-on vouloir donner la place aux jeunes et les décrédibiliser dès qu’ils nous alertent sur l’avenir de la planète ? J’ai été frappé de voir combien certains mots de la jeune Greta Thunberg rejoignent les mots mêmes que le pape a prononcés il y a déjà 5 ans :

Je cite au hasard plusieurs phrases de Laudato Si, où François ajoute cependant l’espérance chrétienne : « J’adresse une invitation urgente à un nouveau dialogue sur la façon dont nous construisons l’avenir de la planète. Nous avons besoin d’une conversion qui nous unisse tous, parce que le défi environnemental que nous vivons, et ses racines humaines, nous concernent et nous touchent tous…La faiblesse de la réaction politique internationale est frappante. La soumission de la politique à la technologie et aux finances se révèle dans l’échec des sommets mondiaux sur l’environnement…Les prévisions catastrophistes ne peuvent plus être considérées avec mépris ni ironie. Nous pourrions laisser trop de décombres, de déserts et de saletés aux prochaines générations. Le rythme de consommation, de gaspillage et de détérioration de l’environnement a dépassé les possibilités de la planète, à tel point que le style de vie actuel, parce qu’il est insoutenable, peut seulement conduire à des catastrophesLa sobriété, qui est vécue avec liberté et de manière consciente, est libératrice. Ce n’est pas moins de vie, ce n’est pas une basse intensité de vie mais tout le contraire. Le bonheur requiert de savoir limiter certains besoins qui nous abrutissent, en nous rendant ainsi disponibles aux multiples possibilités qu’offre la vie. L’heure est arrivée de réaliser que cette joyeuse superficialité nous a peu servi. »

Je suis persuadé que, dans l’avenir, nous considèrerons Laudato Si comme un texte fondateur, révolutionnaire et l’idée géniale de François de créer un ministère ou toutes ces questions sont étudiées ensemble, parce qu’elles sont liées les unes aux autres, comme un exemple pour les gouvernements du monde entier.

Pour terminer, je voudrais revenir sur cette phrase de l’Évangile et qui doit aussi nous servir à rappeler la mission du sanctuaire : « Vous n’avez qu’un seul maitre et vous êtes tous frères ! » Les chrétiens sont souvent considérés par les gens comme des personne qui jugent, qui excluent, qui se replient sur eux et qui donnent des leçons. Nous voyons bien que la réalité est différente, qu’il y a de très nombreux lieux d’Église, où on se rencontre, où les pauvres sont accueillis, aidés, respectés, où un réel soutien est apporté aux familles pour les aider à vivre, à éduquer leurs enfants, à gérer des conflits, à les accompagner dans leurs souffrances, dans leurs deuils. Nous sommes réellement présents à la vie des gens et nous devons continuer à l’être. L’Église doit absolument rester ce magnifique lieu de rencontre pour rappeler qu’ici, il ne peut pas y avoir de fraternité sélective : « Est ce que le Christ nous a dit « vous êtes tous frères…sauf ceux qui ne disent pas cela, ne vivent pas cela, ne pensent pas cela… ? » Quand le Christ nous dit : « vous n’avez qu’un seul maître », cela signifie que personne ne doit se croire supérieur aux autres, que nous sommes tous pécheurs, que nous vivons tous des blessures, que nous avons tous besoin de sa miséricorde, que nous avons tous besoin de nous convertir que nous sommes tous dans le même bain, et donc que nous sommes tous frères. Il est victime d’agression sexuelle, c’est le Christ ! Elle est battue, c’est le Christ ! Il est chômeur, CRS ou SDF, patron ou journaliste, c’est le Christ ! Il est agriculteur, vegan, syndicaliste ou gilet jaune, c’est le Christ ! Il est homosexuel ou transsexuel, prostitué ou prêtre, divorcé ou pape, migrant ou militant d’extrême droite, c’est le Christ ! Il est musulman, athée, juif c’est le Christ ! Laudato si nous dit aussi cela : toutes ces questions sur l’écologie, l’économie, les flux migratoires, la bioéthique, les questions politiques, le climat sont effectivement liées…par la fraternité. La seule possibilité que nous ayons de progresser sur ces questions, c’est de nous rencontrer. Nous devons considérer nos différences, nos oppositions, mais sans cesser de nous respecter de nous aimer comme des frères et sœurs. Je souhaite vraiment qu’il y ait, dans l’Église, et il y en a déjà, de plus en plus de lieux où on puisse se rencontrer, débattre, faire droit à la légitime diversité des points de vue, à la légitime diversité des combats. Et je souhaite que ce sanctuaire soit un de ces lieux. Ainsi, l’Église aura accompli sa mission d’unité, dans la diversité, cette mission qui tenait tant au cœur de saint Bonaventure ; ainsi nous serons « capables de comprendre avec tous les fidèles quelle est la largeur, la longueur, la hauteur, la profondeur », nous aurons pris de la hauteur, nous serons plus efficaces, plus féconds surtout. Nous aurons accompli notre mission de faire vivre l’Évangile, comme le Christ lui-même l’a vécu. Saint Bonaventure, nous nous confions à toi, nous te confions notre diocèse et son unité. Amen

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