« 14 – 18 » évoquent pour beaucoup de Français, les poilus à moitié ensevelis dans les tranchées, les monuments aux morts rappelant le sacrifice de toute une jeunesse partie la fleur au fusil, les millions de familles endeuillées et les souffrances engendrées par le conflit. Une partie de l’histoire de celle souvent appelée la « Grande Guerre », est pourtant méconnue, notamment la place des religieux catholiques. Pour l’unique diocèse de Lyon, ce sont 57 prêtres et 93 séminaristes, qui ont donné leur vie pour que la France reste libre. Cet article a pour vocation de leur rendre hommage.
À l’automne 1914, la Semaine Religieuse du diocèse de Lyon comptabilisait déjà 756 religieux mobilisés, sachant que pour la seule ville de Lyon, 140 séminaristes et 28 prêtres sont comptés. À l’issue du conflit, sur les religieux diocésains mobilisés, 29 ont reçu la croix de la légion d’honneur, 58 des médailles militaires, 505 citations avec croix de guerre et 34 décorations diverses françaises et étrangères. À la fois citoyens et serviteurs de Dieu, voici leur histoire.
Suivant leur date de naissance et leur formation ecclésiale, trois affectations étaient possibles. La plus connue des Français était celle d’aumônier militaire1. Depuis la loi du 20 mai 18742, toutes les garnisons étaient désormais pourvues d’aumôniers. Avec l’arrivée de prêtres volontaires, plus de 500 aumôniers ont officié pendant le conflit. La loi du 15 juillet 1889 déclarait obligatoire un service militaire d’un an pour les séminaristes. En cas de mobilisation, ils étaient affectés au service de santé. La loi du 21 mars 1905 maintient l’affectation au service de santé pour ceux qui en bénéficiaient déjà, pour les autres, ils sont affectés au sein des unités combattantes3. L’amendement Sixte Quenin, dit de récupération, est voté en 1917. Il rappelle aux combats des prêtres initialement dispensés, il permet également aux élèves ecclésiastiques, qui seraient sous le bénéfice de la loi 1889, d’être affectés aux unités combattantes.
À partir de 1915, plusieurs journaux lancent une campagne à l’encontre des religieux, qu’ils accusent d’être des « prêtres embusqués »4. Dans le diocèse de Lyon, en 1916, Le Progrès et le Lyon républicain véhiculent ces idées5. Pour y répondre, la Semaine Religieuse du diocèse de Lyon6 publie, dans une visée apologétique non déguisée, une nécrologie soignée et détaillée, en mettant notamment en lumière les nombreuses décorations et distinctions reçues par les religieux diocésains lyonnais sur le champ de bataille. Mais en plus des prêtres tombés sur le champ d’honneur, Mgr Lavallée (1870 – 1961) rappelle le dévouement de ceux non mobilisés, pour des raisons d’âge ou de santé, dont leurs efforts pour s’occuper des paroisses vacantes, ont conduit certains à la mort :
« Entre le 1er août 1914 et le 11 novembre 1918, il est mort 181 prêtres non mobilisés, dont un bon nombre sont des victimes de la guerre, au même titre que leurs confrères du front. »7
Outre l’attention portée aux populations et aux victimes de guerre, la papauté a rapidement pris en compte les nécessités religieuses de ses membres mobilisés. Ainsi, le 30 mars 1915, l’archevêque de Lyon, Mgr Sevin (1912-1916) reçoit des conseils du cardinal De Laï, alors préfet de la Congrégation Consistoriale, pour le soin des prêtres envoyés à la guerre.
Cette inquiétude est surtout spirituelle, ces derniers confrontés à la souffrance et à l’horreur de la guerre, se voient dans de nombreux cas démunis face à cette situation. Pour y remédier, le cardinal De Laï propose de mettre en place des correspondances fournies mais aussi de leur envoyer des lectures. Ces conseils ont pour but que leur vie spirituelle continue d’être nourrie afin qu’à leur tour ils soient une lumière pour leurs camarades de tranchées, et qu’ils puissent poursuivre leur vocation sacerdotale, même dans ces temps troublés.
Par Sarah Chaplain-Rey-Robert.
Un grand merci au service des archives du diocèse.
Les cloches des églises, sonneront à 11h.
Les témoignages de prêtres et séminaristes pendant la guerre
Les noms des prêtres et séminaristes morts pendant la guerre 14-18
(1) « Les aumôniers héroïques, dans l’enfer de la guerre 14-18 », Armand Isnard, CAT Production, 2014
(2) Cette loi vient renforcer le décret du 14 février 1866, qui prévoyait un aumônier dans chaque division et corps d’armée.
(3) La loi de séparation du 9 décembre 1905 réaffirme cette distinction.
(4) Pitette Yves, « Bayard, une entreprise face à l’hécatombe de 14-18 », La Croix, 2005
(5) Moulinet Daniel, « Prêtres et séminaristes mobilisés à Lyon pendant la Première Guerre mondiale », dans Les religions à Lyon et la Première Guerre mondiale, Durand Jean-Dominique (dir.), 2016
(6) Mgr Lavallée rapporte que dès le 3 octobre 1914, il y a eu une réelle volonté diocésaine de consigner et de faire mémoire des religieux décédés. Faute d’avoir pu conserver les lettres originales, toutes les citations sont donc issues du Livre d’or du clergé diocésain.
(7) Livre d’or du clergé diocésain, p. xiv