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Les évêques
« Beauté divine »

Publié le 01 octobre 2018

« Beauté divine »

Dimanche dernier, nous avons assisté à cette discussion des Apôtres qui s’interrogeaient pour savoir qui était le plus grand ? Jésus a tranché en disant : « Si quelqu’un veut être le premier, qu’il soit le dernier et le serviteur de tous. »

Aujourd’hui, nous sommes à nouveau dans une logique de domination de la part des Apôtres.

Ici les Apôtres sont vexés parce que d’autres font le bien, et pourtant ils ne suivent pas physiquement le Christ ou plutôt quand on lit bien le texte, Saint Jean ne dit pas :

« Il n’est pas de ceux qui te suivent » mais il dit : « Il n’est pas de ceux qui nous suivent » Nous voyons qu’il y a ici chez les apôtres un désir de domination, un désir d’accaparer le bien qui est fait.

Nous retombons ici dans ce qui fait le péché, la radicalité du péché : se prendre pour Dieu en imaginant que nous sommes les seuls à pouvoir faire le bien. En fait, il n’y en a qu’un qui puisse faire le bien : c’est Dieu ! Savoir par où ou par qui il veut passer ? C’est son affaire ! L’essentiel est que le bien soit fait.

Nous retrouvons ce thème dans la première lecture. Dans le passage qui précédait immédiatement le nôtre, dans le livre des Nombres, nous nous souvenons que Moïse se plaignait d’en avoir trop sur le dos, d’en avoir trop à faire. Il disait en substance : « Seigneur regarde ce peuple qui n’arrête pas de se plaindre, il regrette sa vie d’avant alors qu’il était esclave des Égyptiens et maintenant il me réclame de la viande à manger et tu me demandes de porter tout cela sur mes épaules. Je ne peux pas, je suis fatigué, j’en ai marre ».

Dieu lui répond, « Demande-moi !» et il va répandre son esprit sur soixante-dix personnes (vous imaginez le travail que faisait Moïse). Évidemment il ne pouvait pas accomplir ce travail, alors le Seigneur qui est bon et miséricordieux lui indique que ce qui est important est que le bien se fasse. Si le Seigneur nous confie une responsabilité, il ne nous demande pas de tout faire, il nous demande que le bien soit fait.

Ayant dit cela, nous savons que le bien passe par des moyens qui dépassent totalement nos propres limites, nos propres frontières et, nous pouvons le dire, les frontières visibles de l’Église.

Oui nous sommes sûrs de courir à l’échec si voulons faire, sans lui, ce que Dieu seul peut faire, le bien. Le beau aussi ! Pardon de le rappeler à tous les artistes qui se trouvent dans cette basilique à l’occasion du festival « Beauté divine », mais seul Dieu est créateur, et s’il nous arrive, parfois, comme Jean-Baptiste Pinault aujourd’hui, de faire œuvre de création, ce n’est que par imitation. Imitation de ceux qui nous ont précédés, parce que nous sommes tous des nains sur des épaules de géants, mais surtout imitation du seul créateur. Le compositeur ne fait qu’imiter la grande et belle œuvre de la création, le chant des oiseaux et le ruissellement des ruisseaux, le grondement du tonnerre et le bruissement des feuilles dans le vent, la plainte du chien et les danses mystérieuses des humains.

Composer une messe, c’est un peu gérer sa propre vie, son propre corps. Si nous ne comptons que sur nous-mêmes, alors nous sonnons creux, nous perdons toutes les possibilités que le créateur nous avait confié, comme le rappelle Jésus dans l’Évangile. Par orgueil nous risquons de perdre, nos mains, nos pieds, nos yeux, et jusqu’à notre tête. Pour qu’il y ait la vie, il faut pourtant qu’il y ait une tête, un auteur de la vie. Nous l’appellerons le compositeur. Pour écrire une œuvre il y a plusieurs points de départ possible mais deux qui soient vraiment conseillés : soit on part d’une mélodie, soit on part de la ligne de basse. La mélodie, c’est la charité, c’est elle qui fait l’unité de l’ensemble, qui finalise d’une certaine manière toute l’œuvre. Ce qui est intéressant dans un orchestre, c’est que tous les instruments peuvent jouer la mélodie et souvent ils le font à tour de rôle, mais elle est jouée de manière habituelle par les violons, les flûtes, les clarinettes, les trompettes, et, mieux encore, la mélodie est incomparable lorsqu’elle est jouée par la voix humaine. La charité…pour que toute notre vie soit louange à la gloire de Dieu. Une autre façon d’écrire une œuvre, c’est de commencer par la ligne de basse, qui est jouée par les contrebasses et plus légèrement par les violoncelles, les tubas, la clarinette basse, bien sûr ou le basson. C’est parfois moins créatif, mais peut être plus sûr. La ligne de basse, j’oserais dire, de base, c’est la vertu de religion, c’est mettre Dieu par-dessus tout, en premier. Je commence à placer Dieu dans ma vie et le culte que je dois lui rendre en premier, parce que seul lui saura m’apprendre à aimer en vérité ; ainsi la charité se repose sur la vertu de religion comme sur son socle. Mon Dieu est un roc, un soutien puissant. Le danger, dans l’écriture musicale, c’est de commencer par écrire le rythme, c’est-à-dire de commencer par la vertu de force. Même si le rythme est fondamental, si on commence par lui on risque de ne voir que lui et de perdre en créativité ; on est contraint et notre œuvre risque d’être un peu creuse, comme notre vie, lorsqu’elle roule à tambour battant en oubliant l’essentiel et parfois même le but. On risque de faire de l’art pour l’art, on s’agite : c’est l’activisme, et on s’épuise. Le rythme, et donc le pupitre des percussions, est pourtant essentiel lorsque la direction est donnée. Sans lui on ne peut pas arriver, parce qu’on ne peut pas avancer ; tout risque de devenir cacophonie. La tempérance, ce sont les sourdines qu’on met aux cuivres pour que l’ensemble ne soit pas déséquilibré. La tempérance, et la chasteté en est l’expression, c’est de mener une vie équilibrée, une vie par laquelle je puisse me donner en vérité. Il y a des instruments naturellement tempérants, ce sont les hautbois et les bassons dont les pavillons sont naturellement recourbés pour qu’ils puissent agir avec retenue. La tempérance ce sont aussi ces instruments intermédiaires comme l’alto, le cor de basset, le cor ou le trombone, dont le rôle très important est de mettre les autres en valeur. La chasteté, c’est de savoir se donner avec mesure, pour que les autres soient mis en valeur.  Il manque la prudence. La prudence c’est vraiment le cœur de la stratégie de sanctification. La prudence, c’est d’organiser les moyens pour arriver au but. La prudence c’est de suivre le chef d’orchestre, qui a une vision d’ensemble, une intention. Le chef d’orchestre transmet ce qui n’est pas immédiatement visible. Ainsi le tempo n’est pas le rythme. Le tempo, c’est le battement du cœur de l’œuvre musicale, c’est ce mouvement intérieur qui ne se comprend que dans l’écoute de l’autre, dans l’écoute de Dieu. Le tempo part du cœur de Dieu, pour se transmettre à tous les instruments. La nuance aussi est donnée par le chef. Elle permet à chacun de se donner, tour à tour, elle donne à l’ensemble son relief, sa vie.

Le grand théâtre du monde est une gigantesque symphonie, où chacun doit trouver sa place, où chaque vertu est au service du corps, où Dieu se donne, invisiblement pour que l’ensemble soit beau.

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