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Les évêques
« Je suis venu pour les pêcheurs »

Publié le 01 septembre 2018

« Je suis venu pour les pêcheurs »

Au moment où Jésus leur parle, dans l’Evangile d’aujourd’hui, les pharisiens ont environ 150 ans d’existence. Il s’agit d’un groupe religieux juif né d’un désir de réforme, de conversion. Ils veulent, de façon tout à fait authentique, se rapprocher de Dieu et ils veulent le faire en réaffirmant le domaine de Dieu, en réaffirmant le sacré. Ils sont nés d’une réflexion du type : « tout fout le camp, on n’a plus le sens du sacré, il n’y a plus de respect… » Et l’une des réalités qu’ils veulent re-sacraliser, c’est celle du repas. Dans la tradition juive, le repas revêt une dimension sacrée. Il est rituel. Le repas du jeudi saint en ce sens respecte profondément la tradition juive du repas pascal. Pourquoi était-il nécessaire de réaffirmer la dimension sacrée du repas ? Parce que, de plus en plus, le repas, en perdant sa dimension sacrée perdait aussi sa dimension familiale, on mangeait n’importe comment, n’importe quoi, n’importe quand et n’importe où. Les pharisiens ne se lavaient pas les mains parce qu’elles étaient sales, mais pour signifier l’importance du repas familial. Vous voyez combien nous pouvons nous sentir, à juste titre, proches des pharisiens. En fait nous sommes tous des pharisiens ! J’espère que, dans vos familles, le repas a gardé quelque chose de sacré, où la télévision est éteinte, où on ne répond pas systématiquement au téléphone, pour qu’on puisse partager, où le couvert est bien mis, où on attend que tout le monde soit servi, où chacun prend sa part dans le service, dans la préparation du repas, dans l’animation de la discussion familiale. De tel rendez-vous sont d’une importance capitale pour l’unité familiale. Si vous avez ce souci du repas, pour qu’il soit un vrai moment de joie et de rencontre, alors vous faites de vos repas quelque chose de sacré, et vous avez bien raison, et donc vous ressemblez aux pharisiens. Le repas devient quelque chose de séparé (sacré signifie séparé) de la vie trépidante que nous menons, un temps de rupture. Alors pourquoi Jésus est-il si sévère avec des gens qui n’ont que des bonnes intentions ? Parce que ce comportement qui était bon est devenu exclusif, exclusif d’abord des autres qui n’ont pas le même comportement, puis exclusif, plus généralement, de ceux qui ne pensent pas comme moi. Chez les pharisiens, comme chez nous, un glissement s’opère. J’érige mon éducation en loi absolue, au point d’exclure les autres qui n’éduquent pas comme moi. J’érige ensuite mes pensées, mes opinions politiques en loi absolue au point de considérer que tous ceux qui ne pensent pas comme moi sont dans l’erreur. Je m’érige finalement moi-même comme le critère de la vérité. Tout ce que je fais, tout ce que je pense, voilà la vérité. Ce glissement est mis en lumière par Jésus dans la parabole du pharisien et du publicain. Le pharisien n’a rien à se reprocher, bien sûr, puisqu’il se considère lui-même comme le critère absolu. Ce glissement nous guette tous, et il guette en particulier la bonne société catholique qui vit un peu trop repliée sur elle-même lorsqu’elle considère que la religion  se définit principalement par un certain comportement moral. Très vite, au nom de notre foi, nous risquons d’exclure, par exemple les gens de gauche, les syndicalistes, les homosexuels, les divorcés, les drogués, les jeunes de banlieue, les musulmans, et nous faisons de la foi catholique un guide de comportement politico-social. Nous tombons dans un christianisme uniquement social, ou pire, mondain ! En disant cela, je ne dis pas que je suis, pour le mariage homosexuel, pour le divorce, que je considère que toutes les religions se valent. Non je ne suis pas tombé dans un syncrétisme béat et mou. J’ai lu l’Evangile et j’y ai lu que le Seigneur Jésus s’invitait à la table des exclus, des pauvres et des pêcheurs, qu’il se laissait laver les pieds par une prostituée, qu’il n’avait pas peur de mettre en avant un bon maître, en même temps qu’un bon serviteur, en un mot qu’il était libre ! J’ai lu aussi dans l’Evangile, qu’à aucun moment Jésus ne promet le royaume de Dieu à ceux qui ne sont pas divorcés, à ceux qui ne se trompent pas, aux purs, mais bien à ceux qui servent leurs frères : « Venez les bénis de mon père, j’étais en prison et vous m’avez visité… » « C’est à la charité que vous aurez les uns pour les autres qu’on vous reconnaitra pour mes disciples. » Les pharisiens, selon Jésus, ont une mauvaise compréhension de la pureté, et il le dit dans la suite de l’Evangile. La pureté ne peut se vivre par préservation. Je ne suis pas pur, d’abord parce que je me préserve de l’impureté, parce que je me préserve des personnes que je considère comme impures, mais parce que je me donne, parce que je me donne à elles en premier lieu. Le pur par excellence, c’est Jésus, et pourtant il se compromet avec les publicains et les pêcheurs, et pourtant…oups…il a oublié de se laver les mains. La pureté est trop souvent comprise comme une « non compromission ». Ces gens ne pensent pas comme moi, ne vivent pas comme moi, il n’est pas question que je me compromette avec eux. Et bien ce comportement est bien à l’opposé du comportement de Jésus qui ouvre les bras à tous. Et heureusement, sinon nous risquerions d’être les premiers qu’il n’accueillerait pas. « Je suis venu pour les pêcheurs ».

La bonne attitude c’est de nous considérer comme des pêcheurs que nous sommes, c’est, comme le dit saint Paul, de considérer toujours les autres comme supérieurs à nous-mêmes. La sainteté, elle ne vient pas de nous, mais de Dieu, la pureté elle ne vient pas de nous mais de Dieu. Demandez pardon, c’est demander que Dieu nous donne toujours plus pour que nous puissions enfin lui ressembler. Cela demande beaucoup d’humilité, beaucoup de charité.

Je ne suis pas dispensé d’avoir des idées concernant l’éducation, la politique…mais il faut que la charité soit première. J’ai le devoir de vivre une vie qui soit morale, qui soit selon l’Evangile, d’ailleurs dans la deuxième lecture, saint Jacques nous dit : « devant Dieu notre Père, la manière pure et irréprochable de pratiquer la religion, c’est de venir en aide aux orphelins et aux veuves dans leur malheur ». Ce qui est premier c’est la charité et le service du pauvre, mais il ajoute « et de se garder propre au milieu du monde ». La dimension morale est importante aussi, mais elle est seconde et elle dépend fortement de la première partie du commandement. Je serai d’autant plus pur que je viendrai au secours de mon frère qui souffre, en un mot que je ressemblerai à Jésus. Demandons au Seigneur la grâce de lui ressembler et nous serons vraiment purs…et nous serons vraiment des serviteurs. Amen.

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