Publié le 22 septembre 2019
Avec Marie-Jo Thiel : qu’est-ce que la question des abus sexuels révèle de certains dysfonctionnements dans l’Église ?
Quelles collaborations entre prêtres, diacres et laïcs pour éviter les abus sexuels, les abus spirituels, les abus de pouvoir, les abus de conscience ?
Échanges avec une théologienne de renom.
Marie-Jo Thiel, médecin, professeure d’éthique à la faculté de théologie de Strasbourg, membre de l’académie pontificale pour la vie, présidente de l’association européenne de théologie catholique, propose des pistes de réflexion et de travail pour renouveler l’Église et faire face aux défis de demain pour lutter contre toutes sortes de dérives et d’abus spirituels ou sexuels.
Expliquez-nous, s’il vous plaît, ce que vous définissez comme « esprit de corps », ses dérives, ses limites, ses secrets ?
“On occulte, ne parle pas : c’est très difficile pour un confrère qui voit son confrère auteur d’actes qui ne devraient pas être, de le signaler, voire de parler avec lui. Cette parole ne va pas de soi.”
“En même temps l’idée de corps est intéressante. On parle du corps dont le Christ est la tête. Le corps Église est un corps en interaction avec le corps de la société.”
Comment expliquez-vous la lenteur ou les résistances à une gestion plus saine des abus sexuels par des clercs ?
“Les laïcs ont du mal à sortir de la soumission au ministère ordonné parce qu’ils ont été conditionnés de cette manière-là, à parler aux prêtres, aux évêques et eux-mêmes ont du mal à accepter cette paroles des laïcs, à entrer dans un vrai dialogue et à accepter qu’on puisse ne pas être tous d’accord.”
“Le secret est omniprésent. On a besoin du secret de la confession, du secret spirituel pour vivre dans la confiance. Avec le secret pontifical, on ne dit pas les raisons pour lesquelles une personne est condamnée. Dans l’Église, on n’aime pas mettre ces choses-là dans le public pour protéger l’Église. Mais l’Église, c’est nous, tous, baptisés, peuple de Dieu. Cela va jusqu’au sensus fidei : nous sommes le peuple de Dieu infaillible qui sommes dans le vrai avec le Christ : prêtres, évêques et laïcs ensemble.”
La réforme dites-vous passe par une « transparence responsable », impliquant les laïcs. Pouvez-vous développer s’il vous plaît ?
“La transparence responsable est la reddition de compte, l’accountability : je dois répondre de mes actes. Le prêtre, l’évêque, le membre de la curie n’a pas à rendre compte canoniquement.”
“Les laïcs, y compris les femmes, amènent une altérité dans ce corps. Les clercs exercent leurs responsabilités à l’égard de tous, les petits, les vulnérables. Ce chemin est synodal.”
“Le pape est passé d’une perspective « tolérance zéro » à « plus jamais ça ».”
Comment selon-vous désacraliser et assainir le « pouvoir » de l’institution catholique et l’amener à être davantage une « communauté de foi » ?
“Une communauté de foi est une communauté aux ministères variés. Il faut revenir à la question des ministères. De quoi avons-nous besoin pour vivre une communauté de foi ? Ministère de la parole ? Ministère d’enseignement ? Ministère de formation ? Cela nous sort du seul ministère ordonné.”
“L’articulation entre sacerdoce ministériel et sacerdoce commun des fidèles doit être repensée.”