Chargement du site...
Les évêques
Homélie du 5ème dimanche de Pâques

Publié le 10 mai 2020

Homélie du 5ème dimanche de Pâques

Découvre ci-dessous l’homélie de Mgr Emmanuel Gobilliard pour le cinquième dimanche de Pâques, dimanche 10 mai 2020.

Nous confondons souvent la sainteté et la perfection, en nous imaginant que la sainteté dépendrait d’efforts considérables et quasi surhumains que nous accomplirions pour nous hisser, à la force du poignet, à la hauteur de Dieu lui-même. Mais la réalité, nous le savons, c’est que c’est Dieu qui descend, qui nous rejoint. C’est d’ailleurs ce qu’il a fait en s’incarnant. C’est ce qu’il fait dans les sacrements, dans la prière, dans sa parole. Il ne cesse de s’abaisser, de venir à notre rencontre, de nous ouvrir son cœur.  La sainteté, c’est donc d’entretenir le lien, l’amitié avec le Christ. Être saint, c’est demeurer en lui, l’aimer, le servir, le suivre. L’Évangile de ce jour nous présente Jésus comme celui qui vient d’abord rassurer les apôtres qui sont bouleversés. Il les apaise et ancre en leur cœur une espérance qu’ils ne découvriront vraiment qu’après la Résurrection. Il est d’ailleurs frappant de voir que c’est Thomas qui s’adresse à Jésus pour le contredire, presque le provoquer comme c’est lui qui se moquera des apôtres lorsqu’ils prétendront avoir vu Jésus ressuscité. Thomas est celui qui, dans le groupe des apôtres, a le souci de « ramener tout le monde à la réalité ». Dans tous les groupes humains il y en a un qui nous rappelle à la réalité, qui nous dit « gardons les pieds sur terre et arrêtons de rêver ». Rappelons que cette attitude peut être très utile, et que concernant saint Thomas, elle s’accompagne d’un exceptionnel courage qui lui a donné la force de sortir du Cénacle, contrairement aux autres apôtres. Saint Thomas est un homme d’action, il a les pieds sur terre, mais il a besoin parfois, qu’on lui montre les réalités célestes, qu’on élève son regard vers une espérance qui dépasse ses espoirs trop humains. C’est d’ailleurs ce que Jésus fait à son égard avec une infinie délicatesse.

 

Dans l’Église aussi, comme à l’époque des apôtres, on en trouve beaucoup qui nous disent : « le mysticisme, cela va bien 5 minutes, mais cela ne nous fait pas avancer ». Chez les apôtres, c’est pareil : il y en a qui pensent : « C’est très joli ce que tu nous dis, Jésus, mais qui nous délivrera de la puissance romaine, qui rétablira le règne de Dieu ? » Sous-entendu : « Il y ceux qui prient et ceux qui agissent, ceux qui sont dans les « vaps » et ceux qui sont sur la terre ! » Et pourtant, quelle est, en substance, la réponse de Jésus ? Dans cet Évangile mais aussi dans toute sa vie : « N’ayez pas peur, ayez confiance, je suis expert en humanité ! Je suis dans le Père et le Père est en moi, mais j’agis, je fais des œuvres, j’ai les pieds sur terre ! » En Jésus, l’humanité n’est pas opposée à la divinité, elle n’est même pas séparée de la divinité. Grâce à lui, on ne peut plus dire : « Il y a les choses de la terre et les choses du ciel ! » Si quelqu’un n’a pas les pieds sur terre, c’est qu’il n’est pas un bon disciple de Jésus. Le bon sens trouve sa plénitude en Jésus !

 

  • Il est le Chemin. Toute sa vie est chemin d’humanité. En contemplant la vie de Jésus, nous apprenons à être plus homme et femme, à répondre davantage à notre vocation d’hommes et de femmes dans ce monde. En contemplant Jésus qui travaille, nous comprenons le sens du travail et nous pouvons mieux travailler et je ne peux plus dire que la foi chrétienne m’empêche d’accomplir mon travail. Un chef d’entreprise ne peut plus dire : « Si je suis chrétien, je ne peux pas être un bon chef d’entreprise ». On entend souvent ce genre de réflexion, comme si être chrétien c’était renoncer à la compétence. Comme si être performant c’était renoncer à toute éthique, à toute espérance. Un bon chrétien est un chrétien compétent et travailleur mais qui trouve dans le travail une finalité nouvelle qui n’est plus seulement le travail lui-même, mais aussi la croissance humaine et spirituelle de l’homme. C’est vrai de tous les métiers. En contemplant Jésus travaillant je comprends le sens du travail. En contemplant Jésus dans la Sainte Famille, je comprends mieux ce qu’est une famille et j’ai plus d’outils pour éduquer, pour être éduqué, pour aimer, pour faire l’unité dans ma propre famille. En contemplant Jésus qui guérit, je comprends mieux comment moi-même je peux être guéri, en contemplant Jésus qui souffre je comprends comment ma souffrance dans le cœur de Jésus trouve un nouveau sens parce qu’il me connaît, il connaît ma souffrance, parce qu’il est passé par là où je suis passé. Jésus nous aide, parce qu’il est le chemin, à être davantage nous-mêmes. D’ailleurs il est créateur ! L’humanité, il la connaît, puisqu’il l’a créée. Il sait mieux que quiconque comment être homme. Remarquez, dans l’évangile, combien il a toujours l’attitude juste : avec Pierre, avec Zachée, avec Marie Madeleine et ici avec Thomas et Philippe. D’ailleurs il dira à Thomas après la Résurrection : « Regarde la marque des clous ». Il n’y a pas d’un côté la vie terrestre, souffrante et de l’autre la vie spirituelle. Toute ma vie doit être une vie d’amitié avec Dieu parce que lui-même a fait de sa vie une vie d’amour pour l’humanité.

 

  • Il est la Vérité. Non seulement il connaît l’humanité en général, mais il me connaît moi-même en particulier. Il connaît la vérité de ma vie et comment je peux me réaliser pleinement. C’est la question de la vocation. Il peut faire grandir l’humanité mais il peut me faire grandir moi-même. Il me connaît et rien en moi ne peut être un lieu caché où Dieu n’aurait pas sa place. Dès lors je ne peux plus dire que telle personne est davantage appelée à être sainte que telle autre. Puisque la sainteté est la pleine réalisation de soi-même, il y a un chemin différent pour chacun qui se confond avec le chemin du plus grand bonheur qui se confond aussi avec le chemin de la pleine humanité en chacun de nous. Ma vocation ne me détourne pas de l’humanité, de mon bonheur. Ma vocation c’est Dieu créateur qui me souffle la voie du plus grand bonheur. Il est le chemin, la vérité.

 

  • Il est la Vie. Il est d’autant plus homme qu’il n’y a pas de péché en lui. Il nous permet d’être parfaitement homme sans le péché. Moins je suis pêcheur, plus je suis humain. On essaye parfois de donner au péché des petits relents de douceur en l’appelant « péché mignon » comme s’il y avait un lien entre le péché et l’humanité, comme si une humanité sans le péché ne serait plus vraiment humaine. Comme si Jésus, étant sans péché, n’était pas vraiment homme. Mais je suis d’autant plus homme que je rejette le péché. Donc, j’ai d’autant plus de bon sens que je suis un saint, j’ai d’autant plus les pieds sur terre que mon cœur est rempli de la présence de Dieu. « Je suis le chemin, la vérité, la vie ». Cette phrase du Seigneur nous permet de ne plus avoir peur de nous-mêmes parce que le Seigneur est présent en nous comme il est présent dans l’humanité, pour que l’humanité soit en Dieu. Notre espérance trouve en Jésus son sens nouveau et notre vie, grâce à l’Esprit Saint, son unité nouvelle. En cette période de souffrance rappelons-nous que nous ne pouvons pas être chrétiens sans être, comme Jésus profondément humains, sans vivre concrètement en lien avec les autres, sans nous engager dans la société, sans servir les plus pauvres et soutenir ceux qui en ont besoin. Et toutes ces attitudes de service trouvent dans le cœur à cœur avec Jésus, trouvent en Dieu leur force, leur source.

 

 

En savoir plus