Publié le 24 décembre 2016
Pourquoi y a-t-il tant de conversions à Noël, tant de prises de conscience de l’importance de la vie spirituelle, tant de personnes touchées par la profondeur d’un mystère si simple ? Demandons à l’un de ces convertis de Noël ce qui s’est passé pour lui -il s’agit de Paul Claudel- et peut être comprendrons nous mieux ce qui est finalement le cœur de notre foi. Voilà ce qu’il nous dit de son expérience de Noël
« J’avais complètement oublié la religion et j’étais à son égard d’une ignorance de sauvage. La première lueur de vérité me fut donnée par la rencontre des livres d’un grand poète, à qui je dois une éternelle reconnaissance, et qui a eu dans la formation de ma pensée une part prépondérante, Arthur Rimbaud. La lecture des Illuminations, puis, quelques mois après, d’une saison en enfer, fut pour moi un événement capital. Pour la première fois, ces livres ouvraient une fissure dans mon bagne matérialiste et me donnaient l’impression vivante et presque physique du surnaturel. Mais mon état habituel d’asphyxie et de désespoir restait le même. »
Nous connaissons la suite de l’histoire : il va à Notre Dame de Paris pour y trouver, dans l’émotion de la fête un peu d’inspiration pour écrire. Il est dans une démarche esthétique et détachée, orgueilleuse aussi ; centré sur lui-même, Il veut profiter d’un cadre pour éprouver une sensation, comme quelqu’un qui prend, égoïstement ! C’est là que le Seigneur le touche. Il poursuit :
« Et c’est alors que se produisit l’événement qui domine toute ma vie. En un instant mon cœur fut touché et je crus. Je crus, d’une telle force d’adhésion, d’un tel soulèvement de tout mon être, d’une conviction si puissante, d’une telle certitude ne laissant place à aucune espèce de doute, que, depuis, tous les livres, tous les raisonnements, tous les hasards d’une vie agitée, n’ont pu ébranler ma foi, ni, à vrai dire, la toucher. J’avais eu tout à coup le sentiment déchirant de l’innocence, l’éternelle enfance de Dieu, une révélation ineffable. »
Le bienheureux Antoine Chevrier a, lui aussi, été converti à Noël 1856, et pourtant il était déjà prêtre, mais pas assez converti. C’est pendant cette nuit qu’il a décidé de suivre Jésus « de plus près ». A Noël nous sommes invités à faire, chacun de nous, même les plus solidement enracinés dans la foi, même les plus récalcitrants aussi, l’expérience de Paul Claudel, l’expérience d’un Dieu qui nous aime malgré notre orgueil, notre faiblesse, notre égoïsme, l’expérience d’un Dieu qui, surtout, nous laisse libres. L’une des raisons pour lesquelles je crois que Jésus est vraiment le Fils de Dieu, qu’il me sauve et qu’il m’aime en vérité, c’est qu’il me laisse libre. La religion chrétienne n’est pas une religion écrasante, elle n’est pas non plus une morale, mais la rencontre d’une personne, et cette rencontre se commence toujours, d’une certaine manière dans le silence et l’humilité de la crèche. Le bienheureux Charles de Foucault, un autre grand converti, ne cesse de dire que ce qui l’a touché, c’est l’humilité et la pauvreté dont Dieu lui-même s’est revêtu pour venir à notre rencontre. Savez-vous comment Dieu vient à votre rencontre ? En vous attendant, comme il a attendu Paul Claudel à Notre Dame. Peut-être vous attend-il en cette nuit ? Surement vous attend-il ! Saurez-vous l’écouter, saurez-vous entendre sa voix ? Sa voix est difficile à entendre parce qu’aujourd’hui il est muet ; aujourd’hui Dieu se tait et il attend, d’ailleurs, que nous fassions de même ! Pour l’entendre nous devons faire taire en nous le bruit de l’orgueil et de l’égoïsme, le bruit du ressentiment et des querelles familiales, le bruit de notre désir de paraître, de notre désir de posséder, le bruit aussi de notre honte de nous-mêmes, de nos peurs, du sentiment de notre indignité. Nous nous comparons sans cesse et nous en souffrons alors que Dieu nous regarde, dans le silence d’un enfant, et qu’il nous aime, tout simplement. Dieu ne veut pas nous persuader, nous convaincre, il veut juste que nous nous laissions aimer. Ce que nous vivons cette nuit n’est pas une émotion. Nous devons aussi savoir faire taire nos émotions qui tendent à tout dominer. Nous avons trop tendance à rechercher l’émotion, le sensationnel, le bien-être à tout prix, au point que nous réduisons même l’amour à une émotion, à un simple ressenti ! Aujourd’hui faisons l’expérience réelle, qui dépasse tout émotion, faisons l’expérience de Dieu. Il a revêtu notre humanité blessée, il a pris sur lui notre souffrance, il a connu la critique et la dérision. Il n’est pas de la race des stars qui s’imposent et qui persuadent, qui écrasent ou simplement qui nous dominent de leurs talents ou de leurs certitudes. Il est le Dieu qui écoute. Ce soir il ne parle pas. Il est muet comme un nouveau-né pour mieux nous écouter, pour mieux nous accueillir de son sourire. Comment pourrions-nous avoir peur d’un tel Dieu. La vérité est dans la simplicité ! Soyons vrais à notre tour et apprenons à nous taire, à écouter, à accueillir, comme a su le faire la Vierge Marie. Je l’imagine paisible et heureuse à la crèche, émerveillée même de voir les bergers puis les mages se laisser toucher, de voir les pauvres et les riches : les pauvres qui s’enrichissent de la présence du Fils de Dieu, les riches qui s’appauvrissent et qui s’abaissent pour entrer dans le véritable royaume, celui qui nous est offert à la seule condition que nous acceptions d’être aidés, d’être sauvés.
Marie, elle était à Nazareth comme à Bethléem, attentive aux besoins des autres, joyeuse de la présence, dans sa maison, de ceux qui venaient rencontrer son divin Fils. Elle les servait sans être esclave, elle les accueillait comme une mère. Nous sommes de ceux qui veulent rencontrer Jésus mais nous ne savons pas toujours comment faire. Ô Marie, aide nous à rencontrer ton Fils dans la prière et dans l’Eucharistie, dans le service des autres et l’humble labeur des jours. Ô Marie, pour que ton Fils soit notre Dieu, pour qu’il soit notre divin frère, sois notre mère !