Chargement du site...
Vivre sa foi
Témoignage de vocation : père Pierre-François Emourgeon, curé à Lyon 6ème

Témoignage de vocation : père Pierre-François Emourgeon, curé à Lyon 6ème

Article extrait du magazine Eglise à Lyon, septembre 2025.
Cliquer ici pour s’abonner

Le jeune prêtre revient sur un appel qui l’a traversé dès l’enfance, bousculé par les deuils,
la peur de ne pas être “à la hauteur”, et la lente découverte que Dieu appelle des hommes imparfaits.

Pouvez-vous nous parler de vos origines familiales ?
Je suis né à Besançon il y a 40 ans, 3e d’une fratrie de 4. Mes parents ont toujours été catholiques, mais ils font partie de ces couples des années 50 qui ont été un peu perdus par l’application du concile Vatican II. Quand ma mère était enceinte de moi, ils ont réamorcé une conversion. J’ai donc grandi avec des parents profondément croyants et priants.

Comment s’est manifestée votre foi d’enfant ?
J’ai un souvenir marquant : à 6 ans et demi, ma maîtresse nous avait demandé ce qu’on voulait faire plus tard. Moi, j’avais dessiné un archéologue – comme Indiana Jones – et un pilote de chasse comme Top Gun. Mais au milieu, j’avais dessiné une croix. Quand elle m’a demandé ce que c’était, j’ai répondu : “C’est une croix, je crois qu’il y a Jésus qui sera dedans.” Elle m’a dit : “Ça va être compliqué de concilier les trois !” Et effectivement, il y a eu un moment où il a fallu faire des choix.

Un événement particulier a-t-il précipité votre questionnement vocationnel ?
Oui, la maladie de mon père quand j’avais 16-17 ans. Papa, qui semblait immortel, est tombé malade d’un cancer. Cet homme de la vieille école, qui ne se livrait pas beaucoup, s’est mis à se confier. J’ai eu des conversations avec lui que nous n’aurions jamais eues s’il n’avait pas été malade.

Comment cette épreuve a-t-elle influencé votre vocation ?
À 17 ans, tu te crois immortel, et là, tout d’un coup, tu comprends que ça peut t’arriver aussi. Il y a eu toujours cette question : “Demain je meurs, qu’est-ce que je dis au Seigneur quand je me présente devant lui ? Qu’as-tu fait de ta vie ?” J’ai beaucoup observé papa : il était crédible. C’était une chance paradoxale de voir quelqu’un se préparer à mourir en chrétien. Le prêtre qui s’est occupé de lui est venu le soir où papa est décédé et a passé une grande partie de la nuit avec nous. Il y a vraiment eu un lien qui s’est établi.

Votre parcours au séminaire n’a pas été linéaire…
J’ai d’abord rejoint la Fraternité Saint-Pierre, mais assez vite j’ai senti que ce n’était pas ça, même s’il y avait de bonnes choses. J’ai manqué et de courage et de discernement ce qui a créé des difficultés qui ont entrainé mon renvoi qui a été salutaire pour la suite. Après coup je me rends compte que j’ai voulu créer ma vocation et non pas la recevoir.

Vous êtes alors parti à Rome ?
Monseigneur Batut, alors évêque auxiliaire de Lyon, m’a envoyé dans une maison de discernement tenue par un jésuite, la la Casa Balthasar. Cela a été une vraie bouffée d’air. J’ai découvert la spiritualité ignatienne, les règles de discernement de saint Ignace.

Et ensuite, le séminaire de Lyon ?
Je suis revenu à Lyon, puis j’ai été envoyé à Bruxelles à l’IET (fac jésuite) à la maison Sainte-Thérèse.. C’était vraiment le lieu où j’espérais aller. Là, je me suis épanoui. Mais en début de deuxième année, je suis tombé malade.

Cette maladie a été un tournant majeur ?
Ça a été un parcours de deux ans très compliqué au niveau santé. J’ai reçu deux fois le sacrement des malades. Quand tu as 28 ans et que tu as l’impression d’être un légume, c’est compliqué pour la fierté. Mais paradoxalement, ça a été salutaire. Puis j’ai compris et accepté que cela ferait partie de mon chemin..

Cette épreuve vous a-t-elle éclairé sur votre vocation ?
Avant tout, la maladie a eu le bon goût de simplifier et d’épurer beaucoup de choses, à commencer par ma prière. De plus, l’expérience d’une fraternité très forte m’a aussi aidé à choisir la vocation d’oratorien de saint Philippe Néri.

Quel conseil donneriez-vous à quelqu’un qui s’interroge sur sa vocation ?
Trouve-toi un bon père spirituel, une personne de confiance. Ne t’ouvre pas à tes proches tout de suite, sauvegarde ta liberté et ton discernement, car parfois les vocations, c’est comme les autoroutes : tout le monde en veut, mais pas chez soi et il peut y avoir des pressions inverses. Fais confiance à Dieu, donne-lui une chance. Et surtout, attention à ne pas trop te projeter : ne construis pas ta vocation, reçois-la !

Un dernier mot ?
J’aime bien l’image de Pierre qui se jette à l’eau quand il reconnaît Jésus sur l’autre rive. C’est ça, la vocation : à un moment, il faut se jeter à l’eau. Tu peux te jeter à l’eau parce que c’est vers Jésus. Tu ne sais pas trop comment ça va se passer, mais tu sais que sur l’autre rive, Jésus est là. Il ne te laisse pas tomber.


Témoignages à venir du père Nicolas Charrier (curé à Charlieu), du père Luc Garnier (curé à Brignais et Chaponost) et de Claire et François Gérard (parents du père Cinvent Gérard, vicaire épiscopal du Roannais).


Article extrait du magazine Eglise à Lyon, septembre 2025.
Cliquer ici pour s’abonner