Article extrait du magazine Eglise à Lyon, mai 2025.
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Même si le Diocèse de Lyon, par rapport à bien d’autres, a la chance de compter encore un nombre important de prêtres, il fait face, comme tous les autres, à la baisse des vocations. Cette question est travaillée au sein du diocèse, aussi bien au sein du conseil épiscopal qu’au conseil des nominations, mais aussi par le biais de consultations locales, comme dans le bassin roannais en ce moment. De nouvelles formes de présence sont actuellement expérimentées. Mgr Loïc Lagadec, évêque auxiliaire du diocèse de Lyon, vicaire général territoires, délivre quelques-unes des premières pistes retenues.
De quelle manière sont préparées les nominations de prêtres dans telle ou telle paroisse ?
Mgr Loïc Lagadec : Nous essayons de faire coïncider le bien de la communauté paroissiale et le bien des prêtres. Et pour faire cela, nous menons deux consultations. Avec les prêtres tout d’abord via leurs entretiens avec le vicaire épiscopal territorial. Au cours de cet entretien, le prêtre exprime sa disponibilité pour rester ou être appelé à d’autres missions. Les équipes d’animation pastorale sont également consultées par le vicaire épiscopal territorial.
Quelle est la durée d’une nomination comme curé ?
Traditionnellement dans notre diocèse, les nominations de curé sont d’une durée de six ans, renouvelables pour trois ans.
À quel moment ces consultations se mettent-elles en place ?
Avant la fin de la sixième année, le vicaire épiscopal territorial rencontre les membres de l’équipe d’animation pastorale de la paroisse pour évoquer l’hypothèse d’un changement et prendre l’avis des membres de l’EAP. Après, vient le plus dur ! La complexité de faire correspondre toutes ces choses entre le besoin des paroisses et les disponibilités des prêtres. La diminution du nombre de prêtres commence à rendre problématique la nomination de curés, car tous les prêtres ne sont pas appelés à devenir curés et tous ne le désirent d’ailleurs pas ! Certains prêtres nous disent clairement n’être pas faits pour être curé. La mission de curé est une belle mission et beaucoup de prêtres diocésains y aspirent. Cela fait partie de la vocation d’un grand nombre d’entre eux.
Y a-t-il eu des enjeux particuliers à prendre en compte cette année ?
Le contexte cette année est plus compliqué encore car quatres curés n’assumeront pas leur mission l’année prochaine alors qu’ils ne sont pas à leur fin de mission. Et ce, pour des raisons diverses : année sabbatique, problèmes de santé…
Quelles sont les conséquences de ces fins de mission anticipées ?
Cette situation inédite va nous obliger à mettre en place un accompagnement pastoral différencié, et ce plus vite que nous le pensions. Nous avons déjà enclenché il y a quelques mois des initiatives pour expérimenter différentes modalités de présence et de collaboration entre prêtres et laïcs. Il peut s’agir par exemple :
– des prêtres résidents ;
– une équipe fraternelle de trois prêtres réunis en un lieu et accompagnant plusieurs paroisses ;
– une paroisse où le prêtre n’est pas résident ;
– une paroisse avec des prêtres visiteurs.
On explore aussi l’hypothèse de couples missionnaires qui s’installeraient dans une paroisse, le tout articulé avec les laïcs en mission déjà présents.
Pouvez-vous présenter ces nouvelles formes de présence ?
Nous sommes en train d’explorer dans le diocèse de Lyon deux modalités en particulier : des paroisses qui deviennent des territoires de mission, sans prêtres résidents, telles que celles de Lamure-sur-Azergues et Monsols. Ces deux paroisses sont accompagnées par des laïcs en mission ecclésiale et des prêtres qui visitent la paroisse, en l’occurrence le père Vincent Charmet, qui est vicaire à la paroisse de Belleville-sur-Saône, et qui visite et accompagne les fraternités et laïcs présents et engagés dans ces territoires.
Quelle autre option peut être envisagée ?
A partir de septembre prochain, la paroisse Saint-Alexandre de l’Ouest lyonnais, où on n’a pas trouvé de curé, sera pilotée par un prêtre à mi-temps et une laïque coordinatrice, Aude Corvaisier-Riche, qui portera la responsabilité pastorale en lien avec l’équipe d’animation pastorale et un prêtre modérateur. C’est ce dernier qui aura la responsabilité finale, mais dont une grande partie sera déléguée à cette salariée laïque.
Beaucoup de jeunes prêtres aspirent à vivre au sein d’une fraternité de prêtres…
Oui, mais pas tous ! C’est en effet une option déjà mise en place dans notre diocèse depuis quelques années. Il en existe une depuis plusieurs années dans le Sud-Ouest lyonnais avec les pères Luc Garnier, Vincent Gérard et Thomas Samson qui desservent trois paroisses. Il en existe également une à Villefranche et une autre sera installée à la Guillotière (Lyon 7e) à la rentrée prochaine.
Depuis plusieurs mois, un travail approfondi est mené dans le bassin roannais, pouvez-vous nous en dire davantage ?
Pour le bassin roannais, l’idée de la consultation large des fidèles avait démarré par les prêtres qui se posaient la question sur la meilleure façon de s’investir dans les paroisses de ce territoire. A la fois pour servir la mission et aussi pour vivre davantage de fraternité entre prêtres car leur éloignement géographique ne facilite pas la fraternité. Une réflexion a été engagée entre prêtres, diacres, laïcs et les équipes d’animation pastorale, sur les bonnes modalités, les bonnes priorités pour les prêtres et pour les laïcs en mission ecclésiale au sujet de leur engagement dans les communautés locales. Finalement, cette consultation permettra de prendre des décisions sur les missions des prêtres, sur l’organisation paroissiale et également sur les questions immobilières.
Qu’ont-ils décidé ?
De questionner directement les fidèles ! L’option prise ensemble est de prendre le temps de réfléchir ces choses-là avec les fidèles par une consultation dans les paroisses. Cette consultation a eu lieu cet hiver et ce printemps avec des groupes de discussion, invités à prier, à se regrouper pour discuter ou répondre à un questionnaire…
Pour coordonner l’ensemble de cette consultation une équipe pilote a été mise en place avec le vicaire épiscopal territorial, un diacre, une laïque en mission ecclésiale travaillant dans le bassin roannais et une autre qui est membre de l’équipe diocésaine de transformation pastorale.
Cette équipe remettra ses conclusions aux évêques avant cet été, ce qui nous permettra avec l’archevêque et le vicaire général de prendre des décisions à la lumière de la synthèse préparée par cette équipe. Nous espérons pouvoir initier de premiers changements dès la rentrée 2025, mais plus probablement à partir de la rentrée 2026.
Quel grand principe prévaut à ces prises de décisions ?
L’enjeu est de tenir à la fois la proximité et la dynamique missionnaire, en prenant soin des communautés locales et en réfléchissant à une subsidiarité ascendante.
Comment concrétiser cette proximité et la dynamique missionnaire que vous venez d’évoquer ?
Dans le Roannais par exemple, l’enjeu des fraternités missionnaires émerge avec plus de pertinence pour porter la proximité et l’enjeu que ces fraternités soient en lien et soutenues sur un territoire plus grand.
Nous réfléchissons à une forte cohérence géographique. Tout le monde sait qu’il est du bassin roannais. Le fleuve et les montagnes créent naturellement une cohérence du territoire, avec une grande ville en son centre. Nous travaillons actuellement aux liens à établir entre la ville et les paroisses alentours. Autrement dit, comment la vitalité s’encourage au lieu de paroisses juxtaposées les unes à côté des autres et qui ne collaborent pas ensemble.
Cela requiert un engagement de plus en plus massif des laïcs…
Bien sûr ! Le vicaire épiscopal territorial en particulier porte ce soin à la mise en œuvre d’une plus grande synodalité. Sans que ce soit un affichage, sans grande annonce, cette démarche est une illustration de ce que peut être une synodalité féconde localement, en territoire. On n’avance pas sans les gens, si on prend une décision sans les gens, ça ne bouge pas ! Il est essentiel d’obtenir leur adhésion. Nous voulons donner aux acteurs locaux une vision, une formation, pour qu’ils puissent avoir un avis éclairé.
Y a-t-il un autre axe de réflexion que vous souhaiteriez présenter ?
Un autre sujet très différent des défis ruraux du bassin roannais, les milieux populaires. Nous venons de lancer un groupe de travail sur l’évangélisation en milieu populaire pour mieux prendre en compte les spécificités liées à la paupérisation et à l’immigration dans ces quartiers. Au sein de ce groupe, les pratiques pastorales sont échangées, on essaie de développer le travail en réseaux des prêtres de ces territoires, en lien avec les laïcs et les religieuses présentes également. C’est par exemple le cas à Lyon 8e, Vénissieux, Vaulx-en-Velin.
Vous avez évoqué largement les propositions testées actuellement en zone rurale, qu’en est-il de l’agglomération lyonnaise ?
De manière générale, avec les vicaires épiscopaux territoriaux, nous faisons l’hypothèse que les régions de notre diocèse n’ont pas exactement les mêmes besoins, ni les mêmes défis, et nous cherchons à nous adapter au spécifique de chacun. Pour la vie ecclésiale dans la région lyonnaise, on constate qu’elle bénéficie de la belle vitalité de la métropole grâce à une population nombreuse, jeune et dynamique. C’est vraiment saillant. Pour l’instant, nous débutons juste un travail sur l’Est lyonnais. Une autre question par exemple serait à analyser et accompagner : la tendance à l’éloignement des familles du centre-ville; sur plusieurs années, cela change profondément les choses. Les évolutions des lieux de vie des étudiants sont aussi un autre exemple de paramètre à prendre en compte pour la région lyonnaise.
Voyez, ces questions ne sont pas d’abord des questions d’organisation, mais de vie. Comment servir la vie chrétienne ? Comment soutenir notre conversion à l’Evangile sans cesse à reprendre, à travers des communautés bien concrètes, très humaines, enracinées dans une région ou un quartier ? Comment être des communautés qui attestent de la bonté de Dieu ?
La mission des prêtres en paroisse (surtout diocésains) est passionnante car elle allie des choses aussi variées et stimulantes que prendre soin de la communauté locale, les faire grandir dans le service, les compétences missionnaires, initier à l’intimité de Dieu…
Le flot de conversions et de catéchumènes atteste que l’Évangile répond à la soif qu’il y a dans le cœur de l’homme. Ce n’est pas le moment du déclin ! Le diocèse de Lyon regorge de belles communautés locales pour s’engager comme bénévole, comme laïc salarié ou comme prêtre !
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Article extrait du magazine Eglise à Lyon, mai 2025.
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