Article extrait du magazine Eglise à Lyon, septembre 2025.
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Pouvez-vous nous parler de vos origines familiales ?
Je suis l’aîné de 6 enfants. Famille clas-sique de parents chrétiens catholiques qui m’ont transmis la foi : baptisé petit, catéchisme, première communion. Une foi vécue assez simplement au départ. L’arrivée de mon 2e petit frère, porteur de trisomie 21 a profondé-ment marqué notre vie familiale. Et ça a transformé notre manière de vivre la foi, qui est devenue plus existentielle. Avant, c’était plus traditionnel. Avec cette épreuve, nous nous sommes confrontés à des questions profondes, et Dieu est devenu quelqu’un avec qui je parlais vraiment.
Je me souviens d’un moment précis où ma mère, en difficulté, nous a dit : “Ça y est, j’en peux plus, on va se tourner vers Dieu, on va lui demander son aide.” Dans ce moment de prière simple en famille, j’ai découvert que Dieu était vraiment quelqu’un qui nous écoute et qui se soucie de nos galères.
Comment avez-vous vécu votre adolescence par rapport à la foi ?
Classique dans le sens où j’ai continué à aller à la messe le dimanche, pas mal poussé par mes parents. Je me sou-viens que je trouvais une messe à 7h du matin pour pouvoir regarder Téléfoot ensuite, qui était quand même beaucoup plus important ! En revanche, j’ai réussi à m’extraire du par-cours chrétien proposé aux jeunes : pas de confirmation, pas de scoutisme, pas de groupe de jeunes chrétiens. Une des raisons, c’est que j’avais des amis qui n’étaient pas du tout chrétiens, notamment par le sport. La foi était vraiment en-fouie au fond de mon cœur comme quelque chose de très important, mais je ne la partageais pas du tout avec d’autres.
Qu’est-ce qui a changé par la suite ?
Ce qui a changé, c’est qu’au bout d’un moment, on sort de la crise d’ado ! Et surtout, les années passant, je me suis rendu compte que sous toutes les apparences qu’on peut avoir à cet âge-là, j’avais en moi une grande soif d’absolu. J’ai eu la chance, en première et terminale, d’avoir des professeurs de lettres et de philosophie qui nous apportaient des nourri-tures de l’âme. Leurs cours rejoignaient des questions que je me posais intérieurement.
Comment la question de la vocation a-t-elle mûri ?
Après la Terminale, j’ai commencé des études de droit. Je n’étais pas emballé. Je me pose alors la question de faire des études de théologie. Je rencontre un prêtre qui me dit : “C’est bien gentil de faire de la théologie, mais ça ne fait pas vivre. Ceux qui font de la théologie, ce sont les prêtres.” En partageant avec lui, je sens que derrière ma démarche intellectuelle, il y a une question plus profonde et que peut-être le Seigneur m’appelle à lui donner ma vie.
Y a-t-il eu un déclic particulier ?
Il y a un moment assez marrant ! Je me retrouve avec toute ma clique de co-pains étudiants, pas du tout chrétiens. Un soir, sans doute un peu arrosé, on se met à parler de ce qu’on veut faire plus tard. Quand arrive mon tour, je dis : “Si ça se trouve, moi je vais finir moine.” Explosion générale de railleries ! Mais au moment où je le dis, je sens que je viens de dire pour la première fois quelque chose d’important et de vrai. Je me souviens très bien du len-demain : il y a eu un avant et un après. Quelque chose s’était confirmé dans ma tête, et je savais que c’était cette voie-là que je voulais emprunter.
Comment avez-vous géré les doutes pendant votre formation ?
Régulièrement, je me disais : “Pourquoi est-ce que les choses ne sont pas plus simples, pourquoi le Seigneur ne parle-t-il pas plus clairement ?” Mais j’ai toujours un peu pigé que c’était la manière de faire de Dieu, et que si je ne me mouil-lais pas, il ne se passerait rien.
L’image que je prends souvent, c’est Indiana Jones qui doit se jeter dans le vide pour que le chemin apparaisse sous ses pieds. Il faut avancer à tâtons sans toujours y voir clair. Il n’y a pas eu de moments où j’ai entendu Dieu me dire directe-ment “ta voie, c’est là”.
Comment trouvez-vous l’équilibre dans votre vie de prêtre ?
Je suis footballeur depuis l’enfance, et ça fait partie de mon équilibre de vie. Comme prêtre, j’ai essayé de garder cet ingrédient : faire du sport toutes les semaines, avoir une équipe. On ne peut pas être à 100% tout le temps.
Le fait d’être en équipe avec d’autres prêtres m’aide beaucoup. Je vis avec deux autres prêtres, on peut se raconter nos journées, déconner ensemble, et quand il y a des coups durs, se les partager. Ce qui paraît une montagne diminue quand on le partage avec les confrères.
Quel conseil donneriez-vous à un jeune qui s’interroge ?
Souvent, l’écueil peut être de se dire “j’attends d’avoir un appel clair et sûr pour m’engager”. Moi, le Seigneur m’a lais-sé libre de ma vocation dans une certaine mesure. J’avais un appel, mais je n’étais pas obligé par Dieu à le choisir. C’était plus un désir que j’ai pris au sérieux et que j’ai nourri.
Si tu sens qu’il y a un lieu où tu vas pouvoir te donner, fonce ! Dieu ne t’appelle pas à quelque chose qui ne va pas être ton bonheur. Il faut faire le premier pas pour que l’appel puisse être entendu.
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Témoignages à venir de Claire et François Gérard (parents du père Cinvent Gérard, vicaire épiscopal du Roannais).
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Article extrait du magazine Eglise à Lyon, septembre 2025.
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