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Église à Lyon : le numéro de décembre 2022 est sorti !

Église à Lyon : le numéro de décembre 2022 est sorti !

Édito – Le Christ n’abandonne pas son Église

Chers frères et soeurs,

« L’affaire Santier » révélée peu de temps avant l’Assemblée des évêques à Lourdes a suscité incompréhension et colère. Les annonces faites ensuite par le cardinal Ricard puis par Mgr Grallet « d’actes répréhensibles » commis il y a 35 ou 40 ans n’ont fait qu’augmenter l’indignation et la crise de confiance. A l’issue de l’Assemblée, les évêques de France ont publié un message, intitulé « bouleversés et résolus » qui a été largement diffusé, et que je vous invite à lire.

Ici à Lyon, ces affaires ont un retentissement particulier, nous le savons bien. Elles peuvent réveiller d’anciennes blessures, d’abord chez les personnes qui ont été abusées, mais aussi en chacun de nous. Les réactions que je reçois, mais aussi celles que je lis dans les médias ou sur les réseaux sociaux, m’incitent à vous faire part de quelques réflexions. Mon but n’est pas de répondre à toutes les interrogations que soulèvent cette crise, mais de nous aider à prendre du recul et à garder le cap de l’Évangile.

La première concerne la question de la transparence. Peut-être est-il bon de prendre conscience que nous sommes en train de changer de culture. Il y a quelques dizaines d’années, dans les familles comme dans l’ensemble de la société, il était habituel de préserver l’institution des scandales. Ce n’était pas forcément considéré comme quelque chose de mal, mais plutôt comme un devoir. On voit bien maintenant que ce n’est plus possible. D’abord parce qu’on a pris conscience des immenses dégâts provoqués sur les personnes victimes par ces abus. Mais aussi, en ce qui concerne l’Église, parce qu’on se rend compte qu’il faut davantage faire confiance en la capacité des communautés à assumer des révélations difficiles. S’il est clair désormais qu’il faut quitter la loi du silence, il faut toutefois veiller à ne pas tomber dans l’excès inverse. Dans le cadre d’un relation interpersonnelle, la transparence absolue, nous le savons, n’est ni possible ni souhaitable. C’est un peu différent dans le cadre d’une institution comme l’Église. La crise actuelle a mis à jour des fautes et de réels dysfonctionnements, elle montre qu’il faut davantage de transparence. N’oublions pas cependant que chaque situation est unique, et que la décision à prendre est le plus souvent extrêmement complexe et tributaire de très nombreux paramètres. La communication reste le fruit d’un discernement.

La deuxième réflexion concerne la miséricorde. Les commentaires lus ici ou là me laissent perplexe. Je ne parle pas ici de ceux des personnes victimes à qui nous devons donner la priorité et dont la profondeur des blessures nous oblige à la plus grande compassion. Il est certain que nous devons dénoncer le mal sans chercher à le minimiser. Mais faut-il pour autant jeter le pécheur à la poubelle ? Un des grands scandales pour les juifs à l’époque de Jésus a été son attitude envers les pécheurs « je suis venu appeler non pas les justes mais les pécheurs », disait-il (Mc 2,17). Va-t-on oublier que le coeur de la Bonne Nouvelle est la miséricorde ? Va-t-on oublier qu’un des grands apports du christianisme a été de permettre la distinction entre le péché et le pécheur ? En 2015, le pape François a publié l’exhortation apostolique Amoris Laetitia dans laquelle il demande de ne pas juger en fonction de la seule gravité objective d’un acte, mais en prenant en compte les circonstances extérieures et les conditionnements intérieurs. « La miséricorde est la route de l’Église » écrivait-il, avant de promulguer, l’année suivante, une année de la miséricorde. Ne confondons pas chasse aux abus et chasse à la sorcière.

La troisième réflexion que je voudrais vous livrer concerne l’Église. Ce qui nous arrive nous fait mal et a de quoi ébranler notre confiance en elle ; cela est tout à fait compréhensible. Le mystère de l’Église est grand (cf. Ep 5,32), et poser sur elle un regard de foi qui va au-delà de ce qui apparait n’est pas évident. Et pourtant, elle est et demeurera toujours l’instrument à travers lequel le Christ poursuit son oeuvre de salut. Vase d’argile contenant un trésor (cf. 2 Co 4,7), elle portera toujours en elle ce paradoxe d’être sainte et composée de pécheurs. L’Église n’a jamais été un club de parfaits. Jésus a célébré la première Cène avec un traitre, un renégat et dix orgueilleux qui voulaient la première place. Nous devons certes dénoncer le péché dans l’Église, et en particulier lorsqu’il concerne ceux qui devraient montrer l’exemple, mais sans pour autant rêver d’une Église de purs. Sinon, nous risquerions au mieux d’être déçus et au pire de la quitter. « Le Christ a aimé l’Église, il s’est livré pour elle ; il a voulu ainsi la rendre sainte en la purifiant » dit saint Paul (cf. Ep 5,25.26). Nous sommes invités à embellir l’Église en l’aimant et en faisant le choix de la sainteté. Notre confiance en elle ne repose pas sur la sainteté de ses membres mais sur les promesses du Christ (cf. Mt 16,18).

Je voudrais terminer par une réflexion sur la façon dont nous pouvons traverser cette crise. Elle nous ébranle, certes, et nous éprouve, elle met à mal notre confiance. Mais nous sommes invités à la traverser dans la foi, à la suite de tant de saints, à commencer par saint Paul qui écrivait : « nous sommes terrassés mais non achevés » (2 Co 4,9). Comme on le voit dans l’Évangile, la barque de l’Église est chahutée par la tempête, elle semble prendre l’eau de toutes parts, et pourtant Jésus est là dans la barque avec nous. Il ne s’agit pas pour nous de quitter le navire ou de jeter les pécheurs par-dessus bord, mais de tourner nos regards vers Jésus. « Pourquoi avez-vous peur, hommes de peu de foi ? » disait-il (Mt 8,26). L’Église vit une purification, elle a perdu beaucoup depuis quelques années, et peut-être va-t-elle encore perdre beaucoup. Mais nous savons en qui nous avons mis notre confiance. Le Christ ne nous abandonne jamais. Il est toujours à l’oeuvre et, si nous voulons bien ouvrir les yeux, il continue de faire des merveilles. Je recevais il y a quelques jours ce texto d’un adolescent qui vient d’être confirmé : « J’étais très loin de m’imaginer la puissance de la foi et ses répercussions sur ma vie. Aujourd’hui j’ai un ami qui marche à mes côtés à tout moment de ma vie, et je pense que rien ne peut me rendre plus heureux que cet amour que je reçois de lui » [du Christ]. Rendons grâce pour ce que le Seigneur réalise aujourd’hui dans les coeurs de ceux qui se tournent vers lui !

Chers amis, je voudrais vous remercier et vous encourager à tenir bon. Je sais que beaucoup d’entre vous sont blessés précisément parce qu’ils aiment l’Église. Merci d’être toujours là. Merci à tous ceux qui prennent soin des personnes victimes ou qui oeuvrent pour la prévention des abus. Restons dans l’unité. Ensemble, nous traverserons cette épreuve, et le Christ saura en faire surgir un bien.

+ Olivier de Germay

Archevêque de Lyon

 


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