Publié le 18 mai 2020
« Les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de notre temps, des pauvres surtout et de tous ceux qui souffrent sont aussi les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des disciples du Christ »
Vatican II Gaudium et Spes, 1
Chers amis,
Avec le déconfinement progressif s’achève l’acte 1 d’une crise. L’acte 2 sera économique et social. Un pays ne reste pas deux mois sans travailler à plein régime sans qu’il faille, un jour, payer les pots cassés, et aider les personnes brisées par l’évènement.
Les conséquences du confinement sont devant nous : conséquences psychologiques, familiales, chômage…
Il ne sert à rien de se plaindre. Il faut affronter !
Tous, nous le savons d’expérience, lorsqu’on est dans le malheur, la première aide dont on a besoin est d’être écouté. Entendu. Très souvent en pouvant dire ce qui nous oppresse, nous trouvons en nous-même les forces pour sortir de la situation où les évènements nous ont plongés.
Beaucoup d’entre vous sont très généreux. Beaucoup d’entre vous seraient prêts à répondre à un appel à l’action. N’allons pas trop vite ! Prenons le temps de nous écouter, de nous demander ce que nous avons vécu de difficile, ce qui nous a aidé, ceux qui nous ont aidé, ce dont nous avons manqué, ce que nous avons fait ou ce que nous aurions aimé faire.
Permettez-moi d’insister, il est probable que la crise actuelle entrainera pour certains une sorte de déclassement social, un chômage qui (à tort) leur fera honte et qui les empêchera de parler et de demander. Quelle délicatesse va être nécessaire pour ne pas laisser ces personnes face à elles-mêmes ! Seule la fraternité réelle, celle qui est échange spirituel, avant d’être un échange matériel, sera efficace.
Cela dit, il convient aussi d’être prêt à aider globalement, c’est-à-dire amicalement, matériellement, socialement.
En bien des lieux, l’aide de l’Etat, de la Province, de la Métropole et des communes, voire des grandes associations, je pense à la Croix Rouge, mais aussi au Secours Catholique, à Notre Dame des sans-abris, a été généreuse et adaptée. Il serait ridicule d’essayer à faire moins bien ce qu’elles font bien, même si ce qu’elles font n’est pas toujours connu des paroisses.
Localement, notre premier travail est donc de connaître notre entourage et dans notre entourage, ceux qui sont en difficulté. Je suis sûr qu’à proximité de chacun d’entre nous, se trouvent des personnes, seules ou isolées par exemple parce qu’elles assistent une personne malade. Ah si nous pouvions les connaître et créer un lien avec elles ! Se connaitre, s’apprécier, créer des liens nous feront bénéficier de leur amitié : alors nous n’aiderons pas, nous échangerons ! Et cela que ces personnes soient des commerçants, des personnes âgées, des jeunes ou des indigents.
Nous allons découvrir des personnes en situation délicate : chômeurs ou travailleurs avec des revenus insuffisants pour survivre, migrants, mal logés, hommes ou femmes battus. Dans bien des cas nous pourrons les aider en les mettant en contact avec les services publics, les associations, les bonnes personnes, et cela est premier. Pour le faire, il nous faut avoir les bonnes informations qui permettent d’indiquer les bons chemins.
Ce n’est pas tout. Même si nous ne donnons pas d’argent directement à des personnes, les associations qui les aideront auront besoin d’argent. Il me semble que, pendant l’année qui vient, chaque foyer fiscal devrait donner au moins 10 % de ses revenus pour la solidarité. Je sais que beaucoup d’entre vous le font déjà. Aux autres de s’interroger. Et à chacun de nous de se demander : où puis-je rendre service ?
L’argent est nécessaire mais il n’y a pas que l’argent. Bien des personnes seraient heureuses de trouver un lieu pour y cultiver quelques légumes et quelques fleurs. Bien des lopins de terre, qu’ils appartiennent à des particuliers, des associations ou à l’Eglise, devraient pouvoir permettre à ces personnes de se rencontrer, de créer du lien social tout en contribuant à alléger leurs difficultés de fin de mois.
Cette suggestion me permet d’aborder un autre sujet. Le pape François, notamment dans l’encyclique Laudato Si, (dont nous fêtons le 5ème anniversaire cette semaine) fait remarquer que crise sociale et crise environnementale sont liées. Il nous faut entendre, à la fois, le cri des pauvres et le cri de la terre : puisque nous allons devoir changer, profitons de questionner nos habitudes pour développer les bonnes pratiques (par exemple le co-voiturage, le vélo, la marche à pied) et, pour nous catholiques, de rendre nos « églises vertes ».
Avec difficulté beaucoup d’entre nous viennent de vivre deux mois sans eucharistie. Ce manque a attisé leur faim de rencontrer le Christ. Il faut aller au bout de ce désir de rencontre et oser voir le Christ aussi dans le sacrement du pauvre. Il ne faut pas mériter la colère de saint Jean Chrysostome : « tu vénères l’autel de l’Eglise quand le corps du Christ y descend. Mais l’autre, qui est le corps du Christ, tu le négliges et tu restes indifférent quand il périt. »
Dans son encyclique Laudato Si, le pape remarque que le dimanche la participation à l’eucharistie a une importance spéciale : « Ainsi le jour du repos dont l’eucharistie est le centre répand sa lumière sur la semaine toute entière, et il nous pousse à intérioriser la protection de la nature et des pauvres. » (237).
Chaque crise est un appel à la conversion : une fois encore le Christ nous appelle. Le premier acte de la crise nous a permis de constater le dynamisme et la générosité de beaucoup de Français. On a légitimement parlé des personnels hospitaliers et de bien des personnes qui ont permis à notre pays de « tourner » même au ralenti, permettez-moi aussi de citer les très nombreux bénévoles de notre communauté. Disons leur merci et rendons grâce pour ses frères, ses sœurs, qui nous ouvrent le chemin de la joie et de l’espérance.
Prenez soin de vous.
Mgr Michel Dubost, administrateur du diocèse de Lyon