Publié le 24 mai 2017
Homélie de Mgr Emmanuel Gobilliard pour la fête de l’Ascension (25 mai 2017).
Frères et sœurs, contemplons le corps de Jésus. Notre Seigneur monte au ciel avec son corps et cette vérité de la foi signifie quelque chose de très important pour nous. Tout a commencé à la transfiguration. Ce jour là, Jésus montre aux apôtres impressionnés son corps transfiguré. Son pauvre corps, qui subit la fatigue, qui a soif, qui a faim, qui est brûlé par le soleil, qui plus tard sera bafoué, humilié, torturé, transpercé est aujourd’hui couvert de gloire. Bien sûr ce mystère du corps glorifié signifie la victoire sur la mort, mais il signifie que cette victoire a été acquise par le corps. Non pas malgré le corps, non pas contre le corps, non pas seulement avec le corps, mais par le corps. En faisant en nous sa demeure, en prenant sur lui notre corps de chair, Jésus lui-donne une signification nouvelle. Ce pauvre corps devient le moyen unique de ma sanctification, de ma glorification. Il devient le moyen de mon union à Dieu, à condition qu’il soit unifié par l’Esprit, c’est-à-dire qu’il soit transfiguré par la charité dont la source est en Dieu. Tout ce que je viens de vous dire avec des mots très théologique a des conséquences très concrètes. Mon corps, ma vie, toutes les expériences que je fais, deviennent le moyen de ma sanctification donc de mon bonheur. Aujourd’hui, nous cherchons trop notre bonheur dans l’imaginaire. Alors nous nous isolons et nous rêvons de situations meilleures, nous rêvons que nous sommes admirés, adulés, que nous sommes champions du monde de tennis en regardant Roland Garros, que nous gagnons the Voice, en regardant ces jeux de téléréalités. Nous rêvons une histoire d’amour impossible, des succès professionnels ou des réussites scolaires. Mais tout cela se vit dans notre imaginaire. Aujourd’hui Jésus nous rappelle que le moyen de notre bonheur, c’est notre corps, c’est notre vie réelle, ce sont les expériences que nous vivons vraiment, même si nous ne les avons pas choisies. Ainsi, si vous êtes âgés et que vous sentez la lourdeur de votre corps, Jésus vous invite à faire de cette difficulté le moyen d’aimer, de l’aimer et d’aimer vos frères. Ce n’est pas le Seigneur qui nous impose des difficultés et des souffrances, c’est en revanche lui qui nous accompagne dans ces moments difficiles. Notre souffrance est alors transfigurée par sa présence. Et pour les jeunes, c’est pareil. Si vous avez du mal à vous levez, si vous n’arrivez pas à faire vos devoirs ou à rendre service, demandez à Jésus de venir à vos côtés pour vous aider par sa présence. Offrir sa vie, c’est cela, c’est y inviter Jésus. Si vous vivez des difficultés conjugales, plutôt que de vous justifier, de chercher des excuses, de vous persuader que vous avez raison, demandez au Seigneur de vivre tout cela avec vous. N’ayez pas peur de lui demander son aide. Il n’éliminera pas les difficultés, il vous donnera la force de les surmonter. Oui une vie offerte, ce n’est pas seulement une pieuse intention, une mention dans la prière du soir ; une vie offerte, c’est une vie dans laquelle chaque expérience, chaque mouvement, est vécu avec Jésus. Jésus est l’unique chemin qui nous est proposé pour nous adresser au Père, mais notre vie est l’unique moyen que nous avons pour nous unir à Jésus. A force de vouloir vivre une vie imaginaire, ou de vouloir vivre la vie des autres, nous tombons dans l’orgueil, la paresse ou la jalousie et nous oublions de vivre notre vie.
Dans le mystère de son ascension, Jésus fait monter au ciel, non seulement son corps, mais toute ses activités, tout ce qu’il a vécu, toute sa vie et il nous promet l’Esprit Saint pour que nous fassions de même : une vivante offrande à la louange de sa gloire. Oui contemplons le corps de Jésus : contemplons ses yeux pour apprendre à regarder la réalité comme il la regarde, avec amour, douceur et compassion, contemplons ses mains pour apprendre à travailler comme lui, à servir comme lui, contemplons ses pieds pour apprendre à marcher comme lui, à marcher vers les autres, à avancer résolument vers notre vocation, à ne pas avoir peur d’agir, de nous mettre en route. Contemplons sa bouche pour apprendre à parler comme lui pour bénir et louer, pour apaiser et éduquer, pour encourager aussi. Contemplons son nez pour apprendre à sentir comme lui, à sentir l’odeur du troupeau, à sentir les signes des temps. Ne nous détournons pas en nous pinçant le nez comme si nous étions purs. Comme si les autres étaient sales ! Contemplons son cœur miséricordieux et apprenons à aimer comme lui. En montant au ciel, le Seigneur fait monter avec lui nos propres corps meurtris et fatigués, blessés voire humiliés. Il présente au Père ce que nous sommes. Nos actions et toutes nos expériences, nos échecs et nos succès, nos péchés aussi pour qu’il les pardonne. Rien ne le dégoute en nous. Il attend juste que nous le laissions s’approcher, que nous le laissions toucher nos lèvres pour qu’elles bénissent, toucher nos oreilles pour qu’elles entendent le cri de l’humanité, toucher nos mains, nos pieds pour que toutes nos actions aient un sens, toucher nos cœurs pour qu’ils se sachent aimés et qu’ils sachent se donner. Laissons-le s’approcher de nous pour que nos visages burinés, souriants ou larmoyants, défigurés par la honte ou la tristesse, deviennent son visage et qu’il nous conduise, par lui, avec lui, en lui, au Père. Son ascension nous ouvre les portes du ciel, les portes du bonheur, non pas d’un bonheur rêvé, mais d’un bonheur incarné : nos vies…pleinement vécues, pleinement données, transfigurées par sa seule présence à nos côtés, avec Marie.
Amen