Publié le 19 février 2017
Conférence de Mgr Emmanuel Gobilliard le dimanche 19 février au forum des jeunes à Paray-le-Monial.
Le point de départ de l’évangélisation, le moyen de l’évangélisation et le but de l’évangélisation, c’est Jésus. Le carburant, c’est l’amour de Jésus
Cette introduction contient tout ce que je veux vous dire et je pourrais presque m’arrêter là. Comme vous vous le voyez, je n’ai rien inventé. Le premier à le dire, quoi que sous une forme différente, c’est saint Paul dans la première épitre aux corinthiens, chapitre 9, verset 16 à 27. Lisons le texte :
« Annoncer l’Évangile, ce n’est pas là pour moi un motif de fierté, c’est une nécessité qui s’impose à moi. Malheur à moi si je n’annonçais pas l’Évangile ! Certes, si je le fais de moi-même, je mérite une récompense. Mais je ne le fais pas de moi-même, c’est une mission qui m’est confiée. Alors quel est mon mérite ? C’est d’annoncer l’Évangile sans rechercher aucun avantage matériel, et sans faire valoir mes droits de prédicateur de l’Évangile. Oui, libre à l’égard de tous, je me suis fait l’esclave de tous afin d’en gagner le plus grand nombre possible. Et avec les Juifs, j’ai été comme un Juif, pour gagner les Juifs. Avec ceux qui sont sujets de la Loi, j’ai été comme un sujet de la Loi, moi qui ne le suis pas, pour gagner les sujets de la Loi. Avec les sans-loi, j’ai été comme un sans-loi, moi qui ne suis pas sans loi de Dieu, mais sous la loi du Christ, pour gagner les sans-loi. Avec les faibles, j’ai été faible, pour gagner les faibles. Je me suis fait tout à tous pour en sauver à tout prix quelques-uns. Et tout cela, je le fais à cause de l’Évangile, pour y avoir part, moi aussi. Vous savez bien que, dans le stade, tous les coureurs participent à la course, mais un seul reçoit le prix. Alors, vous, courez de manière à l’emporter. Tous les athlètes à l’entraînement s’imposent une discipline sévère ; ils le font pour recevoir une couronne de laurier qui va se faner, et nous, pour une couronne qui ne se fane pas. Moi, si je cours, ce n’est pas sans fixer le but ; si je fais de la lutte, ce n’est pas en frappant dans le vide. Mais je traite durement mon corps, j’en fais mon esclave, pour éviter qu’après avoir proclamé l’Évangile à d’autres, je sois moi-même disqualifié.
1. L’évangélisation est un appel, et à cause de cet appel, c’est une nécessité impérieuse, qui s’impose à moi. Je m’acquitte de la charge que Dieu m’a confiée. Le bienheureux Paul VI nous l’avait déjà dit dans Evangelii Nuntiandi au chapitre 14 : « Nous voulons confirmer une fois de plus que la tâche d’évangéliser tous les hommes constitue la mission essentielle de l’Eglise ”[36], tâche et mission que les mutations vastes et profondes de la société actuelle ne rendent que plus urgentes. Evangéliser est, en effet, la grâce et la vocation propre de l’Eglise, son identité la plus profonde. Elle existe pour évangéliser, c’est-à-dire pour prêcher et enseigner, être le canal du don de la grâce, réconcilier les pécheurs avec Dieu, perpétuer le sacrifice du christ dans la sainte messe, qui est le mémorial de sa mort et de sa résurrection glorieuse. »
Notre force c’est cet appel, c’est l’appel de son amour. Il me considère comme son enfant bien-aimé ; il m’aime d’un amour inconditionnel, d’un amour fou et il me fait confiance. Chacun de nous, pour être de véritables évangélisateurs, nous devons entendre cet appel. Quand vous entendez les cloches de l’église qui sonnent, ne vous trompez pas, ce n’est pas d’abord un signe de joie, c’est d’abord un appel. Je vais à la messe, pas parce que cela me fait plaisir, mais parce que Jésus m’y appelle. Le mot Eglise d’ailleurs signifie « le rassemblement des appelés » ; Il est possible que je n’aie pas envie d’y aller, que je sois sans courage, sans force. Sainte Thérèse nous répond alors en substance : « si je n’ai ni envie, ni courage, ni force j’aurais d’autant plus besoin de Jésus. Jésus, voyant que je n’ai d’autre motivation que l’amour, sera lui-même ma force et mon soutien. »
2. L’évangélisation est un combat, et la première étape de ce combat, c’est la lutte contre moi-même, contre mon moi envahissant et paralysant. Le pape nous invite à sortir, mais il sait bien que la première sortie, qui est la plus difficile, c’est la sortie de soi. Toute la vie chrétienne, c’est sortir de soi ; Le péché, c’est le repli sur soi. La sanctification c’est sortir de soi et rencontrer Jésus présent dans la prière et les sacrements, présent dans mon frère que je dois aimer et servir. Cette lutte est très difficile, saint Paul nous le dit (1Co12, 2) : « Vous le savez bien, quand vous étiez païens, vous étiez entrainés sans contrôle vers les idoles muettes. » qui nous rappelle le psaume : « elles ont une bouche et ne parlent pas, des oreilles et n’entendent pas, des yeux et ne voient pas ». Notre Dieu nous parle dans la prière, dans sa parole. Il nous écoute aussi quand nous nous adressons à lui, mais la prière, comme l’évangélisation reste une réponse à son appel. Parmi toutes les religions, qui sont des chemins de l’homme vers Dieu, seul le judéo-christianisme est vraiment un chemin de Dieu vers l’homme. Et pour répondre vraiment à cet appel, il faut lutter et oser quitter ses idoles muettes. Oh parfois elles ont un micro devant la bouche et elles sont en poster dans vos chambres. Vous croyez qu’elles vous parlent mais elles ne parlent qu’à elles et quand vous croyez qu’elles vous parlent, elles ne le font que pour mieux se valoriser elles-mêmes. D’ailleurs, à la différence de la parole de Dieu, elles ne vous font pas sortir de vos sofas. Vous regardez leur image au mur, un casque sur les oreilles, enfoncés dans vos sofas et vous êtes satisfaits comme des chats qui ronronnent. Je ne dis pas que de temps en temps ce n’est pas nécessaire. Mais à trop la pratiquer cette recherche de bien-être empêche le vrai bonheur parce que vous perdez le contrôle comme le dit saint Paul, le contrôle de vous-mêmes, et vous n’avez même plus envie d’escalader la montagne, de viser les sommets. D’ailleurs saint Paul dans le passage sur l’évangélisation, en parle comme d’une course qui atteint son objectif à condition que nous prenions les bons moyens et que nous soyons tendus vers le bon objectif : « Moi si je cours, nous dit-il, ce n’est pas sans fixer le but ; si je fais de la lutte, ce n’est pas en frappant dans le vide ». Oui le Christ n’est pas comme ces idoles muettes, il nous parle en vérité, il parle à notre cœur, il veut notre plus grand bien et pour cela il nous invite, dans la bouche de notre pape François à quitter nos sofas. Il nous aime au point d’être exigeant. Merci Seigneur de ton amour fort, de ton amour viril et exigeant. Merci de vouloir pour moi le sommet, même quand je n’ai ni force ci courage. Soit ma force !
Nous ne pouvons pas évangéliser si nous ne sommes pas pauvres. La pauvreté, c’est d’ailleurs ce à quoi Jésus invite les disciples lorsqu’il les envoie évangéliser. N’emportez ni sac ni sandales. C’est le principe des vases communiquant : à mesure que je me dépouille de moi-même, Dieu peut me remplir de lui-même. Comme disait Madeleine Delbrel : « la pauvreté, ce n’est pas intéressant ; les pauvres le savent bien. Ce qui est intéressant, c’est de posséder le royaume, mais seuls les pauvres le possèdent ». Ce n’est pas intéressant d’^tre vide ; ce qui est intéressant, c’est d’être rempli de l’amour de Dieu, mais seul ceux qui sont vides d’eux-mêmes peuvent être prêt à être comblés par Dieu. Oui il faut accepter de se dépouiller, il faut accepter d’être pauvre et faible. Saint Paul nous le dit dans notre passage : « avec les faibles, j’ai été faible, pour gagner les faibles » Ici nous devons aborder l’un des éléments essentiels de toute vie chrétienne, dont sainte mère Térésa a été la championne. Apprendre à avoir besoin. Si nous possédons trop, si nous sommes pas dépouillés de nous-mêmes, alors nous n’avons pas besoin des autres et ils le sentent. C’est l’attitude de Jésus envers la samaritaine. Il a besoin d’elle. Cela vaut le coup que nous nous arrêtions un peu sur cet évangile : Il est midi, le soleil est au zénith, et cette pauvre femme, écrasée par la vie, honteuse d’elle-même, croise Jésus, fatigué et assoiffé. Une première question se pose : pour connaître un peu ces pays où la chaleur peut être étouffante, nous savons que le puits est un lieu de rencontres, un lieu de vie dans le village, mais pas à midi ! On s’y retrouve soit le matin, soit le soir. Et le fait de remplir sa cruche est autant une nécessité qu’un prétexte pour prendre des nouvelles et bavarder un peu, beaucoup même. Si Jésus est fatigué, c’est vraiment le dernier endroit où aller, en plein cagnard. Pour une femme, cette heure aussi est très étonnante. Si elle veut rencontrer ses amies, elle ferait mieux de choisir un autre moment. A moins qu’elle veuille ne rencontrer personne. A moins que cette démarche soit uniquement alimentaire et qu’elle veuille surtout ne voir personne. Pour Jésus, s’il était vraiment assoiffé, il aurait pensé à prendre un seau ! Si cette femme est venue au puits de Jacob c’était pour ne rencontrer personne ; si Jésus y est venu, sans seau, c’était pour la rencontrer, elle, et seul à seul. Cette femme a honte de sa vie qu’elle a ratée. Elle sait qu’elle n’est utile à personne, que personne n’a besoin d’elle, que personne ne pense à elle. Jésus n’a pas de seau, pour avoir besoin d’elle et de son aide, pour lui faire la délicatesse de la rétablir dans sa dignité, pour lui donner la joie de donner. Elle veut se replier sur elle-même, Jésus l’oblige avec une infinie délicatesse, à sortir d’elle-même et à répondre à son appel. Elle ne va probablement plus au temple où on la regarde de travers à cause de sa vie dissolue. Elle appartient à cette catégorie de personnes qui ne viennent plus à nous. Jésus, mine de rien, lui tend la bonne perche, qu’elle saisit avec une surprenante rapidité. Jésus est Juif et elle est samaritaine. Cette opposition qui constitue l’autre prétexte dont cette femme se sert pour engager la conversation sur autre chose, sur la religion, devient l’occasion d’un dialogue en profondeur sur le vrai sens de la vie. Imaginons un autre contexte : Je suis chrétien et je me retrouve assis dans un stade de foot à côté d’un pauvre bougre qui choisit justement cet endroit parce que personne ne le connait autrement que comme un supporter de foot. Il est peut-être expert-comptable, courtier en assurance, musicien, cadre supérieur ou étudiant. Il a depuis longtemps remplacé la religion de sa grand-mère par la lecture de l’Equipe, les paris en ligne et la liturgie assez peu musicale dirigée par le chauffeur du stade qui, telle une marionnette, hurle torse nu dans le mégaphone pour diriger les chants et la chorégraphie de cette-très masculine- chorale paroissiale. « Tiens tu portes une croix ? Qu’est-ce que tu fous là, tu ferais mieux de rester dans ton église. Moi ça fait longtemps que j’ai laissé toute ces conneries, surtout depuis que j’ai perdu ma sœur dans un accident de bagnole. Tes bondieuseries, c’est des conneries. Et la faim dans le monde, qu’est-ce que tu en fais ? » Qu’est-ce que Jésus aurait fait à ma place, quel extraordinaire moyen aurait-il choisi pour que j’ai besoin de mon voisin, pour qu’il découvre en moi cette faiblesse qui lui rendra sa dignité en lui donnant la possibilité de donner ? Certainement pas l’affirmation hautaine de mon identité chrétienne, mais l’humble attitude de celui qui, comme saint Paul nous le demande, considère l’autre comme supérieur à lui-même, de celui qui accepte de ne pas tout savoir, de ne pas répondre à tous les problèmes de l’humanité en une phrase lapidaire, de celui qui regarde l’autre en l’aimant, tout simplement. C’est à ce moment précis que Jésus nous demande de lui ressembler, en rejetant nos postures faciles qui ne convertissent personnes mais qui nous donnent la secrète satisfaction d’avoir fait la volonté de Dieu. Au moment précis où nous serions tentés de répondre de façon trop brutale, ou en nous esquivant proprement, Jésus nous invite à lui ressembler et à vivre ce sentiment qui est exprimé dans un autre évangile, celui du jeune homme riche : « Jésus posa son regard sur lui et il l’aima ». L’attitude de Jésus au moment où tous seraient tentés de répondre avec violence ou une pointe d’orgueil, c’est de poser sur lui son regard et de l’aimer. Il le respecte. Souvenez-vous que le mot respecter vient du latin, re-spectare : regarder à nouveau, y regarder à deux fois, regarder en profondeur. Combien de situations pastorales seraient facilitée si nous apprenions à aimer les gens avant de leur répondre. Lorsque vous partez évangéliser dans la rue, considérez les autres comme supérieurs à vous-mêmes. Soit, effectivement ils sont objectivement plus avancés que vous dans la sainteté et en croyant évangéliser les autres, c’est vous qui serez grandis, sanctifiés par le témoignage simple et lumineux de cette personne âgée qui est resté fidèle, par ce père de famille qui n’a pas abdiqué, mais qui, courageusement a puisé dans sa foi la force d’éduquer ses enfants, de servir sa fille handicapée ou de vivre la doctrine sociale de l’Eglise sur son lieu de travail. Si la personne que vous rencontrez ne connait pas Jésus, vous semble très éloignée de l’Evangile, alors considérez la encore comme supérieure à vous en considérant le Christ présent en elle. Si vous vous montrez supérieur, peut-être vous admirera-t-elle, peut-être vous écoutera-t-elle par charité. Mais si elle sent que vous la considérer, que vous la respectez, que vous l’écoutez vraiment, alors votre humilité sera l’humus, la bonne terre dont Jésus se servira pour se faire connaître à elle. Jésus était présente en elle et elle ne le savait pas. Mon attitude d’humilité toute mariale fera advenir le Seigneur en elle-même. Evangéliser, on peut le faire partout. Par exemple dans un diner mondain, priez et n’intervenez que pour dire du bien. Vous verrez que cela réduira considérablement le temps de parole et vous vous coucherez plus tôt, vu que généralement on passe son temps à taper sur le dos des absents. Que de temps perdu à critiquer. La charité est le seul vrai moyen de l’évangélisation. Le moyen de l’évangélisation, c’est Jésus qui n’est qu’amour ! « En aimant, en servant, j’établis avec celui que je sers une relation, un pont d’amitié, et ce pont c’est Jésus lui-même » (père Bernard Jozan) Evangéliser, c’est établir une vie avec Jésus, c’est donner la vie de Jésus. Le moment venu, le nom de Jésus pourra être révélé par un discours. Mais si ce discours n’a pas été préparé par la charité, il ne touchera pas le cœur. La charité, c’est se mettre du côté de l’autre, c’est se mettre à sa place, comme Jésus le fait avec Pierre, avec Marie Madeleine, avec Zachée, avec la Samaritaine. Concrètement c’est commencer par prier pour la personne, demander que Jésus établisse lui-même ce pont de la charité et se mettre à la place de l’autre : peut-être est-il fatigué, peut-être est-il pressé, ou peut-être connait-il une authentique souffrance. Je ne peux pas être vraiment à l’écoute de l’autre, dans la charité si je ne me suis pas mis à sa place. Vous serez témoin au travail, dans les études si vous prenez l’habitude d’aller sur la colline de l’autre. C’est très exigeant. Cela demande de quitter sa propre colline, ses propres préoccupations. C’est aller parfois jusqu’à accepter de renoncer à ses revendications à être aimé, admiré, respecté. Revendiquer quelque chose, c’est toujours se tourner vers soi, vers ses acquis et ses avantages. Mais pour aimer, il faut se tourner vers l’autre. Donc c’est justement au moment où on accepte de renoncer à cette revendication pourtant si légitime, qu’on devient capable d’aimer et donc qu’on est aimé. C’est curieux de voir que nous obtenons justement ce à quoi nous renonçons. Je renonce à une paternité, et tout le monde m’appelle mon père ; je renonce à une certaine fécondité, et je donne la vie de Dieu. C’est en mourant à soi-même qu’on renait à la vie éternelle car se réalise un échange merveilleux : je donne mon rien à Dieu et il devient mon tout. La voilà la vraie pauvreté celle qui nous ouvre à l’espérance. Se faire pauvre c’est recevoir la richesse de Dieu parce que la pauvreté authentique c’est compter sur Dieu seul. Mon âme se repose en paix sur Dieu seul, de lui vient mon salut. SUR DIEU SEUL !
Cela nous ouvre à la troisième partie qui, vous l’aurez deviné, concerne la chasteté. Au début j’ai parlé de l’obéissance, puis de la pauvreté. Naturellement vient maintenant la chasteté. Pourquoi croyez-vous que nous soyons tous appelés à vivre ces magnifiques conseils évangéliques ? Ce n’est pas que pour les religieux ! Les religieux en font des vœux mais parce que ces trois conseils sont liés au baptême et que les religieux sont appelés à vivre la radicalité du baptême. Nous sommes appelés à vivre ces trois conseils, non pas d’abord pour nous-mêmes, mais parce qu’ils sont des moyens pour le royaume. Les vrais moyens de l’évangélisation, ils sont là ! Et ils peuvent être vécus, quoique différemment dans tous les états de vie. Ne confondez pas la chasteté et la continence. Alors qu’est-ce que c’est la chasteté ? C’est être libre à l’égard de tous comme le dit saint Paul dans notre passage. Et pour être libre à l’égard, de tous, il nous faut commencer par nous-mêmes : être libres par rapport à nous-mêmes. La voilà la vraie liberté : liberté à l’égard de mon égoïsme, de mon orgueil, de mon désir de posséder l’autre, de le manipuler, de l’utiliser pour ma gloire ou mon plaisir. Pour être chaste, il faut aimer Jésus et lui demander sa grâce. Le meilleur moyen de lutter contre l’impureté c’est d’avoir avec Jésus une relation vivante. Oui il est vivant et je peux avoir avec lui une vraie relation, d’amitié, d’amour. « La pureté, dit Raniero Cantalamessa, n’est pas tant une domination de la raison sur les instincts qu’une domination du Christ sur la personne. Dans le premier cas, la pureté est orientée vers moi, dans le second, cas, la pureté est orientée vers le Christ. C’est lui qui est l’homme pur, parfaitement pur. C’est en lui seul que je suis vraiment pur. Donc la pureté, ce n’est pas d’abord quelque chose à préserver ; c’est une personne à rencontrer. C’est lui qui nous purifie. Donc le christianisme n’est pas d’abord une morale, mais d’abord une relation vivante. Un peu avant, saint Paul nous avait donné le sens de la chasteté, en 1Co6, 13. Notre corps est pour le Seigneur et le Seigneur pour le corps. La première partie de la citation, on la comprend bien. C’est la deuxième partie qui est plus difficile. Cela signifie que le Seigneur transparait à travers notre corps. Souvenez comme Mère Térésa était belle, mais à 80 ans. La grâce de Dieu irradiait à travers son corps. Alors mes amis, si vous voulez être beau et faire des économies en produit de beauté, faites une demi-heure d’oraison par jour. Vous serez unifiés, finalisés. Vous serez surtout aimés. Quand on est aimé en vérité et qu’on se sait aimé, on est beau, d’une beauté intérieure qui rejaillit sur tout l’être, sur tout le corps. Vous connaissez cette phrase de Jésus en Luc 14, 26 : « Si quelqu’un vient à moi sans me préférer à son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères et sœurs, et même à sa propre vie, il ne peut pas être mon disciple ». Cette parole de Jésus semble difficile à entendre, et pourtant elle est limpide et libérante. Cela signifie que, pour que toutes nos relations soient bien en place (c’est une autre définition de la chasteté), il faut aimer le Seigneur en premier. C’est lui la source de tout amour, c’est lui qui nous apprends à aimer, c’est lui qui nous aide à sortir de nous-mêmes pour que notre amour soit vrai et pas possessif. La chasteté c’est la mise en bonne place, en vraie place de toutes nos relations physiques, intellectuelles, spirituelles. La chasteté, cela va avec l’humilité. Pourquoi ? Parce que la chasteté c’est vouloir le bien de l’autre ; c’est l’aimer au point de s’oublier soi-même, au point de ne voir que l’autre. Il y a quelque chose de très impur dans la mise en scène permanente du nous-mêmes. La chasteté, ce n’est pas de ne pas aimer. Bien au contraire ; c’est aimer mieux. Ce n’est pas non plus refuser la dimension sensible. L’amour sexuel est bon et beau et grand. Il constitue même un sommet dans l’expression de la relation, mais il est beau que s’il est orienté vers le bien de l’autre, s’il est relatif à l’amour spirituel. Tout est une question d’harmonie, d’unité. Pour être sûr que l’amour soit vrai, il faut veiller à ce que l’amour spirituel domine. Dans l’évangélisation il peut y avoir un manque de chasteté, lorsqu’on est tourné vers l’effet qu’on produit, lorsqu’on veut voir le résultat, lorsqu’on calcule la réussite d’une rencontre au fait que l’autre nous admire, nous suive. Si vous voulez être sûr que votre apostolat soit fécond, soyez chastes, soyez humbles, soyez à l’écoute de l’autre, en vérité. Si vous laissez Jésus prendre la place, toute la place, alors ne vous inquiétez pas, vous serez de grands évangélisateurs. Je voudrais vous raconter l’histoire de Caroline. Son témoignage manifeste une grande chasteté. Elle a réagi au point de s’oublier elle-même, d’oublier sa réputation, de considérer comme vain le regard que les autres portent sur elle : étudiante en médecine, son professeur se met, en cours, à déblatérer sur le pape, en le critiquant, en le ridiculisant et il finit par conclure : « je ne sais pas pourquoi je m’étends là-dessus. De toute façon vous êtes tous d’accord ! » A ce moment-là Caroline se lève tranquillement. Tout le monde se tait, et elle dit juste : « non pas moi monsieur ! » puis elle se rassit. A la fin du cours le professeur est allé la remercier. Elle ne saura probablement jamais l’effet véritable que son intervention a produit sur ce monsieur et sur tout l’auditoire, mais une chose est sure, c’est un acte courageux et d’une grande chasteté. Elle ne voulait que le bien de ce monsieur et de ses camarades. Elle est restée courtoise et charitable, elle ne s’est pas donnée en spectacle. Elle était ajustée. C’est pour cela que tous ont été touchés. Nous risquons parfois de manquer de chasteté en étant arrogant, en instrumentalisant Jésus ou l’Eglise au service de nos idées politiques. L’Evangile n’est pas une tribune. Jésus n’est pas un chef de parti et je ne suis pas son porte-parole. Je suis son ami. Pour évangéliser, je vous demande juste d’être ses amis. Aimer Jésus vraiment, ce n’est pas lui consacrer une heure par semaine à la messe du dimanche, c’est vivre de sa vie. Pour cela il est nécessaire d’avoir une vie de prière régulière, une vie sacramentelle régulière. Si vous n’avez pas les bonnes techniques d’évangélisation, ce n’est pas grave, si vous n’arrivez pas à aller au-devant des gens, ce n’est pas grave. Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus est patronne des missions et pourtant elle n’est pas sortie de son couvent. Elle est juste restée aux pieds de Jésus, se laissant aimer par lui et lui offrant sa pauvreté pour qu’il soit sa force. N’ayez pas peur de vos difficultés, de vos faiblesses, de vos échecs. Dieu s’en servira pour que vous ne vous appuyiez que sur Lui. La meilleure chose qui puisse vous arriver, c’est qu’il vous regarde avec tendresse, avec compassion et qu’il se dise : « c’est vrai qu’il n’est pas très doué. Allez, je vais faire le travail en lui, puisqu’il me laisse entrer. »
Pour être missionnaire, il suffit d’être disciple. C’est ce que le pape François ne cesse de nous rappeler. Être missionnaire, ce n’est pas un charisme facultatif. Il n’y a pas ceux qui sont appelés à être missionnaires et ceux qui sont appelés à prier, et ceux qui sont appelés à prêcher… Tous nous sommes missionnaires, à partir du moment où nous sommes disciples, à partir du moment où nous laissons la vie de Jésus pénétrer en nous, à partir du moment où sa force vient rejoindre notre faiblesse. D’ailleurs peut être que pour être vraiment évangélisateur, pour être vraiment disciple missionnaire, il faut avoir touché sa faiblesse, il faut avoir mis en échec nos certitudes et surtout nos certitudes de nous-mêmes. Il arrive que parfois, les circonstances, providentiellement, nous fassent perdre notre point d’appui. Par exemple, à Madagascar, miracle de la langue, j’ai appris à me taire. La vie du prêtre repose beaucoup sur la parole, sur la prédication. Et bien le Seigneur m’a coupé le sifflet au point que je n’étais pas capable d’aligner trois mots. Le Seigneur m’a fait perdre mon point d’appui, ce qui faisait ma force et mon orgueil, pour que j’apprenne à ne m’appuyer que sur Lui. Oh ce n’est pas encore gagné, loin de là. Mais j’ai vu, à l’occasion de cet événement qui a été une souffrance et une humiliation, combien il était urgent que je laisse enfin Dieu parler. J’avais peut-être, voulant trop être pasteur, oublié d’être disciple.
C’est en étant profondément disciple qu’on est vraiment évangélisateur. L’évangélisation, ce n’est pas une activité du samedi après-midi avec quelques amis de la paroisse. L’évangélisation, c’est d’abord se laisser façonner par Dieu, c’est d’abord laisser Dieu agir, laisser Dieu habiter nos activités et toutes les dimensions de notre être. Invitez Jésus dans votre travail en lui demandant de vous aider à donner un sens à ce que vous faites, en lui demandant de vous aider à vous donner, à aimer à travers ce que vous faites. Demandez au Seigneur de venir habiter vos loisirs, vos temps de détente et de rencontre entre amis. Vous serez d’abord plus détendus parce que vos détentes seront plus vraies, plus saines, moins égoïstes ou autocentrées. Demandez au Seigneur d’être présent à vos conversations familiales. Vous serez plus charitables, plus aimants, donc plus aimés. Demandez-lui de préparer lui-même vos rencontres difficiles. Il enverra son ange-facilitateur pour que le bien des personnes soit préservé. Probablement pas pour que vous soyez le meilleur, que vous réussissiez, mais pour que le bien soit vainqueur. Pour réussir cela, c’est-à-dire pour réussir l’accueil de la présence de Jésus dans toutes vos activités, je vous demande trois choses : prenez un temps d’oraison quotidien, ayez un accompagnateur spirituel et ayez un contact avec les pauvres. Commençons par l’oraison. Si vous n’avez pas l’habitude, commencez par un quart d’heure dans un lieu propice, c’est-à-dire le plus souvent, dans une église. Dans votre chambre, vous pouvez prier une dizaine du chapelet ou dire une autre prière vocale, vous pouvez lire un ouvrage spirituel, mais vous aurez beaucoup de mal à prendre un temps d’oraison, c’est-à-dire un temps de dialogue amoureux avec Dieu. Dans votre chambre en effet, il y a souvent trop de tentations. Or l’oraison est un lieu de combat, un lieu où vous serez attaqué par le démon parce qu’il sait que c’est là que vous deviendrez vraiment disciples. Dans votre chambre il y a trop de tentations : il y a le téléphone, l’ordinateur, internet, il y a souvent un frigo pas loin. Il y a aussi un lit. Prenez ce temps plutôt en fin de journée en rentrant du travail ou des études, parce que si vous le prenez le matin, ce temps finira par se réduire. Le matin, en effet, on est presque toujours en retard, pressé, ensommeillée, stressé. Le soir, profitez du trajet travail-domicile pour vous arrêter un quart d’heure dans une église ou un oratoire. Vous verrez que c’est beaucoup plus facile, et que vous en avez besoin. La deuxième chose que je vous demande de faire, c’est d’être accompagné spirituellement. L’obéissance est la clé de la vie chrétienne, comme je l’ai dit au début de mon intervention. Dans la direction spirituelle, à travers celui ou celle qui vous accompagne, vous remettez votre vie au Seigneur, vous laissez le Seigneur jetez un regard sur votre vie, vos activités. A travers cela vous vous laissez guider par le Seigneur. Sinon vous risquez de n’obéir qu’à vous-mêmes en croyant obéir au Seigneur. L’Eglise nous offre des médiations. La médiation des personnes qui sont au service de notre croissance spirituelle, la médiation des sacrements, la médiation de la paroisse, des mouvements. Profitez-en largement. Dans ces lieux, dans ces différentes activités, vous apprendrez à être des disciples missionnaires. La troisième chose que je vous demande, en reprenant l’expression de saint Paul, c’est d’avoir le souci des pauvres. Des pauvretés il y en a beaucoup, des occasions de servir les pauvres il y en a beaucoup, depuis les pauvres de la rue en passant par les malades, les personnes âgées, les jeunes en échec scolaire. Malheureusement, les lieux de souffrance sont nombreux. C’est dans le contact intime avec Jésus, présent dans la prière personnelle, présent dans les médiations que l’Eglise propose et présent dans les pauvres que vous deviendrez des disciples missionnaires et que vous évangéliserez, bien au-delà de tout ce que vous pourrez constater ou mesurer. Jésus évangélisera en vous.
Vous l’avez compris, pour évangéliser en vérité, il n’est pas nécessaire d’avoir fait de grandes études, il n’est même pas nécessaire d’avoir fait l’école d’évangélisation. Il n’est pas nécessaire d’appartenir à tel groupe plutôt qu’à tel autre, à telle paroisse plutôt qu’à telle autre. Une seule chose est nécessaire. « Suis-moi ! » dit Jésus au jeune homme riche. Pour évangéliser, il suffit d’être saint, et des saints il n’y en a pas deux pareils. Des ingénieurs, des dentistes, des professeurs des écoles, des plombiers, il y en a qui se ressemblent. Le saint, il est absolument unique et irremplaçable. Donc pour faire connaître et aimer Jésus, je le dis en tant qu’évêque, c’est-à-dire solennellement et avec autorité : « J’ai besoin de toi ! Oui toi ! Sans toi Jésus ne peut rien faire ! »