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Les évêques
Homélie de Mgr Gobilliard – fête de l’Epiphanie

Publié le 09 janvier 2017

Homélie de Mgr Gobilliard – fête de l’Epiphanie

Dans l’Evangile du 3ème dimanche de l’Avent, il y a cette phrase de Jésus à propos de Jean Baptiste : « qu’êtes-vous donc allés voir ? Un prophète ?  » Je voudrais reprendre cette interrogation « qu’êtes-vous donc allés voir ? » pour l’adapter à l’Evangile d’aujourd’hui. Les mages venus d’Orient, riches de savoir et d’intelligence, de culture, arrivent avec des présents absolument inutiles pour un enfant qui n’a besoin que de lait. Que sont-ils donc allés voir ? Un sauveur dans la personne d’un nourrisson qui n’est qu’un faisceau de besoins. Ils sont allés recevoir d’un nourrisson leur salut. Joseph avait reçu de l’ange l’ordre d’appeler l’enfant : Jésus, c’est-à-dire Dieu sauve et pourtant c’est lui qui a dû le sauver de la main d’Hérode en fuyant en Egypte. Dieu sauve. Cet enfant qui n’est qu’un faisceau de besoins ne peut pas se sauver lui-même, mais il est le sauveur.

Cela nous rappelle étrangement un autre épisode : l’autre grand moment du Salut pour le chrétien, l’épisode où Jésus, sur la croix, entend, de la part des grands prêtres, cette phrase : « Il en a sauvé d’autres et il ne peut se sauver lui-même. » Les deux grands moments du salut pour les chrétiens sont les moments où Dieu semble absolument impuissant : la naissance d’un enfant qui ne peut vivre sans l’aide des autres et la mise à mort d’un homme qui se prétend Dieu et qui ne peut même pas se sauver lui-même. Que sont donc allés chercher les mages en venant contempler un bébé dans une crèche ?

Cet enfant nous invite à contempler les limites que le Verbe lui-même s’est imposées en venant habiter parmi nous. Puisqu’il est Dieu, il aurait pu choisir de multiples manières pour nous sauver, plus éclatantes, plus glorieuses, plus puissantes. Il a choisi de venir dans un enfant. Et aujourd’hui, que faites-vous, qu’êtes-vous venus chercher ? un morceau de pain. Dieu présent dans… encore pire qu’enfant, encore pire qu’un crucifié : un morceau de pain. Et vous allez reconnaître dans un morceau de pain la présence de celui qui vous sauve. Avouez que, pour le monde qui parle surtout de puissance, d’argent, de pouvoir, d’honneur, de gloire, c’est quand même bien paradoxal ; on doit souvent nous prendre pour des fous ! Alors que sommes-nous venus chercher ? Eh bien, oui il faut le reconnaître, nous sommes venus chercher Dieu présent dans ce qu’il y a de plus faible. Dieu présent dans celui qui a besoin -car l’enfant est d’abord celui qui a besoin- Dieu présent dans celui qui a besoin de nous pour vivre, comme il avait besoin de Marie pour survivre. Il a besoin de nous pour vivre dans ce monde, pour vivre en nous, comme il avait besoin de Marie pour vivre dans ce monde. Il a besoin du prêtre pour se donner dans l’Eucharistie d’aujourd’hui, il a besoin de l’Eglise. Le faible, celui qui refuse la force et la puissance du monde, devient le sauveur ! Et nous savons que c’est finalement la seule façon de réaliser un authentique salut. Prenons une comparaison : lorsqu’il y a une querelle entre deux personnes, entre un père et son fils par exemple, comment faire en sorte que chacun, à la fin de cette querelle soit plus heureux. Si le père met en avant son autorité de manière un peu autoritariste, de manière trop puissante, de manière trop forte, il va braquer son fils. Si le fils se met en colère ou fait un caprice, c’est-à-dire impose sa puissance d’enfant capricieux, la relation ne sera pas rétablie. Le seul moyen pour que la relation entre ces deux personnes soit rétablie, pour que chacun soit plus heureux et puisse grandir, c’est que chacun s’abaisse. Chacun, finalement doit demander pardon, doit dire, à un moment de la discussion, «  j’ai besoin de toi  ». L’amour me semble-t-il, commence lorsque cette phrase est exprimée. Alors que nous avons tendance, nous chrétiens, à croire que nous avons surtout besoin de donner aux autres avec condescendance, je pense que nous avons d’abord besoin de recevoir et que l’amour commence lorsque je suis capable de dire : «  j’ai besoin de toi ». Car je donne à l’autre la possibilité d’exister, je donne à l’autre la possibilité d’être quelqu’un pour moi, d’être quelqu’un qui compte pour moi. Eh bien voilà ce que Dieu fait. Dieu nous offre la possibilité de nous grandir en le servant. Il se fait besoin pour que nous puissions donner. Il se fait nourriture pour que nous puissions agir dans le monde.

Qu’êtes-vous allés voir à la crèche ? Nous pouvons reprendre cette question en changeant le contexte. Qu’êtes-vous allés voir en allant rencontrer cette vieille dame atteinte de maladie d’Alzheimer à l’hôpital ? Rien qui puisse vraiment vous glorifier, rien qui puisse faire avancer votre carrière, rien qui puisse vous enrichir. Qu’êtes-vous allés voir en allant rencontrer cette personne malade, cette personne pauvre, cette personne dépressive, cette personne qui a simplement besoin de vous. Qu’êtes-vous allés chercher ? La gratuité de l’amour ! Alors, deuxième conséquence : ne demandons pas au Seigneur de construire pour nous notre vie, à notre place. C’est encore une tentation de vouloir que le Seigneur exerce sa puissance au point de nous dire ce que nous devons faire demain matin. Non, le Seigneur nous donne la possibilité de construire notre vie avec lui, mais avec lui en nous. Il nous donne la force d’aimer, la possibilité, la capacité d’aimer, alors à partir de là je peux construire ma vie, être heureux, me réconcilier avec ceux que j’ai blessés. Demandons au Seigneur d’être comme disait saint Augustin, plus intime à moi-même que moi-même. Car celui qui est si fragile a besoin de mon consentement, de ma foi, pour qu’il agisse à travers moi. Finalement, la véritable crèche, c’est notre cœur, c’est notre corps, c’est notre être tout entier dans lequel Jésus lui-même veut habiter comme un enfant discret pour que sa joie, ce soit son action en nous, puis notre action avec Lui. Cette présence de Jésus dans ma vie, va me permettre de réaliser l’unité de ma vie. Il veut être présent à toute ma vie, pas seulement à ma vie spirituelle. Il veut être présent dans ma vie de lycéen, d’étudiant, dans mon travail, dans ma famille, dans mes loisirs. C’est toute ma vie qui doit rayonner de la présence de Jésus. Tout l’intéresse dans ma vie. Faisons donc comme ces mages venus d’orient et qui nous apprennent quelle attitude nous devons adopter face au Fils de Dieu : « Tombant à ses pieds, ils se prosternèrent devant lui. Ils ouvrirent leurs coffrets, et lui offrirent leurs présents.  » Saisis par son amour, son amour si simple, si pauvre, par sa présence humble et discrète, nous tombons à ses pieds, comme saint Paul, comme Marie Madeleine, comme Charles de Foucault, comme Antoine Chevrier, comme tous ces saints qui ont été saisis au plus profond de leur être par l’amour personnel de Jésus. Nous nous prosternons devant la puissance de cet enfant en qui nous reconnaissons la source de tout amour, nous lui ouvrons nos coffrets, c’est-à-dire tout ce que nous sommes, nos activités, les secrets de nos cœurs, nos péchés aussi et nos faiblesses, et nos erreurs, et nos richesses, et nos dons pour qu’il vienne pénétrer notre être et notre vie de son amour et nous lui offrons tout parce que nous savons que lorsque nous le laissons agir dans nos vies, lorsque notre orgueil et notre volonté de puissance abdiquent devant son humble amour, qu’alors tout est possible, y compris notre bonheur.

Seigneur aujourd’hui je veux t’ouvrir les coffrets de ma vie, les dossiers difficiles pour que tu viennes me communiquer ta vie divine. Si nous faisons, en vérité cette expérience nous saurons pourquoi nous sommes venus ici, nous pourrons répondre avec enthousiasme à la question qu’il nous posait au début : « qu’êtes-vous venus chercher ? » Et si nous n’osons toujours pas, si nous avons peur de le laisser vivre en nous, alors regardons Marie, qui par son attitude d’accueil, par son sourire maternel fait fondre en nous ce qu’il reste de résistances et nous dit simplement : « laisses toi aimer ! » Comment résister à une telle mère ? Amen.

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