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Les évêques
Homélie du 5ème dimanche de carême 2020

Publié le 29 mars 2020

Homélie du 5ème dimanche de carême 2020

Homélie de Mgr Emmanuel Gobilliard du cinquième dimanche de carême, 29 mars 2020.

Chers frères et sœurs, pour commencer cette homélie, je voudrais vous lire quelques passages du commentaire que le pape François a fait, seul sur la place saint Pierre, vendredi, après la lecture de l’Evangile de la tempête apaisée :

« Depuis des semaines, la nuit semble tomber. D’épaisses ténèbres couvrent nos places, nos routes et nos villes ; elles se sont emparées de nos vies en remplissant tout d’un silence assourdissant et d’un vide désolant, qui paralyse tout sur son passage : cela se sent dans l’air, cela se ressent dans les gestes, les regards le disent. Nous nous retrouvons apeurés et perdus… Nous nous rendons compte que nous nous trouvons dans la même barque, tous fragiles et désorientés, mais en même temps tous importants et nécessaires, tous appelés à ramer ensemble, tous ayant besoin de nous réconforter mutuellement… La tempête démasque notre vulnérabilité et révèle ces sécurités, fausses et superflues, avec lesquelles nous avons construit nos agendas, nos projets, nos habitudes et priorités. Elle nous démontre comment nous avons laissé endormi et abandonné ce qui alimente, soutient et donne force à notre vie ainsi qu’à notre communauté. La tempête révèle toutes les intentions d’“emballer” et d’oublier ce qui a nourri l’âme de nos peuples, toutes ces tentatives d’anesthésier avec des habitudes apparemment “salvatrices”, incapables de faire appel à nos racines et d’évoquer la mémoire de nos anciens, en nous privant ainsi de l’immunité nécessaire pour affronter l’adversité.

À la faveur de la tempête, est tombé le maquillage des stéréotypes avec lequel nous cachions nos “ego” toujours préoccupés de leur image ; et reste manifeste, encore une fois, cette appartenance commune (bénie), à laquelle nous ne pouvons pas nous soustraire : le fait d’être frères… Embrasser la croix, c’est trouver le courage d’embrasser toutes les contrariétés du temps présent, en abandonnant un moment notre soif de toute puissance et de possession, pour faire place à la créativité que seul l’Esprit est capable de susciter… Tu nous demandes de ne pas avoir peur. Mais notre foi est faible et nous sommes craintifs. Mais toi, Seigneur, ne nous laisse pas à la merci de la tempête. Redis encore : « N’ayez pas peur » (Mt 28, 5). Pape François

 

N’ayons pas peur, c’est aussi ce que proclament les lectures d’aujourd’hui qui ne parlent que de foi en la résurrection. La résurrection, c’est Dieu lui-même qui est la vie et la vie éternelle. Croire en la résurrection, ce n’est pas croire en une théorie abstraite, une idée vaporeuse qui nous donnerait un vague espoir que tout n’est pas fini. Croire en la Résurrection, ce n’est pas dire : « oui je crois qu’il y a quelque chose…après ! », c’est mettre toute sa foi en une personne concrète, vivante, présente…et cette foi-la, elle doit transformer ma vie dès maintenant comme elle a transformé la vie de Marthe, de Marie et de Lazare. Dans d’autres passage d’Evangile, les sadducéens avancent des théories, des croyances, des hypothèses. Ils proposent leur foi à laquelle s’oppose la foi des pharisiens. Les pharisiens croient en effet à une autre théorie, celle de la résurrection des morts. Mais Jésus ne nous propose pas de croire en une théorie. Il ne s’agit pas d’avoir ici une discussion d’intellectuels et d’avancer des arguments pour ou contre la résurrection. Jésus nous propose d’être des ressuscités, aujourd’hui, de vivre pour lui, par lui, avec lui, en lui, de croire en lui et de l’aimer. Il n’est pas le Dieu des morts mais des vivants. Il ne s’agit pas d’abord de croire en un futur meilleur, mais de vivre, de ressusciter aujourd’hui. Revenons sur ce récit de la résurrection de Lazare. Jésus arrive en retard et Marthe le lui reproche : « Seigneur, si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort ! » Marthe croit donc que la présence de Jésus aurait été décisive pour son frère mais elle ne désespère toujours pas et ajoute : « mais maintenant encore, je le sais, tout ce que tu demanderas à Dieu, Dieu te l’accordera ! » et Jésus répond : « Ton frère ressuscitera » ; Marthe n’est pas satisfaite, cette espérance est trop lointaine. « Je sais qu’il ressuscitera au dernier jour » et nous avons envie de poursuivre, bien humaine en ajoutant : « mais d’ici là je vais souffrir de son absence, ma vie n’aura plus d’éclat, ma vie ne sera jamais plus la même. C’est quoi cette vie au rabais que tu me proposes. Tu me demandes de souffrir en me faisant miroiter des jours meilleurs. Mais cette vie sans éclat je n’en veux pas ; tu me fais désirer que cette vie passe le plus vite possible. Est-ce cela l’espérance que tu es venu apporter ». Oui Marthe sort de ses gonds, elle s’exprime en vérité et pousse ainsi Jésus à se révéler, à lui révéler ce qu’est la résurrection. La résurrection n’est pas une idée, mais une personne : « Je suis la résurrection et la vie ». La résurrection n’est pas l’espoir qu’un jour nous vivrons, mais l’Espérance que Jésus est présent avec moi, qu’il m’appelle et qu’il m’aime. Oui en cette période surtout, nous avons besoin de la présence de Jésus à nos côtés, nous avons besoin aussi, et comme pour éprouver cette présence, de faire comme Marthe et comme les apôtres dans la barque, de lui crier notre souffrance : Seigneur, nous périssons, Seigneur viens à notre secours, Seigneur sauve nous. La résurrection n’est plus un « au-delà de la mort » mais un « au-dedans de la vie »…de ma vie. L’espérance elle est tout proche de moi, elle me parle, elle pleure même la mort de Lazare. Cette espérance ne donne pas seulement une réponse à une question théorique ; cette espérance, elle pénètre tout et surtout la vie pour lui donner une dimension nouvelle, une dimension d’éternité. Mon espérance c’est de mettre Jésus dans ma vie, aujourd’hui. Croire, c’est cela : mettre Jésus au cœur de ma vie, le laisser entrer dans ma vie, et donc dans ma souffrance, et donc dans ma révolte et mes larmes. Et si je ne mets pas Jésus au cœur de ma vie, je suis déjà mort. Mais si l’amour de Jésus pénètre tout, alors tout est possible. « Crois-tu cela ? Crois-tu que je suis la résurrection et la vie » nous demande Jésus. Crois-tu cela pour toi ? Si tu n’y crois pas pour toi, inutile d’y croire pour Lazare ou pour les autres défunts. Si tu n’espères pas pour toi, tu ne peux pas espérer pour les autres. Cette parole de Jésus : Je suis la Résurrection et la Vie, doit bouleverser toute notre existence. Notre vie est sauvée de la mort par notre foi en Jésus qui est vivant. Ce que je vous demande de croire, c’est que Jésus est présent ici, en ce moment, qu’il vous aime et qu’il vous regarde, qu’il vous écoute aussi, qu’il écoute votre profession de foi. Soyez comme Marthe : elle est passée du « croire en ce que Jésus dit » à « croire en  Jésus ». Elle est passée d’une foi un peu théorique et lointaine, à un amour qui s’engage maintenant. Il ne s’agit pas de croire à quelque chose mais de croire en quelqu’un, comme saint Pierre qui proclame : tu es le Messie ! Je vous demande, aujourd’hui, de regarder Jésus et de lui dire : je crois que tu es la vie, je crois que tu es ma vie. La condition pour voir l’action de Dieu dans le monde c’est de laisser Jésus prendre ma vie, la pénétrer de sa vie. Cela ne sert à rien de dire : « tout fout le camp, le monde va mal ! » C’est la réaction que nous pourrions avoir aujourd’hui : cela ne sert à rien de se lamenter. Ces événements doivent me convertir, me tourner vers Jésus et vers les autres, réveiller en moi le désir d’aimer Dieu et mon prochain, ils doivent faire naitre en moi la foi, alors Jésus pourra agir par moi, avec moi, en moi.  Avec foi, reprenons et méditons les paroles du prophète Ezékiel que nous avons entendues dans la première lecture : Je mettrai en vous mon esprit, et vous vivrez ! » Amen

 

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