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Les évêques
“Le Pontife romain a sur l’Église un pouvoir plénier, suprême, et universel qu’il peut toujours exercer librement”

Publié le 14 septembre 2019

“Le Pontife romain a sur l’Église un pouvoir plénier, suprême, et universel qu’il peut toujours exercer librement”

Constitution dogmatique sur l’Église du concile Vatican II n°22.

Homélie pour le 24ème dimanche du temps ordinaire.

Nous lisons régulièrement cet épisode du veau d’or et nous savons à quel point tout le travail de Moïse, d’Abraham, de tous les prophètes jusqu’à Jean Baptiste et la prédication de Jésus lui-même a été de nous mettre en garde contre l’idolâtrie. Le fait que cette question traverse toute la Bible du début jusqu’à la fin est le signe que cette tentation traverse aussi les siècles. Mais elle ne se présente pas toujours de la même manière. Elle change d’aspect selon les époques, sinon ce serait trop facile de s’en méfier. Les différentes idolâtries de notre époque sont bien connues : l’argent et le pouvoir en sont toujours les dénominateurs communs mais leurs manifestations sont parfois subtiles : du narcissisme que révèle l’addiction aux réseaux sociaux en passant par la tentation de l’eugénisme, nous savons que de nos jours le nouveau veau d’or est une revendication de la liberté qui se confond avec le caprice ou l’envie. Notre veau d’or, c’est notre moi, notre volonté de puissance, notre désir de tout contrôler. Ce refus d’une autorité extérieure, qui s’accompagne d’un nouveau subjectivisme est de plus en plus présent aussi dans l’Église. La prise de parole du Pape à son retour de voyage dans l’océan Indien, qui s’inquiète de la tentation schismatique de certains groupes, nous le rappelle. A propos du pape, de ses prises de position, aussi bien sur les migrants que sur l’avortement ou l’écologie, j’entends souvent des réactions mal ajustées. Cela me donne l’occasion de rappeler des choses importantes concernant la foi, concernant aussi l’enseignement de l’Église à propos du magistère du successeur de Pierre. Tout ce que dit le Saint Père n’a pas, bien sûr, la même importance. Ainsi, le catéchisme de l’Église catholique nous rappelle que lorsqu’il « proclame, par un acte définitif, un point de doctrine touchant la foi et les mœurs », il jouit de l’infaillibilité pontificale et nous devons, à cet enseignement, l’assentiment de la foi. Je souligne qu’il s’agit de la foi et des mœurs. Il est donc tout à fait dans son rôle lorsqu’il parle de morale et lorsque, de façon très prophétique, il interpelle les responsables politiques. Il est faux et grave de l’inviter à se « cantonner » aux questions de foi et de rite. Si l’Église ne s’était pas engagée sur ces questions, nous n’aurions pas eu Vincent de Paul et Jeanne Jugan, Louis de Gonzague, Pauline Jaricot, Frédéric Ozanam, Madeleine Delbrêl, sœur Emmanuelle, l’abbé Pierre et ces milliers de catholiques qui, au nom de leur foi, répondent à la parole du Christ : « Vous m’avez donné à manger…habillé…accueilli…chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait. » L’Église a un rôle à jouer dans la société, en particulier concernant les plus pauvres, les exclus, ceux dont la vie est en danger, dévalorisée et menacée, et cela concerne aussi la question des migrants. D’ailleurs, dans le rite de l’ordination épiscopale, et j’en ai encore été témoin il y a une semaine, nous entendons le célébrant demander à l’ordinant : « Voulez-vous accueillir avec amour, au nom du Seigneur, les pauvres, les étrangers et tous ceux qui sont dans le besoin ? A cette question j’ai répondu avec force, comme tous mes frères évêques : « Oui, je le veux ! » Concernant cette promesse, et les autres aussi, le Seigneur nous demandera des comptes, et l’Église, comme la société, doit pouvoir compter sur notre fidélité.

Il y a, bien sûr, des déclarations du pape qui n’engagent pas son infaillibilité, mais à propos de l’enseignement ordinaire du Magistère qui « conduit à une meilleure intelligence de la Révélation en matière de foi et de mœurs », il est précisé que les fidèles doivent donner « l’assentiment religieux de leur esprit ». Tout cela n’empêche pas les réflexions, les interrogations. Il y a des discussions, parfois vives, entre évêques, mais aussi avec les fidèles et j’ai pu vivre cela à l’occasion du synode pour les jeunes en octobre dernier. Ces discussions sont nécessaires, fructueuses, constructives. Mais en tant que catholiques, nous devons nous poser plusieurs questions.

La première est la suivante : « Est-ce que je mets mes idées au service de la foi ou est-ce que je mets ma foi au service de mes idées. » Comme le dit le catéchisme, la mission du magistère est de « déployer » la Révélation. L’Église n’est ni un parti politique, ni une association philanthropique. Notre critère, ce n’est pas ce que pensent les gens, ou les médias. Notre critère, c’est qu’est-ce que dit le Seigneur dans la Révélation, dans sa Parole, comment l’interpréter et surtout comment le mettre en pratique dans les circonstances actuelles.
La deuxième question que nous devons nous poser concerne notre connaissance de l’enseignement de l’Église. Nous parlons beaucoup de ce que dit le pape concernant l’écologie, et il nous arrive de prendre parti, mais avons-nous lu Laudato Si ? Nous avons parfois des avis tranchés concernant Amoris Laetitia, mais avons-nous lu le texte ? Nous parlons de points non négociables de l’enseignement moral de l’Église, mais connaissons-nous la doctrine sociale de l’Église et ce qu’on appelle les quatre piliers de cet enseignement ? Il y a différentes façons de nommer ces piliers mais nous pouvons les résumer ainsi : 1. La dignité de la personne humaine ; 2. Le bien commun et la destination universelle des biens ; 3. La subsidiarité et la participation de tous à la vie sociale ; 4. La solidarité et les droits de l’homme.

Il est légitime en raison de notre éducation, de notre formation, de notre sensibilité, que l’un ou l’autre pilier nous soit plus familier, que nous soyons enclins à nous engager pour telle cause plutôt que pour telle autre, mais à condition de ne pas négliger les autres, de ne pas dénigrer ceux qui s’engagent pour une autre cause. Vous vous sentez appelés à exprimer votre prophétisme (nous participons tous par notre baptême à la dimension prophétique de Jésus) à travers un engagement ? Merci Seigneur ! Répondez avec joie à l’appel de l’Esprit ! Vivez cet engagement avec charité, mais ne considérez pas que ce soit le seul. La diversité des engagements est légitime dans l’Église, comme la diversité des opinions politiques ou des sensibilités. Ce que nous demande le Seigneur c’est d’être des saints ! Vous serez peut-être des saints de gauche, des saints de droite, des prophètes de la solidarité ou de la vie naissante, des porte-voix des sans voix ou témoins dans le monde de l’entreprise de la culture, de la politique, des médias. Vous êtes américains, ou malgaches…fidèles laïcs, prêtres, diacres ou évêques. L’essentiel, c’est nous soyons des saints ! Et la sainteté commence par l’écoute, par l’humilité de croire que la vérité n’est pas en nous. Nous ne la possédons pas ! (Voilà encore une tentation idolâtrique !) Nous essayons, tant bien que mal, de la rencontrer ! Pour nous, elle est une personne vivante, le Christ Jésus ! La tradition, dans l’Église, est une tradition vivante aussi, qui se déploie différemment selon les époques et en fonction des besoins de l’Église et de la société, sous la grâce de l’Esprit Saint. Il est donc faux d’invoquer une encyclique ancienne pour contredire une encyclique actuelle : lorsque deux textes, qui ont la même « autorité », semblent se contredire, c’est le dernier qui prime ! Le pape, quant à lui, a le devoir de rappeler les quatre piliers, et il le fait inlassablement, avec une liberté et une force qui font mon admiration. Il est capable de s’engager fermement contre l’avortement un jour et de se faire le porte-voix des migrants en détresse le lendemain. Il renvoie dos à dos les excès du libéralisme, du capitalisme, du populisme, du communisme et tous les rêves illusoires de ceux qui croient que leur salut est dans un système politique, dans une doctrine sociale ou économique, dans un modèle qui ressemble souvent à une utopie. Eh bien merci Seigneur de nous avoir donné un tel pape ! Il me titille, il me bouscule, il m’énerve parfois ? Merci Seigneur de me permettre d’entendre cette voix qui m’appelle à la conversion. Le pape est un pasteur qui écoute mais aussi un homme qui n’a pas peur de contredire ou de corriger lorsque sa conscience le pousse à le faire. Certains veulent l’écarter, le faire taire, relativiser son enseignement, y compris au sein même de l’institution. Il est incontestablement le successeur de Pierre, le vicaire du Christ. Peu m’importe qu’il soit argentin, polonais ou allemand. Je fais confiance à l’Esprit Saint qui l’a choisi. Tel est ma foi. Il est celui dont nous avons besoin aujourd’hui. Ce mois-ci, c’est le mois de la création, et nous sommes invités à rendre grâce pour la création, à prier pour qu’elle soit respectée. Justement je pense que l’apport spécifique du pape François à la société d’aujourd’hui, c’est qu’il met en lien le respect de la personne humaine, et particulièrement de la vie fragile, la question des migrants, les problématiques économiques, politiques, sociales, avec les questions écologiques et environnementales. Il nous rappelle que tout est lié et que nous devons tous nous engager pour notre maison commune, autant que pour nos frères et sœurs qui souffrent. Ceux qui veulent le décrédibiliser sont justement ceux qui séparent ces questions ou les opposent pour que leurs intérêts, souvent économiques, ne soit pas menacés. Il n’a pas peur, comme Jésus dans l’Évangile, de s’asseoir à la table des publicains et des pécheurs, des pauvres et des puissants, d’avoir le souci de l’enfant prodigue comme du fils ainé. Il est exigeant, déterminé, paternel aussi et compatissant. Aujourd’hui, alors qu’il est attaqué, je veux juste lui dire « Merci et Courage ! Nous avons besoin de vous ! »

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