Publié le 02 mai 2017
Le Cardinal Archevêque de Lyon
« Qu’ils soient un » (Jn 17, 21)
Mercredi saint 2017
Aux prêtres du diocèse de Lyon
Mes chers frères,
Chaque année, le mercredi saint nous donne l’occasion d’une rencontre fraternelle, d’une réflexion commune et d’un échange de nouvelles, avant la célébration de la Messe chrismale. Permettez-moi d’y ajouter aujourd’hui cette lettre, comme je l’ai annoncé à la réunion des doyens, pour revenir sur le départ de David Gréa et son écho médiatique. Ce sera aussi l’occasion d’évoquer les souffrances que nous portons ensemble, à propos des affaires de pédophilie dans l’Eglise. Il en a été à nouveau question ces dernières semaines avec la publication d’ouvrages sur ce sujet et l’émission de télévision « Cash investigation », diffusée le 21 mars. Mais je voudrais commencer par recommander à notre prière nos frères Yves Mas et Jean-Claude Servanton qui se battent tous deux contre le cancer. L’opération que subit Yves aujourd’hui doit durer au moins dix heures, et j’ai senti qu’il l’envisageait avec sérénité. Aujourd’hui aussi, ont lieu dans les monts du Lyonnais, les funérailles du P. Marcel Flachard. Vous avez sans doute appris le décès, ces jours derniers, de M. Pierre Mouterde et de M. Jean-Claude Leroux, pères d’Eric et de Tancrède. Nous les confions à Celui qui est la source de toute paternité, et nous prions pour que Dieu garde leurs familles dans l’espérance et dans la paix.
Je sais que beaucoup d’entre nous gardent David Gréa dans leur prière. Il est blessant pour nous qu’il se marie civilement ce samedi saint, et je regrette qu’il n’ait pas respecté le temps de recul et de réflexion auquel je l’avais invité. Cette décision rapide m’a amené à prendre à son encontre une mesure canonique difficile, conformément à ce que demande l’Eglise. Je dois dire mon admiration pour la réaction des responsables et des fidèles de la paroisse sainte Blandine. Ils savent ce qu’ils doivent à David et ils en rendent grâce, mais leur sens de l’Eglise et leur désir d’y rester fidèles sont très clairs. Avec le P. Patrick Rollin, que j’ai nommé administrateur de la paroisse – il est aidé d’Arnaud Alibert, assomptionniste -, nous sommes allés plusieurs fois à la rencontre de la communauté. Il est réconfortant de voir avec quelle maturité tous traversent cette épreuve et abordent la nouvelle étape de leur vie fraternelle. Je remercie particulièrement Xavier Grillon d’avoir accepté de prendre la succession de David en septembre. Il peut être sûr qu’il est attendu et qu’il sera bien accueilli. En tout cas, notre prière l’accompagne. Il y a eu beaucoup de rencontres et d’échanges entre nous après cet événement. J’y ai entendu un appel à l’humilité, surtout pour ceux d’entre nous dont le ministère porte beaucoup de fruits visibles, une grande attente de fraternité entre nous (oser une parole ou savoir accueillir intérieurement celle d’un frère – chacun sait que c’est une démarche rare, parce que difficile), préciser ou revoir certains points d’ecclésiologie, discerner les charismes, accompagner chaque prêtre, réfléchir ensemble à notre engagement au célibat pour le fonder à nouveau intérieurement.
Lutte contre la pédophilie. La priorité de l’Eglise, ce sont les victimes ; différents responsables du diocèse en ont rencontré plusieurs et restent à leur disposition. C’est au contact des victimes que progresse la compréhension de ce drame et de ses multiples conséquences. C’est aussi grâce à ces rencontres que la lutte contre la pédophilie devient plus précise et intense. Je remercie les victimes qui ont accepté de nous rencontrer. Je veux redire aux autres que ma porte leur est toujours ouverte. Tous, vous pouvez aider à transmettre ce message. Un merci particulier à ceux qui, parmi vous, poursuivent un dialogue avec les membres de « La parole libérée ». Concernant Bernard Preynat, la justice civile et celle de l’Eglise poursuivent leur travail. Dès que le Pape a levé la prescription canonique, le procès a été confié à trois prêtres extérieurs au diocèse, et les auditions se déroulent depuis plusieurs semaines. Je sais votre souffrance de prêtre : vous êtes nombreux à dire combien les regards ont changé, combien certains amalgames sont injustes et violents. Ils nous invitent à plus d’humilité et d’exemplarité. Je sais aussi combien de nombreux catholiques de notre diocèse sont désorientés devant tant de mises en cause. Je les remercie de leur soutien dans l’épreuve que nous traversons ensemble, de leur prière et de leur confiance. Aujourd’hui aucun prêtre qui serait identifié comme auteur d’un seul abus sur mineur n’exerce aucun ministère paroissial. Aucun des faits évoqués par la presse n’est ignoré de la justice. Il faut que les familles puissent avoir confiance dans l’Eglise, et que chacun sache que le prêtre de sa paroisse est un homme digne de confiance.
Je tiens à remercier les vicaires généraux et épiscopaux, spécialement le P. Yves Baumgarten, et plusieurs autres collaborateurs pour le sérieux dans le suivi de ces questions et l’accompagnement personnel de chacun des prêtres mis en cause. Lutter contre la pédophilie est un effort collectif. Je redemande que les paroisses et tous ceux qui se trouvent en contact avec des jeunes et des enfants soient vigilants ensemble pour prévenir tout comportement à risques en ce domaine (1).
Permettez-moi de vous dire merci pour vos nombreuses marques de soutien, et surtout pour votre prière. Merci aussi de vos conseils et même de vos reproches !
Il me faut aussi évoquer de belles joies qui approchent, l’ordination de cinq diacres, le 17 juin : Lionel Badet, Bruno Baumstark, Bruno Leborgne, Jean-François Leveillard et Bruno Zmuda, et de deux prêtres, le samedi suivant, 24 juin : Luc Garnier et Marc JocteurMonrozier. Normalement, viendra ensuite l’ordination diaconale de cinq autres jeunes qui se préparent à devenir prêtres. Dans la demande d’ordination de l’un de nos frères, j’ai lu cette phrase qu’il me pardonnera de recopier. « Les événements qui se sont déroulés ces derniers mois m’ont montré la gravité des blessures que cause l’infidélité sacerdotale. Ils m’ont entraîné à faire mon propre examen de conscience. Le prêtre est ministre du Christ avant tout par sa vie fidèle qui ‘‘incite à la pureté des mœurs’’, comme dit le rituel. Cette fidélité au Christ me semble intrinsèquement liée à un choix de style de vie résolument et très concrètement pauvre, chaste et obéissant. »
Le dimanche des Rameaux, le diocèse s’est mis en marche vers le Synode de l’automne 2018 auquel le Pape François a donné pour thème : « Les jeunes, la foi et le discernement vocationnel. » La première rencontre a rassemblé plusieurs centaines de jeunes. Ils ont deux mois pour nous remettre le fruit de leurs réflexions qui seront ensuite regroupées au niveau national et envoyées à Rome. A dix jours des premières échéances électorales de notre pays, et dans un contexte international troublé (j’ai manifesté notre amitié à la communauté copte, terriblement frappée une nouvelle fois dimanche), demandons au Seigneur la grâce d’être de véritables artisans de paix ! En terminant cette lettre, je souhaite bon voyage à la délégation diocésaine, conduite par Mgr E. Gobilliard, qui part demain en Irak célébrer les jours saints et fêter Pâques avec les chrétiens chassés de Mossoul. Enfin, je tiens à exprimer ma reconnaissance et celle de tout le diocèse, au P. Patrick Rollin pour l’élan avec lequel il a accompli son ministère de « vicaire général mission ». Elle est longue la liste de tout ce qu’il a lancé, renouvelé, dynamisé… Grand merci, frère !
Cardinal Philippe Barbarin
(1) A la suite de cette lettre, vous trouverez quelques sites et renseignements dont vous pourriez avoir besoin à ce sujet.