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Les évêques
Noël n’est pas une parenthèse anesthésiante, une pause sucrée dans une vie salée

Publié le 24 décembre 2017

Noël n’est pas une parenthèse anesthésiante, une pause sucrée dans une vie salée

A partir de Noël, les jours recommencent à augmenter. Nous passons donc réellement des ténèbres à la lumière. Noël, c’est donc bien la fête de la lumière et nous aimons manifester notre joie et notre émotion en allumant des bougies. Ces bougies expriment la joie familiale parce qu’elles nous éclairent sans nous aveugler, d’une douce lumière, parce qu’elles nous rappellent que la famille est un foyer dans lequel nous nous sentons bien. Je m’y sens bien parce que, malgré les disputes et les tensions, les souffrances et les difficultés, j’y suis aimé comme je suis. Je peux être vrai, être moi-même et être aimé, à condition seulement que j’accepte de pardonner et de demander pardon. Merci à l’Église, à toutes les associations qui lui sont liées, d’être, pour ceux qui n’ont plus de famille, leur nouvelle famille, famille d’un jour, d’un soir, mais présente en ces moments si importants et si difficiles à vivre pour ceux qui sont sans famille. La famille est le lieu où je peux enfin faire tomber le masque que je porte trop souvent dans mon métier, dans mon cercle social où l’image que je donne est très importante, trop importante et parfois fausse. Tout, autour de moi me pousse à me laisser aller à cette course au paraître qui devient mortifère. Je veux me faire admirer au lieu de me faire aimer en vérité, je suis tourné vers moi et vers l’effet que je fais aux autres et finalement tout cela est fatigant. Pendant toute l’année nous exprimons sur ces réseaux qui sont virtuels mais destructeurs si on s’y fie trop, notre désir d’être aimés. Ce désir, souvent blessé, se confond avec le désir d’être admiré, reconnu, liké ! Mais vous êtes beaucoup plus que la somme de vos like ! C’est Noël qui vous le dit. Vous ne vous réduisez pas à ce que vous publiez et ce moment en famille vous le rappelle. D’ailleurs il sait de quoi il parle, ce chanteur qui est adulé par des millions de fans ou cette comédienne qui capitalise des millions de followers. Il sait qu’il n’est pas, dans le fond, cette icône intouchable. Il sait que ce qu’il est, en vérité, il le trouve dans le regard de sa femme, de sa famille…de son Dieu aussi auquel il croit, si il y croit. Ce Dieu d’amour nous fait comprendre, lui aussi, mais différemment, vous en conviendrez, que la lumière n’est pas dans tout ce qui brille. À la crèche, il n’y avait pas de lumière. L’étable était probablement très sombre et les bougies auraient risqué de faire brûler la paille. Pourtant il est bien question de lumière dans le texte, mais pas là où on l’attend. Ce sont les bergers qui sont inondés de lumière. Les bergers, dans la hiérarchie sociale de l’époque, occupent la dernière place. Ils sont bannis de la vie sociale et même de la vie religieuse. Ils ne peuvent aller à la synagogue et sont donc considérés comme impurs ! La voilà la lumineuse révolution que Jésus nous apporte. Il vient éclairer nos ténèbres, comme le dit si bien le prophète Isaïe. Jésus met en lumière ceux qui servent, ceux qui peinent, ceux qui difficilement font vivre leur famille à la sueur de leur front, au risque d’être exclus, et plonge dans les ténèbres ceux qui se prennent un peu trop vite pour des lumières. C’est le magnificat qui commence. Vous savez ce chant d’exultation de Marie où elle nous rappelle que la joie de Dieu, le salut de l’humanité, c’est de révéler ce qui est inconnu, de considérer que ce qui est caché aux yeux des hommes est précieux aux yeux de Dieu, que l’essentiel est invisible pour les yeux. Il est celui qui « élève les humbles et renvoie les riches les mains vides », non pas pour les punir, mais pour leur donner la joie d’avoir besoin, besoin des autres. Il renverse les puissants de leur trône, non pas parce qu’il est anarchiste, mais pour qu’ils comprennent que la véritable autorité est toujours une autorité de service.

Dans cet évangile, le Seigneur renverse aussi totalement la fausse notion de pureté que nous trainons comme un boulet depuis la nuit des temps. La crèche est dans l’obscurité et les bergers sont dans la lumière pour nous rappeler aussi que la joie de Dieu c’est que nous nous donnions, que nous mettions les mains dans le cambouis. C’est d’ailleurs ce qu’il fera lui-même. Puisons dans la vie de Dieu, la force qui nous fera tenir debout, face aux difficultés, face aux combats. Nous croyons à tort, dans une vision un peu « fleur bleue » que la pureté se trouve dans le regard d’un enfant, dans l’innocence d’une vie qui commence. Dans une telle vision, nous naissons purs et nous devenons immanquablement, au fur et à mesure que nous vivons, de plus en plus impurs. Cette vision est aussi, parfois, celle du mariage. Deux jeunes tombent amoureux. Leur amour est, à ce moment, à son paroxysme. Ils se marient. C’est le plus beau jour de leur vie et ils vont faire en sorte que cet amour diminue le moins vite possible. Jésus se révolte contre une telle vision, contre cette vision archaïque de la pureté, contre cette conception erronée de l’amour. Pour être pur, il faudrait donc ne rien faire, ne rien vivre et passer son temps à se préserver, de la société, des autres qui ne pensent pas comme moi et qui n’ont pas la même éducation, ou qui ne votent pas comme moi ou qui ne croient pas comme moi. Jésus, tout au long de l’Évangile nous dit le contraire. La pureté, ce n’est pas se préserver, c’est se donner. La pureté, on ne la reçoit pas à la naissance. Non la pureté, il faut aller la chercher. Elle n’est pas derrière nous. Elle est devant nous. Il faut aller au charbon pour la trouver. Ainsi nous pouvons dire que la plus belle image que Jésus nous ait donnée de la pureté n’est pas dans l’enfant de la crèche, mais dans le mystère de la croix. Il est sale, il est nu, il est épuisé, parce qu’il a tout donné, parce qu’il nous a tout donné, parce qu’il s’est livré totalement. Le coup de projecteur est mis sur les bergers pour que nous comprenions cela. C’est ce que le pape François nous a dit dans Evangelii Gaudium au numéro 49 : «je préfère une Église accidentée, blessée et sale pour être sortie par les chemins, plutôt qu’une Église malade de la fermeture et du confort. »

La bonne nouvelle de Noël ne se trouve pas dans la crèche seulement. Elle se trouve dans le fait que les bergers, dans leur imperfection, les mains sales et les pieds nus se trouvent aimés par le roi des rois. Noël, ne n’est pas d’abord pour vos enfants. C’est pour vous qui vous levez la nuit pour les consoler, qui travaillez le jour pour les nourrir et les éduquer. La joie de Noël, elle vous est offerte, à vous qui vous croyez indignes, à nous tous qui sommes des pécheurs, à nous qui sommes ni totalement blancs, ni totalement noirs, à nous qui, trop souvent mettons nos espoirs dans les biens matériels mais qui savons que l’essentiel se trouve ailleurs, à nous qui sommes un peu menteurs, un peu égoïstes, un peu orgueilleux mais qui savons bien que notre salut est de tomber de temps en temps de notre piédestal pour être enfin aimés tels que nous sommes. C’est ce que nous offre notre Dieu dans le don de la miséricorde : il nous rejoint où nous sommes, pour qu’avec lui nous nous relevions, fourbus, mais vivants, joyeux d’avoir donné, parfois imparfaitement, de nous-mêmes. Notre vie s’enrichit à mesure que nous donnons, que nous vivons, pas que nous nous préservons.

Noël n’est pas une parenthèse anesthésiante, une pause sucrée dans une vie salée. Noël, c’est Dieu qui rejoint notre vie, telle qu’elle est, pas notre vie rêvée ! La voilà l’Espérance véritable. Alors, Joyeux Noël à tous, y compris à ceux, et ils sont nombreux, qui n’ont pas le cœur à fêter Noël parce qu’ils sont fatigués, meurtris, blessés. Noël est surtout pour eux. Amen !

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