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Les évêques
Par amour de Dieu, prendre le parti des pauvres. Par amour des pauvres prendre le parti de Dieu

Publié le 23 septembre 2019

Par amour de Dieu, prendre le parti des pauvres. Par amour des pauvres prendre le parti de Dieu

Amos était bouvier. Il « pinçait » les sycomores, dit le texte de sa vocation. J’imagine combien sa vie a dû changer. Il pinçait les sycomores au soleil et le Seigneur lui demande de rétablir l’ordre dans le royaume du Nord et donc de se mettre tout le monde à dos au nom de cet appel divin qui bouleverse sa vie. Amos est appelé par Dieu à être prophète, à rappeler l’essentiel, à prendre le parti de Dieu et Dieu, nous le savons, prend le parti des pauvres. La vocation diaconale est d’une certaine manière un prolongement ministériel de notre vocation baptismale dans sa dimension prophétique. C’est un peu comme si les trois degrés de l’ordre reprenaient la triple vocation : prophétique pour les diacres, sacerdotale, pour les prêtres, royale pour les évêques qui ont la difficile mission de gouverner.

Nous sommes au VIIIème siècle avant Jésus Christ et le Seigneur demande à Amos de dénoncer plusieurs scandales. Dans la lecture d’aujourd’hui, nous en avons un aperçu. Amos dénonce le pouvoir économique qui écrase les pauvres pour que les plus riches puissent prospérer. Le pays vit un temps de prospérité apparente. Il y a de plus en plus de richesses, mais si nous regardons attentivement, nous remarquons que les riches sont de plus en plus riches, que les pauvres sont de plus en plus pauvres, que les inégalités s’accentuent. Autre étonnante similitude avec notre société occidentale : ceux qui misent tout sur l’argent souhaitent que les fêtes de la nouvelle lune et les sabbats se terminent au plus vite, parce que pendant les fêtes, on ne peut pas vendre, donc on ne peut pas faire de profit : « « Quand donc la fête de la nouvelle lune sera-t-elle passée, pour que nous puissions vendre notre blé ? Quand donc le sabbat sera-t-il fini, pour que nous puissions écouler notre froment ? » Etonnant d’actualité, vous ne trouvez pas ? La différence c’est qu’aujourd’hui nous délayons ces réalités évidemment économiques dans des considérations sociales voire charitables. Cette mauvaise foi prend des proportions considérables à propos des lois qui sont actuellement débattues à l’assemblée. On fait vibrer la corde sensible, on donne des exemples de personnes qui souffrent et nous pouvons bien la comprendre cette souffrance de ceux qui ont un grand désir d’enfant, cette frustration, et nous devons accompagner ces souffrances. Mais ne soyons pas dupes : derrière, comme il y a trois mille ans, à l’époque de notre texte, les motivations sont souvent économiques, et ce sont toujours les plus pauvres qui en pâtissent, les plus vulnérables, les plus petits. Et quand ce n’est pas l’argent, c’est le moi, le désir personnel qui doit absolument être assouvi, même si c’est au détriment de certains. Nous avons la mission de faire entendre la voix de Dieu, sa parole qui s’exprime à travers les prophètes, son cri qui se confond avec le cri des pauvres. Pour faire entendre la voix de Dieu, cher Olivier, chers diacres, vous devez l’accueillir dans votre vie. L’Evangile nous invite à un choix radical. Il nous questionne : « sur quel fondement ta vie repose-t-elle ? Concrètement qu’est ce qui t’inquiète, qui t’empêche de dormir ? Ton bien-être, ta réputation, ton avenir, ou la vie des autres, le bonheur des gens, le parti des pauvres ? Dans la prière, dans les moments de grâce, la réponse est assez facile. Mais on ne se convertit pas, on ne devient pas bon, à force de persuasion ou de lectures pieuses. On devient bon à mesure qu’on agit bien. Donc, la priorité pour les pauvres, l’esprit de service, il faut le mettre en place dès maintenant et concrètement, dans l’humble quotidien, les petites choses. Jésus nous le rappelle : « Celui qui est digne de confiance dans la moindre chose
est digne de confiance aussi dans une grande. » On ne peut pas dire qu’on met sa confiance en Dieu si on ne considère pas les petits, si on n’accorde pas d’importance à la charité du quotidien.

Se mettre du côté de Dieu c’est faire sa volonté. Elle n’est pas toujours facile à connaître la volonté de Dieu. Mais aujourd’hui elle est clairement exprimée dans la deuxième lecture puisque saint Paul nous dit ce que Dieu veut : « Dieu veut que tous les hommes soient sauvés ». Le diacre est donc celui qui se met à l’écoute des petits, pour les accueillir, les soutenir, mais il ne faut pas oublier aussi ce que le pape François nous a rappelé dans Evangelii Gaudium : « Étant donné que cette Exhortation s’adresse aux membres de l’Église catholique, je veux dire avec douleur que la pire discrimination dont souffrent les pauvres est le manque d’attention spirituelle. L’immense majorité des pauvres a une ouverture particulière à la foi ; ils ont besoin de Dieu et nous ne pouvons pas négliger de leur offrir son amitié, sa bénédiction, sa Parole, la célébration des Sacrements et la proposition d’un chemin de croissance et de maturation dans la foi. L’option préférentielle pour les pauvres doit se traduire principalement par une attention religieuse privilégiée et prioritaire ». Nous retrouvons ici le lien fort qui existe entre le service des tables et les sacrements qui sont inséparables, la charité concrète et attentive, et la question du salut. Vous êtes des serviteurs de l’Eucharistie pour être témoin du Salut de Dieu dans notre monde assoiffé. Vous ne tiendrez pas si vous ne puisez pas à la source eucharistique, si votre vie n’est pas eucharistique. Et l’Eucharistie ne trouve son sens que dans l’amour du plus pauvre.

Dimanche dernier nous avons vu comment, à travers les paraboles de la miséricorde Jésus, va à rencontre de notre humanité blessée, à la recherche du pécheur. Aujourd’hui nous méditons davantage sur la réponse de l’homme à cette quête éperdue de Dieu. A quelle condition pouvons-nous être appelé disciples ? La réponse est claire : nous ne pouvons servir deux maitres, Dieu et l’argent. Cette idolâtrie de l’argent revient souvent dans la parole de Dieu. Ce n’est pas l’argent en tant que tel qui est décrié par Jésus mais la convoitise, l’idolâtrie, parce qu’en fait, derrière l’amour de l’argent, il y a l’amour de soi et nous savons que toutes les idolâtries se retrouvent dans la volonté de puissance, la domination du moi. Olivier, puisque tu vas être ordonné diacre, je te demande de te souvenir toujours que tu es diacre pour l’éternité. Que si tu es ordonné prêtre, tu ne cesseras pas d’être diacre, et que ce diaconat doit être vivant en toi. La vie du diacre en toi, c’est, d’une certaine manière la condition de la fécondité de ton futur ministère sacerdotal. Parce que le diacre c’est celui qui, par amour de Dieu, prend le parti des gens, se met du côté des gens, prend, comme Amos, la défense des pauvres et met en pratique le chapitre 25 de saint Matthieu. Quand nous servons les pauvres, c’est le Christ lui-même que nous servons. Le diacre c’est aussi celui qui, par amour des gens, prend le parti de Dieu. Il sait mettre Dieu au premier plan, annoncer, non seulement la solidarité humaine, mais aussi le salut qui ne peut venir que de Dieu, et donc la vanité de tout le reste, et en particulier de ce qui nous replie sur nous, l’argent. Pour vivre ce double mouvement : la défense des pauvres au nom de l’amour de Dieu, la défense de Dieu au nom de l’amour des pauvres, la seule solution c’est de sortir de soi-même, de renoncer à son moi envahissant, de perdre sa vie, pour que les autres la gagnent. Si tu acceptes de livrer ta vie par amour de Dieu, par amour des gens, si tu laisses vivre en toi le mystère pascal, alors tu seras fécond, d’une fécondité qui ne vient pas de toi, mais de celui qui t’envoie en mission, qui te fait quitter ton confort, qui te dis, comme à Amos, comme à Paul, à Isaïe et à tous les serviteurs du Seigneur : Qui enverrai-je ? Qui sera mon messager ? » Et tu as répondu : « me voici, envoie-moi ! » Le Seigneur t’envoie porter la bonne nouvelle aux pauvres, annoncer aux captifs, aux captifs de leur égoïsme et de leur convoitise, aux captifs de l’argent, leur libération. Va annoncer le salut de Dieu à ce monde assoiffé.

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