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Les évêques
Petit retour sur Amoris Laetitia

Publié le 28 octobre 2016

Petit retour sur Amoris Laetitia

« Toute maison est un chandelier », cette citation d’un poète argentin éclaire tout le message de l’exhortation du Pape sur l’amour dans la famille, signée le jour de la fête de Saint-Joseph.

François se fait le chantre d’un amour qui vit et se transforme, refusant de laisser dire qu’il se dégrade au fil des années. Puisque la logique de la grâce est la croissance, il affirme que l’amour mutuel peut toujours grandir entre les époux au sein de la famille (120-141) et jusque dans leur vieillesse (163-164). Non pas que le texte adopte un ton naïf ou béat, le Pape consacre, au contraire, un chapitre entier (le deuxième) pour décrire la réalité souvent difficile et les défis de la famille aujourd’hui (31-57). Il rappelle les difficultés rencontrées à tous les âges et dans toutes les circonstances de la vie familiale. On ne les connaît que trop : affectivité narcissique, problèmes économiques, misère, abus sexuels, toxicomanie, alcool, absence du père…

Mais, l’essentiel de son propos est d’éclairer par la Révélation le mystère de l’Alliance nouvelle et éternelle qui s’inscrit dans la vie des époux, de leurs enfants, d’une famille…

« La lumière de la Parole » (titre du premier chapitre) est intense. Ceux qui préparent un mariage pourront trouver des homélies toute faites sur des passages bibliques souvent choisis par les fiancés : l’inquiétude de l’homme qui n’a pas « l’aide » dont il a besoin, avec une lumineuse explication de la formule « Il s’attache à sa femme » (12-13), un beau commentaire du psaume 128 (14-18). Le chapitre 3 donne un résumé de l’enseignement de l’Eglise sur le mariage et la famille.

Accueillir la vie

On se rappelle le conseil du cardinal Schönborn au moment de la publication : « Lisez d’abord les chapitres 4 et 5. » Le premier offre une explication fouillée de la célèbre hymne à la charité (1 Co 13), puis présente l’amour conjugal comme un élan passionné (90-119). Pour François, la sexualité « est un langage interpersonnel qui prend l’autre au sérieux » (151) et ouvre à l’émerveillement, même si l’on constate qu’elle se transforme parfois en violence et manipulation. Il évoque aussi le lien entre le mariage, le célibat consacré et la virginité.

Le suivant (ch. 5) donne des flashs sur bien des aspects concrets : l’attente de la grossesse, l’apprentissage de la paternité et de la maternité, la connaissance de son corps, la vie des enfants, de la fratrie, la place des personnes âgées… Le Pape lance un appel à une « fécondité plus grande ». Il évoque la souffrance des couples qui ne peuvent pas avoir d’enfants, et demande qu’on facilite la législation sur l’adoption. Il aborde les graves questions sociétales comme l’avortement et l’euthanasie…

Perspective pastorale

Avec les chapitres 6, 7 et 8, le Pape entre dans une perspective pastorale. Qu’est ce qu’annoncer l’Evangile de la famille aujourd’hui ? Certains points sont l’objet d’une attention pastorale depuis fort longtemps, tel l’accompagnement des fiancés sur le chemin de la préparation au mariage (205-216). Mais d’autres m’ont semblé plus nouveaux et tout aussi importants : l’attention aux premières années de la vie matrimoniale (217-222), les temps de crise, les angoisses, les ruptures, les divorces, et bien des situations complexes (231-252).

Le chapitre 7 est entièrement consacré aux enfants et aux soins que requièrent leur éducation, leur formation humaine, morale et spirituelle, sans oublier l’éducation sexuelle (280-286) et la grande mission de transmettre la foi (287-290).

Avec le chapitre 8, le Pape veut « redonner confiance et espérance à ceux qui sont marqués par un amour blessé et égaré », comme un phare qui sert de repère au bateau pris dans la tempête. Les verbes qu’il choisit sont « accompagner, discerner, intégrer » : une fragilité qui est partout présente autour de nous. Commençons par valoriser les éléments constructifs, puis prenons le temps de discerner les mille nuances des situations des couples qui ne vivent pas pleinement le mariage chrétien. Accompagner, c’est certainement la consigne principale, qui vaut pour toujours et pour toutes les situations.

Le but est que chacun, ayant compris et discerné la vérité de sa situation, même douloureuse, ne se sente jamais exclu. On garde en mémoire la forte expression du Pape Benoît XVI : « L’Église a besoin de tous. » C’est le message que lance Amoris laetitia, en particulier à ceux qui vivent des situations difficiles, lorsque l’harmonie de l’Alliance, qui éclaire le lien entre tous les sacrements, a été brisée par nos péchés ou par les aléas de la vie.

Changement de mentalité

Le cardinal Ouellet, faisant écho à quelques incompréhensions sur cette exhortation, a invité ceux qu’elle déroutait à en relire le texte de près. Rien, assurément, ne s’éloigne de la doctrine sur l’indissolubilité du mariage. C’est plutôt à une conversion intérieure que le Pape invite l’Eglise. Il veut que nul ne campe sur une position réglementaire, mais que chaque communauté accompagne de près, dans la charité, tous et chacun de ses membres, en particulier ceux qui souffrent.

La Torah que les Juifs nous ont transmise et que Jésus a « accomplie » par son Evangile, n’est pas une loi ou un ensemble de règlements qui viendraient régler toutes les situations humaines. C’est une parole de vérité qui éclaire nos vies, dans la joie de la grâce, comme dans les ténèbres de la souffrance ou de nos péchés.

Commentant cette exhortation, le Pape a expliqué que, selon lui, le prêtre qui renvoie un fidèle parce qu’il n’est pas « en situation régulière », comme celui qui répond oui à toute demande parce que « tous ces règlements de l’Eglise sont dépassés », refusent en fait, l’un et l’autre, de prendre le temps d’écouter un fidèle et d’évaluer avec lui sa situation. L’un rejette une personne, et l’autre réduit la Parole de Dieu à un règlement intérieur. Le pasteur n’a pas à donner des réponses toute faites. Il doit être habité par la Parole de Dieu et écouter longuement son frère ou sa soeur, puis être à même de lui indiquer un chemin qui lui permettra de se « tenir debout devant le Fils de l’homme » (Lc 21, 36). Une situation douloureuse, on le sait, réclame toujours plus d’attention et d’écoute.

Ce qui est demandé, dit le Pape au n° 305, c’est qu’on fasse la vérité sur « une situation objective de péché – qui n’est pas subjectivement imputable ou qui ne l’est pas pleinement », pour voir comment chacun peut grandir dans la vie de la grâce, en recevant à cet effet l’aide de l’Eglise. « Dans certains cas », ajoute le pape dans la note 351, « il peut s’agir aussi de l’aide des sacrements », et il rappelle que les sacrements du pardon et de l’Eucharistie sont d’abord des aliments et des remèdes, des lieux de guérison et de miséricorde, et non pas des récompenses accordées à des personnes méritantes.

C’est la logique qui a commandé les travaux de ces deux synodes, jusqu’à leur point d’aboutissement, dans cette exhortation. On peut la résumer avec la célèbre phrase du psaume 84 : « Amour et vérité se rencontrent » !

Cardinal Philippe Barbarin

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