Chargement du site...
Les évêques
Quatre situations d’évangélisation

Publié le 17 octobre 2016

Quatre situations d’évangélisation

Texte de la réflexion menée par le père Emmanuel Gobilliard lors du Mardi de Saint Joseph 4 Octobre 2016

Dans l’Evangile, Jésus ne cesse de marcher, d’aller d’une ville à l’autre, d’une région à l’autre. Depuis sa plus tendre enfance, il est un marcheur. Depuis la fuite en Egypte, en passant par le pèlerinage à Jérusalem quand il avait 12 ans, puis quand il avait trente ans, puis depuis Jérusalem jusqu’à Emmaüs pour rejoindre les disciples effondrés. Son Incarnation, d’une certaine manière est un pèlerinage. Le Verbe de Dieu aurait pu rester bien tranquille dans son ciel. Il a choisi de sortir, de rejoindre notre humanité blessée pour la sauver. L’homme est, certes, un chercheur de Dieu, mais surtout parce que Dieu s’est fait chercheur de l’homme.

Dans une perspective d’Evangélisation, et parce que nous sommes chrétiens, la première question que nous devons nous poser et qui est d’une certaine façon un résumé de toute la morale chrétienne, est la suivante. « Qu’est-ce que Jésus aurait fait à ma place ? » « S’il était confronté à telle ou telle situation, comment aurait-il agit ? »

Nous serions surpris de voir combien l’Evangile répond avec une surprenante clarté à ces questions. Je vais prendre, par exemple la question suivante : Comme prêtre, le pape me demande de sortir aux périphéries, me demande de quitter ma sacristie pour aller dans les lieux de vie des gens. Faut-il que j’aille au concert ou sur un stade de foot, ou dans les supermarchés, dans tous ces lieux de vie qui sont parfois élevés au rang d’idoles. Idole de la consommation, idole du sport dont les codes sont devenus ceux des nouvelles liturgies de masse, où les gardiens de buts sont crucifiés, où les messies ne sont pas ceux qu’on croie, où les signes de croix sont devenus habituels lorsqu’on rentre sur le terrain, où la messe est dite lorsqu’une équipe mène 5 à 0. Et si Jésus était allé au stade de foot, comment l’aurait-il fait, quelle attitude aurait-il adopté ?

Pour nous aider, relisons quatre pages d’Evangile qui correspondent aux quatre grandes situations d’évangélisation que nous pouvons rencontrer.

La Samaritaine

La première est celle de la Samaritaine. Il est midi, le soleil est au zénith, et cette pauvre femme, écrasée par la vie, honteuse d’elle-même, croise Jésus, fatigué et assoiffé. Une première question se pose : pour connaître un peu ces pays où la chaleur peut être étouffante, nous savons que le puits est un lieu de rencontres, un lieu de vie dans le village, mais pas à midi ! On s’y retrouve soit le matin, soit le soir. Et le fait de remplir sa cruche est autant une nécessité qu’un prétexte pour prendre des nouvelles et bavarder un peu, beaucoup même. Si Jésus est fatigué, c’est vraiment le dernier endroit où aller, en plein cagnard. Pour une femme, cette heure aussi est très étonnante. Si elle veut rencontrer ses amies, elle ferait mieux de choisir un autre moment. A moins qu’elle veuille ne rencontrer personne. A moins que cette démarche soit uniquement alimentaire et qu’elle veuille surtout ne voir personne.

Pour Jésus, s’il était vraiment assoiffé, il aurait pensé à prendre un seau ! Si cette femme est venue au puits de Jacob c’était pour ne rencontrer personne ; si Jésus y est venu, sans seau, c’était pour la rencontrer, elle, et seul à seul. Cette femme a honte de sa vie qu’elle a ratée. Elle sait qu’elle n’est utile à personne, que personne n’a besoin d’elle, que personne ne pense à elle. Jésus n’a pas de seau, pour avoir besoin d’elle et de son aide, pour lui faire la délicatesse de la rétablir dans sa dignité, pour lui donner la joie de donner. Elle veut se replier sur elle-même, Jésus l’oblige avec une infinie délicatesse, à sortir d’elle-même et à répondre à son appel. Elle ne va probablement plus au temple où on la regarde de travers à cause de sa vie dissolue. Elle appartient à cette catégorie de personnes qui ne viennent plus à nous. Jésus, mine de rien, lui tend la bonne perche, qu’elle saisit avec une surprenante rapidité. Jésus est Juif et elle est samaritaine.

Cette opposition qui constitue l’autre prétexte dont cette femme se sert pour engager la conversation sur autre chose, sur la religion, devient l’occasion d’un dialogue en profondeur sur le vrai sens de la vie. Imaginons un autre contexte : Je suis chrétien et je me retrouve assis dans un stade de foot à côté d’un pauvre bougre qui choisit justement cet endroit parce que personne ne le connait autrement que comme un supporter de foot. Il est peut-être expert-comptable, courtier en assurance, musicien, cadre supérieur ou étudiant. Il a depuis longtemps remplacé la religion de sa grand-mère par la lecture de l’Equipe, les paris en ligne et la liturgie assez peu musicale dirigée par le chauffeur du stade qui, telle une marionnette, hurle torse nu dans le mégaphone pour diriger les chants et la chorégraphie de cette-très masculine- chorale paroissiale. « Tiens tu portes une croix ? Qu’est-ce que tu fous là, tu ferais mieux de rester dans ton église. Moi ça fait longtemps que j’ai laissé toute ces conneries, surtout depuis que j’ai perdu ma soeur dans un accident de bagnole. Tes bondieuseries, c’est des conneries. Et la faim dans le monde, qu’est-ce que tu en fais ? » Qu’est-ce que Jésus aurait fait à ma place, quel extraordinaire moyen aurait-il choisi pour que j’ai besoin de mon voisin, pour qu’il découvre en moi cette faiblesse qui lui rendra sa dignité en lui donnant la possibilité de donner ?

Certainement pas l’affirmation hautaine de mon identité chrétienne, mais l’humble attitude de celui qui, comme saint Paul nous le demande, considère l’autre comme supérieur à lui-même, de celui qui accepte de ne pas tout savoir, de ne pas répondre à tous les problèmes de l’humanité en une phrase lapidaire, de celui qui regarde l’autre en l’aimant, tout simplement. C’est à ce moment précis que Jésus nous demande de le ressemblant, en rejetant nos postures faciles qui ne convertissent personnes mais qui nous donnent la secrète satisfaction d’avoir fait la volonté de Dieu. Au moment précis où nous serions tentés de répondre de façon trop brutale, ou en nous esquivant proprement, Jésus nous invite à lui ressembler et à vivre ce sentiment qui est exprimé dans un autre évangile, celui du jeune homme riche : « Jésus posa son regard sur lui et il l’aima ». L’attitude de Jésus au moment où tous seraient tentés de répondre avec violence ou une pointe d’orgueil, c’est de poser sur lui son regard et de l’aimer. Il le respecte. Souvenez-vous que le mot respecter vient du latin, re-spectare : regarder à nouveau, y regarder à deux fois, regarder en profondeur. Combien de situations pastorales seraient facilitée si nous apprenions à aimer les gens avant de leur répondre.

Zachée

Passons à la deuxième page d’Evangile. J’ai choisi l’Evangile, très connu aussi, de Zachée, en Luc 19. Ici l’élément qui doit nous mettre la puce à l’oreille, c’est le sycomore. Pourquoi l’évangéliste précise-t-il ce détail ? Probablement parce que le sycomore fait partie de la famille des figuiers, et donc qu’il a de très grandes feuilles. Idéal pour se cacher, pour voir sans être vu. Par ailleurs il grimpe dans cet arbre pour voir Jésus mais peut-être aussi pour cacher à ses voisins sa petite taille dont il a honte. Il a honte surtout d’appartenir à cette catégorie de fonctionnaires que tout le monde déteste. Il a honte de ce qu’il est. Il a un grand désir d’être purifié, voir même d’être quelqu’un d’autre. Il rêve sa vie sociale mais il n’a pas d’amis. Peut-être quelques copains de biture qui ne s’invitent chez lui que pour se faire offrir gratis un bol de mauvais vin de Cana. Il aime aussi éprouver des émotions ! C’est pour cela qu’il veut voir Jésus, le saint. Vous savez il fait partie de cette catégorie de personnes qui, derrière une apparence un peu frustre, ont un grand coeur qui ne sait pas comment se donner. Ils s’imaginent qu’en allumant discrètement un cierge à Notre Dame leur vie sera meilleure ou moins pire. Ils restent fuyants et ne savent pas comment aborder une conversation.

C’est à ce moment-là, au moment des rêves de gloires et des espoirs irréalisables que Jésus plonge son regard pénétrant sur lui qui se retourne pour voir s’il n’y a pas quelqu’un d’autre derrière à qui ce saint homme pourrait s’adresser. «  Non, c’est chez toi que je veux aller Zachée ! » Et ce petit homme va comprendre en très peu de temps qu’il peut accomplir de grandes choses. Jésus lui a rendu sa dignité en s’invitant chez lui et lui a donné infiniment plus que ce qu’il pouvait imaginer dans ses rêves les plus fous. Qui sont-ils ces Zachée sinon les élèves que nous recevons dans nos écoles catholiques, les pèlerins de saint Jacques qui viennent à la messe de 7 heures dans la cathédrale du Puy, mais en se cachant derrière un pilier, ces couples qui veulent se marier parce que…ben ils ne le savent pas trop non plus ? Ils font partie de cette catégorie de personnes qui ont fait un pas, parfois un tout petit pas en gardant bien le buste en arrière, mais enfin qui sont entrés chez nous ou qui se sont déplacés pour nous voir, en prenant bien soin de dire qu’ils n’étaient pas pratiquants, qu’ils préféraient s’adresser directement à Dieu. Qu’aurait fait Jésus à ma place ? Comment se serait-il invité chez eux au risque de se faire traiter de faible, de traitre, d’impur ? « Quoi ! Il est allé manger chez un couple non marié, il a parlé avec monsieur Dupont qui vote Duchmol ? Il n’a quand même pas pardonné à Durand, ce voleur patenté ?  »

Jésus, dans cette situation pastorale nous invite à répondre de façon surprenante et presque disproportionnée. Il nous invite à faire un pas vers celui qui se cache, vers celui qui s’est approché sans vouloir être remarqué. Le pas que nous devons faire doit toucher notre interlocuteur au coeur. Reprenons l’exemple de ce couple de fiancés qui ne vivent pas parfaitement ce que l’Eglise demande et qui voudraient tellement qu’on leur permette de se marier discrètement, sans leur poser trop de question. S’ils pouvaient n’avoir à remplir qu’un petit questionnaire et à déguerpir discrètement ils le feraient. Ils laissent un message laconique sur le répondeur de la paroisse. « C’était juste pour un mariage, mais on vous rappellera. Peut-être, dans cette situation, faut-il imiter Jésus au pied de la lettre et s’inviter chez eux le soir même. »
Cf les couples parrains

Le possédé

Nous ne sommes pas toujours très à l’aise avec ce personnage, et vous vous demandez probablement à quelle situation d’évangélisation elle peut bien correspondre. Derrière cette figure du possédé, je vois tous ceux qui insultent le Christ, qui militent ouvertement contre les chrétiens, contre l’Eglise, qui ne supportent pas l’idée que la religion puisse exister et avoir une influence, et qui vont parfois jusqu’à refuser la liberté de culte. Dans cette catégorie nous pouvons aussi mettre tous les terroristes qui ont perdu tout sens religieux, en se prenant pour Dieu. Ce sont eux, justement auxquels le père Hamel s’est adressé en leur disant à plusieurs reprises : arrière Satan. Comment Jésus a-t-il donc réagi lorsque cet homme s’est précipité sur lui en l’insultant. Vous trouverez cet évangile en Marc, 5.

L’attitude de Jésus est de faire la différence entre la personne et ses actes. Il commence par ignorer la personne et ne s’adresser qu’au démon. C’est exactement ce qu’à fait le père Hamel. Il ne s’est pas adressé aux deux fanatiques mais à Satan directement. Possédés par la haine ils ne se rendaient même pas compte que leurs certitudes étaient devenues leur servitude. Il fallait les libérer de leur esclavage avant de pouvoir entrer en relation avec leurs personnes. Tel un bon médecin, Jésus commence par s’attaquer au mal, d’autant plus qu’ici le mal empêche à la personne d’être libre. Le premier combat de Jésus sera de redonner la liberté à cet homme. Jésus combat avec fermeté ce qui possède cet homme. Derrière cette possession nous pouvons voir le démon lui-même mais aussi ces idéologies sectaires qui emprisonnent l’homme dans un système de pensée dont il ne peut plus se défaire. Il va réussir à le libérer mais cette libération a un prix. Elle coûte cher ! Elle nous oblige à préférer la personne à tout le reste, même si cela doit nous coûter financièrement très cher. Ici, pour sauver un seul homme, Jésus sacrifie ce qui fait l’économie du village, comme pour nous rappeler qu’on ne peut instrumentaliser la personne humaine mais qu’au contraire, dans certains cas, il faut être capable de tout lui sacrifier. L’idéologie dominante, dans nos sociétés de consommation, c’est l’argent qui nous empêche d’être libres. Derrière certaines idéologies, qui prennent une apparence philanthropique, comme le démon a pris ici l’apparence d’un pauvre homme, se cache une redoutable machine de guerre qui nous détruit en nous asservissant, en nous faisant passer la bien pour le mal et inversement, en nous faisant croire que seule la science ou le progrès peuvent nous sauver et qui voient en Jésus l’empêcheur de tourner en rond lorsqu’il remet en cause nos diaboliques machinations. Pour redonner leur liberté à ces personnes qui l’ont perdue et qui vocifèrent, possédés par un autre ou par une cause mortifère, nous devons être prêts à beaucoup de sacrifices, et en particulier, nous devons faire le choix de la pauvreté, intérieure et extérieure.

Dans un autre évangile, Jésus nous rappelle que pour lutter contre le démon, il n’y a que le jeûne qui soit efficace. Oui face au monde du pouvoir, de l’argent et du sexe, Jésus nous invite à répondre par l’obéissance, la pauvreté et la chasteté. Le jeûne touche toujours ces trois dimensions qui sont les trois conseils évangéliques des religieux mais qui peuvent être vécus, quoique d’une manière différente, par tous. L’humilité contre l’orgueil du pouvoir, c’est croire que Jésus seul peut vaincre ces démons, et donc que ma prière mission est de prier, de me mettre sous son regard, d’adorer et d’obéir à l’Esprit Saint et à l’Eglise. Recevoir humblement les sacrements, c’est la première façon de contrer le démon, et en particulier le sacrement de la réconciliation qui est parfois vécu de façon humiliante parce qu’il nous oblige à faire la vérité sur nous-mêmes et à dépendre de Dieu et de son pardon. C’est au prix de cette belle humilité que nous seront capable de laisser Jésus vaincre en nous le démon et nous rendre vraiment libres. Le jeûne de la pauvreté, c’est accepter de ne pas tout avoir, c’est accepter de se priver du superflu. Il se vérifie dans le don concret de ce qui m’appartient.

D’une certaine manière, Zachée s’est libéré au moment où il a partagé ses biens avec les pauvres. La chasteté c’est d’accepter d’aimer en vérité, d’être tourné vers les autres plutôt que vers soi-même, c’est refuser d’instrumentaliser l’autre, de se servir de l’autre pour obtenir du plaisir mais trouver sa joie dans le bonheur de celui que j’aime et à qui j’ai donné ma vie, mon époux, mon épouse, mes enfants si je vis la vocation au mariage, l’Eglise et ma mission si je vis le célibat sacerdotal, et Dieu, non seulement pour les religieux mais finalement pour chacun de nous. La chasteté n’est pas réservée à ceux qui vivent le célibat consacré. Elle est pour tous. Finalement la seule chose que nous pouvons opposer au démon quand il se présente à nous, sous différentes formes et en prenant différents visages, c’est la sainteté, celle de Jésus d’abord et la nôtre si nous acceptons, comme Marie, de vivre de la vie de Jésus.

Cette quatrième situation d’évangélisation qui est peut être la plus rare mais aussi la plus violente et la plus déroutante, interroge la cohérence de nos vies. L’insulte que nous entendons souvent contre l’Eglise c’est celle qui concerne la vie incohérente des chrétiens, des prêtres. On nous reproche de prêcher l’Evangile mais de vivre dans l’opulence, de prêcher la chasteté et de vivre une vie sexuelle décousue quand ce n’est pas d’être des pédophiles. On nous reproche aussi nos divisions alors que nous prêchons l’unité. Oui la seule réponse à ces attaques, c’est la cohérence de nos vies, c’est-à-dire la sainteté. Dans cet évangile, Jésus a su combattre avec courage le démon présent dans ce pauvre homme, sans juger la personne, mais au contraire, en l’aimant par-dessus tout, c’est-à-dire en le considérant comme plus importante que tout le reste. Jésus peut dire à cet homme : Je t’ai préféré à tout : aux biens matériels, au pouvoir, et même à ma réputation. Jésus en effet, à la fin de l’Evangile, pour avoir préféré la liberté de cet homme au pouvoir de l’argent, sera chassé du territoire.

Dieu nous préfère à tout, et lorsque nous nous égarons, lorsque nous avons, à cause du péché, perdu notre liberté, il peut montrer ses dents, contre ce qui est la cause de notre esclavage, pas contre nous. Dieu est le modèle de l’éducateur. Nous pouvons le croire sévère parfois mais ce n’est pas nous qu’il détruit, ce sont nos idoles, pour que nous puissions vivre.

Emmaüs

Le dernier évangile que je souhaite commenter est celui d’Emmaüs, parce que les pèlerins d’Emmaüs, c’est chacun d’entre nous, et nous avons grandement besoin d’être évangélisés. Je le mets à la fin pour que vous le gardiez bien en mémoire, mais cette évangélisation là, elle est première. Nous ne pouvons pas prétendre évangéliser les autres, si nous-mêmes nous n’avons pas vécu l’expérience que ces deux hommes abattus ont vécue au lendemain du scandale de la croix. Au moment où ils marchent, où ils quittent Jérusalem, Jésus est déjà ressuscité et ils ne le savent pas. Le voilà le drame de beaucoup de catholiques pratiquants, dont nous faisons partie. Ils n’ont pas fait l’expérience que Jésus est vivant, qu’il peut transformer leur vie, qu’il marche à leurs côtés et qu’il les sauve en leur redonnant l’Espérance véritable.

Le point de départ de cette situation d’évangélisation qui nous concerne directement c’est le fait que Jésus s’invite à marcher à nos côtés sous la forme d’un inconnu. C’est par l’ouverture à la rencontre, l’ouverture à l’autre, à l’amour du prochain que Jésus va passer pour se révéler à celui qui le connait déjà dans la parole de Dieu et les sacrements, dans la prière personnelle et l’écoute de l’enseignement de l’Eglise. Finalement, Jésus m’évangélise, transforme mon coeur, si je suis capable de le reconnaître dans les autres, dans ces trois personnes dont j’ai parlé tout à l’heure et qui sont les trois autres situations d’évangélisation. Jésus est mystérieusement présent dans ce supporter de foot dans ce couple de fiancés qui pense davantage au repas de mariage qu’à la célébration elle-même et dans celui qui m’insulte et vocifère contre moi. La question qu’on peut entendre en corolaire de ces réflexions est celle qui concerne donc notre charité concrète. Si je ne me suis pas encore laissé rejoindre par l’amour personnel de Jésus, c’est peut-être parce que ma vie spirituelle n’est pas assez équilibrée, qu’elle est trop fermée sur elle-même, sur des petits cercles d’amis un peu trop restreints.

Jésus, s’il se présente comme un inconnu, alors je dois laisser dans mon coeur une place à la rencontre gratuite, à la rencontre avec quelqu’un que je ne connais pas, peut-être qui n’a pas les mêmes idées que moi sur le monde, la politique, la société. En l’occurrence, ici, Jésus ne pense pas comme eux mais c’est lui qui a raison. Quelle est ma capacité à accepter le regard de l’autre, à me remettre en question ? Le malheur de certains chrétiens n’est-il pas qu’ils n’arrivent plus à se renouveler, à accueillir des points de vue différents, ou qu’ils ont un regard pessimiste sur le monde ? Jésus ne saura pas toucher leur coeur s’ils ne se laissent pas approcher ! C’est ce premier tout-petit pas que Jésus nous demande de faire. Il nous laisse libre de l’accueillir dans la personne de l’autre, sous l’apparence voilée du pauvre. Ensuite, son talent fait le travail. Il saura nous écouter nous plaindre, gémir, crier parfois notre souffrance et petit à petit il réchauffera notre coeur, il nous obligera à faire un plongeon au-dedans de nous-mêmes : « notre coeur n’était-il pas tout brûlant ? »

A l’occasion de cette même rencontre surprenante, ou plus tard à l’occasion d’une retraite, d’une prédication, Jésus saura parler à notre coeur. Tout ne se fait pas en une après-midi comme pour les disciples d’Emmaüs. Cet Evangile est aussi un appel pour nous qui sommes engagés dans l’annonce de la parole. N’ayons pas peur de réveiller le « prophète » en nous, c’est-à-dire notre capacité d’enseigner si nous avons été formés. Le Seigneur saura se servir de nous pour catéchiser, pour expliquer les écritures. L’enseignement est aussi une excellente façon de nous évangéliser nous-mêmes.

Si nous vivons en vérité les rencontres surprenantes que le Seigneur nous prépare, si laissons nos coeurs ouverts, alors Jésus saura nous évangéliser, il saura se faire connaître à nous à un moment ou à un autre de ce cheminement et notre vie spirituelle sera transformée. Un autre point que je voudrais souligner est que le Seigneur nous rejoint souvent sur le chemin que nous avions pris pour le fuir. En cette année de la miséricorde, laissons nous rejoindre pas le pardon de Dieu, et sachons faire de chaque faute, de chaque échec, de chaque motif de désespérer l’occasion d’aimer davantage ; faisons de tout cela, comme dirait sainte Thérèse, un tremplin vers un plus grand amour. N’ayons pas peur de nos faiblesses, et même de nos lâchetés. Jésus est plus grand que tout cela et méditons sur cette phrase de saint Paul : « Quand je suis faible, c’est alors que je suis fort ! »

En savoir plus

événements à venir
Découvrez notre magazine
Eglise à Lyon n°71 avril 2024

Suivez-nous sur
les réseaux sociaux