Publié le 18 octobre 2021
Sur France Culture, Rémi Brague se demande si le rapport Sauvé n’est pas le coup de grâce pour l’Eglise catholique. J’aurais tendance à lui répondre oui. Ce coup de grâce il a d’abord été infligé aux victimes que nous avons crucifiées à nouveau par nos silences, nos volontés de couvrir, de défendre l’institution, alors qu’ils avaient déjà été atteints mortellement par les agressions qu’ils avaient subies par ceux qui auraient dû être pour eux témoins de l’Evangile. Pardon !
Oui le rapport Sauvé est un coup de grâce parce qu’il dit la vérité, de façon brutale. Cette commission indépendante contre les abus sexuels dans l’Eglise est exceptionnelle parce qu’elle s’est mise à l’écoute des victimes, parce qu’elle a pris les moyens d’être irréfutable, parce qu’elle a analysé toutes les dimensions de ce cataclysme. Merci ! Elle nous oblige. Elle nous oblige à regarder celui que nous avons crucifié en crucifiant ces victimes qui sont ses frères. Nous devons porter collectivement ce péché, parce que dans l’Eglise, la solidarité dans le péché, dans la souffrance fait partie des exigences de l’Evangile, parce que le Christ lui-même a porté le péché de tous et qu’il nous invite à faire de même. Ce coup de grâce, infligé à l’Eglise catholique ressemble au coup de lance. Il dit la vérité de ce que nous avons voulu taire, et la vérité est la condition de la conversion. Nous sommes appelés à beaucoup plus qu’à une révolution ! A une conversion radicale, une conversion personnelle et une conversion communautaire ! Ce coup de grâce ressemble à celui qui a été infligé, un certain vendredi saint aux disciples et aux apôtres qui déjà l’avaient trahi parce qu’ils avaient préféré leur réputation à la défense du plus petit, ils avaient préféré le messianisme temporel à la vérité de l’Evangile. La seule réponse que nous devons donner à cette humiliation profonde, à cette lumière portée sur nos péchés, c’est celle de Pierre qui s’est mis à genoux et qui a pleuré devant l’Innocent. Nous devons implorer l’Esprit Saint pour qu’il nous aide à reconnaître que nous n’avons qu’un seul maître, qu’un seul Seigneur, qu’un seul sauveur, le Christ, qu’un seul Dieu et Père de tous.
A tous les jeunes que je rencontre depuis ces terribles révélations et qui ont encore la force de demander la confirmation, mais qui s’interrogent et qui doutent, à tous les laïcs qui sont tentés de renoncer. A tous ceux qui s’inquiètent d’entrer dans l’Eglise en ce moment si difficile, à tous les séminaristes, novices, diacres et prêtres qui ont l’Evangile au cœur et qui attendent une parole d’espérance, je voudrais dire que l’Eglise est plus forte aujourd’hui qu’hier, parce qu’elle est plus vraie. Hier, elle avait l’apparence de la beauté, du nombre, de ce qui ressemblait à la gloire. Elle était rongée en son cœur, pourrie par un scandale que nous avons voulu habiller de respectabilité. Aujourd’hui la carapace est percée et le pus peut sortir. Tous ceux qui avaient trop vite été mis au rang de héros sont tombés. Il ne reste plus que le Christ en croix, transpercé en beaucoup de ses membres. Il ne reste que la vérité brutale du mystère pascal. Notre véritable espérance, elle est là ! Les apôtres se sont barricadés dans le cénacle, les disciples d’Emmaüs quittent le navire, Marie Madeleine pleure la mort de toutes ses espérances. Prions pour qu’aujourd’hui encore nous sachions le reconnaître dans le visage de cet inconnu qui trouve encore la force de marcher à nos côtés, de celui qui est devenu pour nous un inconnu mais qui nous appelle encore à la conversion, à la vie. Parce qu’il est notre unique Sauveur, notre unique Espérance, parce qu’il est le seul Saint.
Mgr Emmanuel Gobilliard