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Les évêques
Réjouissons-nous du bonheur des autres !

Publié le 23 septembre 2017

Réjouissons-nous du bonheur des autres !

Homélie de Mgr Emmanuel Gobilliard pour le 25ème dimanche du Temps Ordinaire — Année A.

La liturgie nous propose aujourd’hui de magnifiques textes qui poussent au bout la logique de l’Evangile. C’est par l’Evangile d’ailleurs qu’il faut commencer, un Evangile qui nous choque, qui nous fait naturellement réagir. En tout cas nous serions nombreux à réagir si nous étions confrontés à une telle situation. Imaginez ! Vous avez travaillé toute la journée. Il est vrai que ce travail, pour fatigant qu’il soit, est bien payé. Une pièce d’argent, c’est plus ou moins 100 €. Vous vous êtes levés à 6 heures du matin pour être au travail à 7 heures. A midi vous avez pris une heure de pause déjeuner. Vous effectuez un travail harassant, à la vigne, en plein soleil. La onzième heure, la dernière heure arrive enfin. Tout au long de la journée vous avez déjà vu arriver plusieurs autres ouvriers, ce qui a commencé à vous énerver. Il est donc 17 heures. Une personne arrive justement et se met au travail avec vous. Vous commencez déjà à ruminer et dans votre tête vous comptez. Une pièce d’argent, c’est au moins 100 € d’aujourd’hui. Alors cent divisé par onze cela fait environ 9 € de l’heure. Le patron n’a pas intérêt à lui donner plus. Sinon je me suis fait avoir. A moins qu’il ne décide de me donner 10 fois plus, soit 1000 €. La distribution des salaires arrive et mon voisin, au lieu des 9 € que j’avais imaginés pour lui, reçoit 100€, et finalement vous ne recevez pas plus que lui. Vous sentez la colère qui monte, le sentiment d’injustice, la soif de revendication qui est d’autant plus violente en vous que vous êtes français, donc très sensible à vos droits, à vos avantages, très content de montrer à vos amis que vous avez fait une bonne affaire en achetant tel produit bien en dessous de son prix habituel. Vous vous vantez d’avoir obtenu mieux que les autres, d’avoir des enfants qui réussissent mieux, une voiture qui va plus vite, des rosiers grimpants qui sont en fleurs plus longtemps que ceux du voisin. Et là ! Catastrophe. Vous vous êtes fait avoir. Quelqu’un vous a berné.

Reprenons maintenant les choses calmement. Qu’est ce qui a été heurté en vous ? C’est votre orgueil ! Votre désir d’être meilleur que les autres. C’est votre volonté de puissance qui en a pris un sacré coup. En un mot, c’est votre péché qui vous fait réagir de la sorte, parce qu’en vérité, vous avez tout gagné, vous avez eu un salaire impressionnant. Le patron qui vous a embauché a été d’une grande bonté à votre égard. Le problème, c’est qu’il a été bon et généreux aussi avec l’autre. Et vous vous posez la question : Pourquoi ? Peut-être qu’il l’aime mieux que moi. Le soupçon s’introduit, la jalousie aussi, qui va de pair avec la comparaison. Le malheur arrive quand nous comparons au lieu de louer et de bénir, au lieu de nous réjouir du bonheur des autres. La logique de l’Evangile, que je veux pousser au bout, tient en une phrase : Dieu est bon et je suis mauvais. Si je suis capable simplement de reconnaître cela, alors je suis déjà sauvé. Si je suis mauvais, si je suis pécheur, alors je vais avoir besoin de la miséricorde de Dieu. Et Dieu me l’offre toujours parce qu’il est bon. Et si je suis pécheur, je me réjouis parce que Jésus me dit dans l’Evangile qu’il est venu pour les pauvres et les pécheurs. Il est donc venu pour moi.

Le drame, c’est lorsque je me crois meilleur que les autres, que je pense appartenir à une classe supérieure, celle de ceux qui sont catholiques depuis toujours ! Parce que la parabole dont il est question dans l’évangile d’aujourd’hui n’a pas pour but de nous faire réfléchir sur nous-mêmes mais bien sur Dieu. Jésus ne nous fait pas un cours sur la bonne gouvernance dans l’entreprise, mais sur le royaume de Dieu. Le premier mot de la parabole est le suivant : « le royaume de Dieu ». Jésus nous parle du salut et que dit-il à l’ouvrier de la première heure qui se plaint parce que l’autre a reçu autant que lui ? Jésus lui dit va-t’en ! La parabole est bien plus radicale que ce que nous pourrions penser en l’écoutant rapidement. L’enjeu c’est le royaume de Dieu. L’ouvrier de la onzième heure y a accès et celui de la première en est exclu. Jésus, pour confirmer cela ajoute : « les premiers seront derniers et les derniers seront premiers » La question est donc la suivante : comment faire pour être sauvé ? En étant un ouvrier de la onzième heure ! Mais attention, l’ouvrier de la onzième heure n’est pas uniquement celui qui est arrivé au dernier moment. Il peut être celui de la première qui est aussi resté jusqu’à la dernière. Le malheur c’est que par notre jalousie, notre orgueil et notre volonté de puissance nous ne travaillons pas jusqu’au bout, nous ne sommes pas chrétiens jusqu’au bout. La preuve ? Lorsque cet ouvrier est arrivé à 17h, moi-même je me suis arrêté de travailler, j’ai ruminé dans mon cœur, j’ai calculé mes avantages, j’ai regardé avec envie celui qui était arrivé en dernier. J’ai bien travaillé les 10 premières heures, mais à la onzième, à cause de mes mauvaises intentions, j’ai été improductif.

Nous qui sommes, pour beaucoup, des ouvriers de la première heure, soyons aussi des ouvriers de la onzième. Accueillons, bénissons, réjouissons-nous du bonheur des autres. Le bonheur des autres ne nous privera pas de notre bonheur, au contraire, il y contribuera. Dieu nous veut heureux ; Il met tout en œuvre pour que nous le soyons. Il nous donne tout. Il va jusqu’à se donner lui-même. Allons jusqu’au bout de l’amour, sans nous replier sur nous-mêmes, sans nous regarder le nombril, mais en nous donnant, en aimant, et en espérant que les ouvriers de la onzième heure soient de plus en plus nombreux ; qu’ils entendent le Seigneur qui les appelle à être heureux. Oui dilatons nos cœurs pour qu’ils soient larges comme celui de Dieu. Accueillons largement et nous pourrons répondre favorablement à l’appel que saint Paul nous adresse dans la deuxième lecture : « quant à vous, menez une vie digne de l’Evangile du Christ. »

Et si nous croyons être loin de Dieu, si nous pensons que nous sommes exclus de cet Evangile, parce que nous pensons ne pas avoir la foi, parce que nous croyons que notre vie, notre péché nous a éloigné de lui, alors n’ayons pas peur d’être les ouvriers de la dernière heure, parce que Dieu lui-même nous invite, il nous appelle. Oui, comme le dit la première lecture : « Cherchez le SEIGNEUR tant qu’il se laisse trouver. Invoquez-le tant qu’il est proche. »

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