Publié le 21 novembre 2016
Le vendredi 18 novembre 2016, en la Primatiale Saint-Jean, le cardinal Barbarin a célébré une Messe de réparation à l’intention des victimes de pédophilie de la part des membres du clergé. Voici le texte intégral qu’il a prononcé au seuil de cette célébration.
Primatiale Saint-Jean
Vendredi 18 novembre 2016
Frères et sœurs,
Nous voici arrivés au terme de l’Année de la Miséricorde.
Symboliquement, les portes du grand Jubilé se referment, mais la Miséricorde, elle, bien sûr, reste toujours offerte, à tous et à chacun. C’est la fin de l’année de la Miséricorde, mais ce n’est pas la fin de la Miséricorde. Elle demeure le résumé de notre foi, l’un des plus beaux noms de Dieu ; c’est le « cœur battant de l’Evangile », dit le Pape François. Comme le peuple élu et avec lui, l’Eglise a pour mission d’être une servante et d’annoncer au monde cette merveille.
« La Miséricorde n’est pas contraire à la justice… qui est un concept fondamental pour la société civile », disait aussi le pape en lançant l’aventure spirituelle de ce Jubilé. La Miséricorde ne dispense pas de la justice, elle la suppose !
Depuis quelque temps, quand j’entends le Seigneur dire : « Ce que vous avez fait au plus petit de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait » (Mat 25, 40), je ne peux plus m’empêcher de penser aux enfants victimes des prêtres pédophiles. C’est pourquoi, de la même manière qu’après la profanation du corps du Christ on procède à une Messe de réparation, je veux célébrer aujourd’hui une Messe, en réparation de la profanation du corps vivant du Christ, en cette clôture du Jubilé de la Miséricorde.
Réveillé bien tardivement au combat contre la pédophilie et convaincu de la nécessité de protéger très fermement les enfants, notre diocèse, depuis plusieurs mois, a pris de nouvelles mesures pour l’accueil et l’écoute des victimes, pour la prévention de ce mal et la formation des futurs agents pastoraux. Il a aussi prononcé des sanctions contre les coupables. A tout cela, il manquait un volet spirituel, demandé par le Pape lui-même, vécu par les évêques le 7 novembre à Lourdes, et par nous tous, ici, ce soir.
Chrétiens, nous croyons à la force de la prière. Catholiques, nous savons la puissance de la Messe. Certaines blessures semblent inguérissables et seul Jésus, le Messie Consolateur, peut réparer tant de mal et rendre la paix à tous ceux qui ont été meurtris par les crimes de la pédophilie. Aujourd’hui, nous célébrons cette Messe de réparation… pour que le Christ guérisse tout ce qui peut l’être…
Nous avons plusieurs fois demandé pardon et je le ferai autant de fois qu’il faudra : pardon pour les actes criminels commis par des prêtres contre des enfants. Pardon pour les fautes des membres de notre Eglise dans la gestion de ces difficultés. Pardon pour mes prédécesseurs à cause de certaines de leurs décisions ou à cause de leur indécision. Pardon pour tous nos silences, pardon d’avoir été souvent plus soucieux de la situation et de l’avenir des prêtres coupables que de la blessure des enfants. Pardon pour toutes nos fautes, pardon pour mes propres fautes.
Ce soir, je demande pardon devant Dieu et devant tout notre diocèse, de n’avoir pas pris les devants pour enquêter comme il aurait fallu dès qu’un premier témoignage m’était parvenu, pardon de ne pas avoir sanctionné immédiatement un prêtre pour ses actes anciens, très graves et clairement indignes de son ministère, pardon de mes erreurs de gouvernance qui ont occasionné un tel scandale.
Je vais maintenant me mettre à genoux devant la croix du Seigneur, comme j’aimerais me mettre à genoux devant chacune des victimes. Certaines sont là ce soir, je les en remercie. D’autres ont choisi de ne pas venir à cette Messe. Toutes, cependant, sont présentes à notre prière et nous les déposons dans la main de Dieu. Moi, Philippe, évêque de Lyon, je demande pardon, en mon nom personnel et au nom de mon Eglise, pardon pour tant de blessures, pour tant de silences et pour tant de phrases indignes.
Et je m’engage, avec ceux qui partagent avec moi la responsabilité de notre diocèse, à tout faire pour que l’Eglise soit, dans le présent et l’avenir, « une maison sûre », comme le demande le Pape François, pour les enfants, les jeunes et leurs familles.
Cardinal Philippe Barbarin
Archevêque de Lyon