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Les évêques
La vie spirituelle, c’est de se laisser transformer par Dieu

Publié le 15 janvier 2017

La vie spirituelle, c’est de se laisser transformer par Dieu

Homélie de Mgr Emmanuel Gobilliard, dimanche 15 janvier 2017.

Chers frères et sœurs, depuis lundi nous sommes retombés dans le temps ordinaire et nous sommes invités à affronter à nouveau le quotidien et sa routine. Pourtant c’est le temps que je préfère, c’est le temps qui me convient parce qu’au fond je suis très ordinaire et je dis cela avec une petite pointe de fierté. Nous voudrions parfois être extraordinaires et nous faisons même des efforts considérables pour l’être. En même temps, depuis que j’ai entendu une dame qualifier un monsieur d’extraordinaire parce qu’il savait faire des ronds avec la fumée de son cigare, je me dis qu’il n’est pas difficile d’être extraordinaire. Il est beaucoup plus difficile d’être ordinaire, c’est-à-dire d’être humblement et quotidiennement fidèle.

Nous nous ressemblons tellement en voulant être extraordinaires alors que l’ordinaire est beaucoup plus exigeant et moins gratifiant. Je suis pécheur, comme vous et je voudrais être un saint mais je n’y arrive pas et quand j’y réfléchi, notre religion est une religion des gens ordinaires. Nous avons de grandes espérances et nous voulons tous être soit de grands saints, soit des héros, soit des gens extraordinaires, mais le quotidien nous rattrape et si nous sommes trop dans l’illusion d’être des gens extraordinaires, la chute risque d’en être que trop brutale et nous risquons de ne pas nous relever. La vérité, c’est que nous sommes faibles et pécheurs, que nous tombons régulièrement, même lorsque nous refusons de l’admettre. La vérité, c’est aussi que le Seigneur nous relève, avec notre aide ou avec l’aide des autres, et que nous retombons et que nous nous relevons par la grâce de Dieu.

Si vous vous sentez concernés par le discours que je viens de vous faire, alors vous êtes normaux et Jésus est venu pour vous. « Je ne suis pas venu appeler les justes mais les pécheurs », ne cesse-t-il de nous dire. C’est Jésus et son amour qui sont extraordinaires. Tout ordinaires, tout pécheurs que nous soyons, il nous forme dès le sein maternel. « Oui, j’ai de la valeur aux yeux du SEIGNEUR, c’est mon Dieu qui est ma force », nous dit Isaïe, se faisant le porte-parole de chacun d’entre nous. Les autres temps liturgiques, pour importants qu’ils soient ont pour moi quelque chose de faux ou plutôt de pas encore vrais, d’un peu inadaptés. Excusez-moi de vous parler avec autant de liberté, d’avoir l’air, et de l’être un peu, iconoclaste. Je manque de poésie ou peut être d’espérance. A moins que ce soit cela la véritable espérance ; celle qui n’a pas peur de la vérité, du réel, celle qui sait que par nous-mêmes nous ne pouvons rien faire, celle qui ose affirmer que nous sommes sauvés par l’unique sauveur du monde, et que ce salut, il est possible, à condition que nous comprenions, en vérité que nous en avons besoin.

Tiens ! Le vert du temps ordinaire, c’est justement la couleur de l’Espérance. Le temps de l’avent, je le vis parfois en m’apercevant que, le Seigneur, je l’attends bien peu et que je suis à ce point tourné vers moi, vers mes besoins et vers ce monde matérialiste, que je fais bien peu de place à cette attente. Peut-être ai-je besoin de la liturgie pour m’aider à attendre celui qu’en vérité j’espère sans prendre les moyens de vivre cette espérance. Le temps de Noël est trop court et trop dense pour que je prenne vraiment conscience du mystère qui s’y vit. Le temps du carême est régulièrement un échec. Je prends de grandes résolutions que je ne tiens pas, et parfois, plus je les prends, moins je les tiens ! Ou si je les tiens, je me prends trop vite pour un saint et je perds aussitôt tous les mérites que j’aurais difficilement acquis. A Pâques, je voudrais être joyeux et vivre en ressuscité mais les difficultés de la vie ou mon péché ternissent cette belle joie. Je l’espère aussi et je souhaite tant la vivre ! Mais j’ai bien du mal à vivre la joie du royaume. Le seul temps qui me corresponde, c’est le temps ordinaire, où Dieu prend le temps, où Dieu me laisse le temps, où je peux vivre, parfois douloureusement les échecs et les faiblesses et en même temps me laisser rejoindre par ce Dieu d’amour qui m’attends parce qu’il me connaît, qui me relève, et me relève, et me relève. Notre Dieu est un Dieu patient ! Le temps ordinaire est le temps de la patience de Dieu, de la persévérance de Dieu. Et je sais que, finalement, c’est cette persévérance qui vaincra ma surdité. Tout ce que je suis de bien, c’est par sa grâce, parce qu’il est celui qui enlève le péché, à condition que je ne me voile pas la face, que je le reconnaisse, mon péché !

Le Seigneur ne cesse de nous appeler, comme le souligne de nombreuses fois l’épitre aux Corinthiens. Il le fait à chaque instant, dans notre vie quotidienne, dans notre travail, dans notre prière. Comme le disait, à la suite de sainte Thérèse d’Avila, un grand prédicateur du XXIème siècle dont je tairais le nom parce qu’il est juste à côté de moi en ce moment, la vie spirituelle ce n’est pas seulement le peu de temps que nous croyons accorder à Dieu ; la vie spirituelle, la vraie, c’est d’entendre ses nombreux appels, c’est d’en rendre grâce et c’est finalement de se livrer à lui comme la Vierge Marie, se laisser transformer par lui, se laisser mouvoir par son Esprit d’Amour. Si nous le laissons faire, il se donnera par nous. Si nous croyons que ce que nous faisons de bien vient de nous, alors nous ne donnerons rien d’autre que nous-mêmes et finalement nous nous écroulerons épuisés…épuisés parce que notre orgueil aura fait place au désespoir. C’est lui le Fils de Dieu, c’est lui «  l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde  » comme le proclame Jean Baptise. Il faut qu’il grandisse et que je diminue.

Dans l’évangile, il y a une grande solennité dans certains passages, mais cette solennité, elle concerne uniquement Dieu. Ainsi Jean proclame avec solennité : « J’ai vu l’Esprit descendre du ciel comme une colombe et demeurer sur lui. » Il est important pour nous de souligner ce verbe : demeurer. Il y a dans ce verbe une notion de temps. Dieu prend son temps ; il ne fait pas que passer. Plus tard, dans un autre évangile Jésus nous dira le désir qu’il a de demeurer en nous, avec son Père et son Esprit Saint, pour faire en nous sa demeure et pour agir par nous. Le Seigneur prendra le temps, le temps qu’il faudra mais il demeurera en nous, malgré notre péché, malgré notre faiblesse et nos échecs, malgré aussi nos désirs d’aller trop vite, mais pas sans notre consentement.
Il le veut pour une seule raison : il nous aime.

Amen.

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