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Les évêques
Vœux d’Olivier de Germay, Archevêque de Lyon 2024

Publié le 17 janvier 2024

Vœux d’Olivier de Germay, Archevêque de Lyon 2024

9 janvier 2024

Archevêché de Lyon

 

Mme la préfète, Mme la sous-préfète

Mesdames et messieurs les parlementaires

Mesdames et messieurs les représentants du président du Conseil régional Auvergne-Rhône-Alpes et du président du Conseil départemental du Rhône

M. le président du conseil de la métropole de Lyon, et Mme la conseillère

M. le maire de Lyon et les autres membres de la municipalité de Lyon

MM. les officiers et officiers généraux

Mmes et MM. les maires d’autres communes

Mmes et MM. les élus

Mme la première présidente de la Cour d’Appel

M. le vice-procureur

M. le recteur d’académie

M. le directeur des Archives départementales

MM. les représentants des autres Eglises chrétiennes

M. le Grand Rabbin ; M. le président du CRCM ; et les membres du G9

M. le recteur de l’Ucly et M. le président de l’AFPICL

M. le directeur diocésain de l’enseignement catholique

M. le directeur de la Fondation Saint-Irénée

M. le secrétaire général des Œuvres Pontificales Mondiales

Mmes et MM. les représentants d’associations ou d’organismes catholiques ou d’inspiration chrétienne :

Fondation de Fourvière ; RCF ; ISFEC Notre-Dame ; Antiquaille (espace culturel du christianisme à Lyon) ; Parvis-Part-Dieu ; Aclaam ; Domaine Lyon-St-Joseph ; Secours Catholique ; le Foyer Notre-Dame des sans-abri ; Lazare ; Marthe et Marie ; Magnificat ; Habitat et Humanisme ; amitié judéo-chrétienne ; chevaliers pontificaux ; Petits chanteurs de Lyon ; Credo Funding ;

Mmes et MM. les grands donateurs

Mmes et MM. ayant une responsabilité dans le diocèse de Lyon (prêtres, diacres, personnes consacrées, laïcs salariés ou bénévoles)

Mmes et MM., chers amis, chers frères et sœurs,

Merci tout d’abord, d’avoir répondu à cette invitation. Je suis heureux de pouvoir m’adresser à vous à l’occasion de ces vœux de début d’année. Des vœux qui sont l’occasion de nous souhaiter le meilleur pour l’année qui commence, mais aussi de nous rencontrer et d’échanger.

Quand on regarde l’actualité telle qu’elle nous est présentée dans les médias, le tableau est bien sombre : guerres, catastrophes et crises en tout genre… Le contraste est saisissant par rapport aux vœux que nous échangeons en ce début d’année. Contraste aussi avec ce que nous chrétiens venons de fêter : la naissance d’un enfant dont le Nom est Prince de la Paix ; contraste également avec ce que nous avons vécu de beau au cours de l’année écoulée, je pense en particulier aux JMJ au Portugal, aux ordinations de prêtres et de diacres, aux consécrations, aux nombreux baptêmes ou confirmations d’adultes, etc.

Alors, nos vœux sont-ils utopiques ? Peut-être mais ce n’est pas une raison pour les passer sous silence. Ils expriment en effet ce à quoi nous aspirons, non seulement en tant qu’individus, mais surtout en tant que communauté humaine. Vous l’avez remarqué, il est souvent question de paix dans les vœux que nous échangeons. En réalité, cette aspiration à la paix et à la concorde est un socle qui nous est commun, et sur lequel nous pouvons nous appuyer pour coordonner ou harmoniser nos différentes actions.

Nous qui sommes présents ici ce soir, nous appartenons à différentes institutions ou organismes, avec des histoires différentes, des domaines de compétences différents, des approches différentes, des options politiques, philosophiques ou religieuses différentes… Mais le fait que nous nous rencontrions ce soir, ou à d’autres occasions, manifeste notre volonté de vivre ensemble, de nous respecter et même, je pense pouvoir le dire, de travailler ensemble au service du bien commun.

Mon discours est nécessairement situé. J’aurais pu sans problème reprendre un certain nombre de vœux que vous avez exprimés hier soir, M. le Maire, et j’imagine d’autres que vous exprimerez demain Mme la Préfète, mais ce soir je parle en tant qu’archevêque de Lyon, responsable de l’Eglise catholique qui est dans le diocèse de Lyon (qui comporte la métropole, le département du Rhône mais aussi tout le Roannais, dans le département de la Loire).

Qu’est-ce que l’Eglise catholique a à dire aujourd’hui à la société civile ? ou plutôt à apporter, car les discours ne suffisent pas…

Dans une ville comme Lyon, on pense bien sûr au christianisme social, et donc à cette part que les chrétiens prennent dans la lutte contre la précarité, et dans l’engagement au service de la solidarité et la justice.

Ils sont nombreux à se mettre au service des plus pauvres, et je voudrais ce soir les remercier chaleureusement pour tout ce travail qui se fait, souvent dans l’ombre, mais avec beaucoup d’abnégation et de charité.

Je cite quelques-unes des associations qui œuvrent dans ce domaine, et cela n’a rien d’exhaustif, il y en a bien davantage : le Secours catholique, le Foyer Notre-Dame des sans-abri, les équipes Saint Vincent de Paul, le Sappel, Habitat et Humanisme, Marthe et Marie, Lazare, l’Arche, A Bras ouverts, Simon de Cyrène, l’Aclaam, etc. On pourrait évoquer aussi les mouvements familiaux, les communautés religieuses en milieu populaire… sans oublier les initiatives paroissiales.

Il faut noter également que de nombreux chrétiens sont engagés dans des associations de solidarité non confessionnelles, aux côtés de personnes, croyantes ou non croyantes, qui font preuve d’un dévouement remarquable.

Puisque j’évoquais l’Aclaam (qui fédère une cinquantaine d’associations venant en aide aux migrants), vous savez je pense que l’église du St Sacrement, dans le 3ème, a accueilli, le 8 décembre dernier, de nombreux jeunes qui dorment dehors depuis le mois d’avril. Je voudrais remercier la paroisse, son curé, le père Renaud de Kermadec, mais aussi le père Christian

Delorme, Axelle Saint-Paul, Aude Corvaisier-Riche et les équipes du diocèse qui n’ont pas ménagé leur peine depuis plus d’un mois pour entourer au mieux ces personnes et collaborer avec les services publics afin de trouver une solution. Je remercie également la métropole, la préfecture et particulièrement la mairie de Lyon pour la prise en compte de cette situation. J’ai conscience que le problème est compliqué, mais je ne peux qu’appeler de mes vœux la mise en œuvre d’une solution concertée qui permettra de sortir de cette situation ; une situation qui ne peut être que provisoire pour la paroisse, et surtout pour les personnes à la rue.

La participation de l’Eglise à la lutte contre les diverses formes de précarité est donc très significative. Cependant, réduire le rôle de l’Eglise à cette dimension caritative serait largement insuffisant. L’Eglise catholique (comme les autres églises chrétiennes et les autres traditions religieuses) prône l’ouverture à la transcendance.

Vous le savez, la modernité a mis la transcendance entre parenthèses. Cela a été perçu comme un progrès, une sorte de libération. L’être humain n’aurait plus besoin de se soumettre à Dieu, un Dieu perçu comme autoritaire et moralisateur, voire culpabilisateur. « Dieu est mort », disait Nietzsche, passons à autre chose.

Je ne suis pas sûr que cela ait fait progresser l’humanité en sagesse. La Bible nous dit que lorsque l’être humain s’éloigne de Dieu, il se fabrique des idoles. Une idole, c’est ce qui va prendre la place de Dieu dans nos vies, mais qui n’est pas Dieu ; on pourrait parler d’une sorte de transcendance immanente…

L’idole ça peut être le progrès. Mais la fascination pour le progrès scientifique et technologique (qui est toujours bien présente) laisse aujourd’hui un arrière-gout d’insatisfaction. Le progrès scientifique et technologique n’a pas fait disparaitre la faim dans le monde, ni les injustices, ni les épidémies, ni les guerres (il les rend même plus destructrices).

L’idole, ça peut être la consommation. Mais la machine à consommer s’est emballée. La surconsommation détruit la planète, c’est-à-dire notre maison commune, et augmente les inégalités.

L’idole ça peut être l’être humain lui-même, l’individu qui revendique son indépendance absolue et sa liberté toute-puissante, au détriment du bien commun. Cette idole produit l’individualisme qui menace la cohésion sociale (tellement fragilisée aujourd’hui).

Dans ce contexte, j’oserais dire que l’ouverture à la transcendance a un bel avenir ! En tout cas, l’attrait que l’on constate aujourd’hui pour la spiritualité (même si les spiritualités immanentes voire autocentrées sont aussi à la mode) est plutôt un bon signe. On est également impressionné dans l’Eglise catholique par l’augmentation quasi exponentielle des adultes demandant à découvrir la foi chrétienne.

Certains diront peut-être : l’ouverture à la transcendance est une considération catégorielle qui n’a pas sa place dans un état laïc. Je ne suis pas de cet avis ; il me semble que l’on confond trop souvent laïcité et athéisme. L’ouverture à la transcendance ne peut être qu’un choix libre, certes, mais la nier a priori ou vouloir la faire disparaitre de l’espace public, c’est, selon moi, amputer la communauté humaine d’une de ses dimensions essentielles.

Bien sûr, l’ouverture à la transcendance n’est pas une recette magique qui résoudrait tous nos problèmes. On trouvera d’ailleurs toujours des personnes invoquant le nom de Dieu pour justifier la violence ou leur volonté de dominer.

Pour nous chrétiens, l’ouverture à la transcendance suppose un acte d’humilité. Reconnaitre Dieu, c’est consentir à ne pas être Dieu ; et donc à ne pas être dans la toute-puissance. C’est reconnaitre

que nous ne sommes à l’origine ni de notre existence ni de ce que nous sommes. Nous pouvons décider, pour une part, de ce que nous allons devenir, mais pas de ce que nous sommes. À l’origine de notre existence, il y a un don. Notre propre vie, et les conditions qui rendent possible cette vie, nous ont été offertes.

Dans ce don, il y a bien sûr l’environnement, que nous chrétiens appelons la création, précisément parce que parler de création renvoie à une altérité : nous l’avons reçue d’un Autre. Nul n’est propriétaire de la création. Elle n’est pas un objet dont je pourrais user et abuser sans me soucier de l’intention de celui qui l’a mise à ma disposition. Or l’intention du créateur, c’est que l’être humain puisse vivre de cette création, mais aussi la perfectionner (et non seulement la préserver) au profit des générations suivantes. Je pense d’ailleurs que nous chrétiens, avons des progrès à faire pour mettre davantage en cohérence notre façon de vivre avec notre foi en un Dieu créateur.

L’ouverture à la transcendance a une autre vertu. Dans la grande diversité des cultures, dans la mosaïque que constitue notre humanité, elle offre du commun, c’est-à-dire quelque chose qui transcende cette diversité et rend possible la fraternité. La transcendance offre une altérité et permet une sorte de régulation des relations humaines. Pour dire les choses autrement, la transcendance met un arbitre sur le terrain.

C’est ce qui a présidé à la définition des Droits de l’homme. Ils n’ont pas été rédigés à partir d’une religion particulière, mais plutôt sur une base philosophique : on partait du principe qu’il existe quelque chose de commun à tous les êtres humains. C’est à partir de ce « commun », de cette « nature humaine », que l’on peut définir ce qu’est un être humain et donc définir les droits de l’être humain. La mise entre parenthèses de la transcendance met en péril cette logique. Certains aujourd’hui nient l’existence d’une certaine idée de l’homme qui transcenderait la réalité concrète des êtres humains. L’Homme n’existe pas, il n’existe que des êtres humains. Mais si on ne peut plus définir l’être humain, comment définir les droits universels de l’être humain ? Il n’est pas étonnant de voir aujourd’hui que certains « droits » se contredisent alors que d’autres sont contestés par certains états.

Pour nous chrétiens, l’ouverture à la transcendance, et plus exactement la foi en Dieu, un Dieu qui s’est fait homme, jette une lumière particulière sur l’être humain en général, et donc sur la dignité de toute personne humaine. La foi donne de la hauteur et permet ainsi de mieux déceler les angles-mort de la conscience collective.

Dans cette lumière, il devient évident qu’il ne saurait y avoir une différence de dignité entre les personnes. Qu’il s’agisse d’un migrant, d’un SDF, d’une personne malade, en situation de handicap, en fin de vie, ou d’un enfant à naitre… tous ces êtres humains doivent être traités pour ce qu’ils sont : des personnes humaines dont la vie doit toujours être respectée parce qu’elle porte en elle la marque de son créateur qui est Dieu.

Ces convictions, je vous les dis avec humilité. Elles bénéficient d’une lumière qui vient d’en haut, mais je les exprime d’en bas. L’Eglise a conscience d’avoir la mission de révéler un trésor, de laisser passer une lumière qui vient d’en haut, mais elle ne doit pas oublier qu’elle est aussi d’en bas, qu’elle fait partie de cette pâte humaine, dans laquelle le bon et le moins bon cohabitent.

Vous l’aurez compris, mon discours ne se veut pas surplombant, il exprime plutôt le vœu que nous puissions mettre en commun cette part de lumière qui est en chacun de nous afin de nous mettre ensemble, et en complémentarité, au service de cette humanité qui aspire à la paix et à la fraternité.

Tout être humain, en effet – telle est ma conviction – aspire à la paix. Bien plus, il aspire, parfois sans le savoir, à découvrir Celui qui est à l’origine de son existence, et qui a déposé en son cœur un désir de plénitude et d’éternité. Je vous souhaite de découvrir son visage.

Je fais mienne cette bénédiction, ce vœu que l’on trouve dans la Bible (livre des Nombres) : « Que le Seigneur tourne vers toi son visage, qu’il t’apporte la paix ! » (Nb 6,26) ;

De tout cœur, je vous souhaite de passer cette année dans la paix. La paix en nous-mêmes, la paix dans nos familles, dans nos différents lieux de vie et d’engagement, la paix dans nos communautés respectives, sans oublier la paix dans le monde.

Bonne année 2024 à tous et à toutes !

+ Olivier de Germay

Archevêque de Lyon

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