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Les jumelages
Journée diocésaine 2022 du jumelage Lyon-Antélias

Publié le 09 décembre 2022

Journée diocésaine 2022 du jumelage Lyon-Antélias

La journée diocésaine du 20 novembre 2022 à la paroisse Notre Dame du Liban de Lyon a été un temps de rencontre fraternelle entre les membres des comités de jumelage, de la délégation diocésaine de visite au Liban de mai dernier et de la communauté paroissiale, grâce au dynamisme de celle-ci. Michel Younès est intervenu sur les signes d’espérance au coeur des crises vécues au Liban. Vous trouverez le texte de son intervention ci-dessous.

 

Les crises au Liban, quels signes d’espérance ?

Pour éclairer la situation actuelle du Liban en quelques mots catastrophique, je vais relire son histoire à grand trait, en enjambant les périodes. Dans son développement historique, le Liban ressemble à la parabole de Jésus dans Mt 13,24-30 où le bon grain a grandi avec l’ivraie. Le problème c’est que selon les lectures, à l’intérieur du pays, la définition du bon et du mauvais change. A chacune de ses étapes historiques, on voit à nouveau le déploiement du bon, mais la persistance du mauvais.

  1. Relecture de l’histoire du Liban par le prisme de la parabole de Jésus

Je ne vais remonter à l’histoire antique (phénicienne) ou aux rapports avec François 1er ou encore aux formations avec les familles des Maan et des Chehab (16e-18e s.), je vais me concentrer sur 5 étapes clés.

Etape 1 : Les druzes et les maronites dans le mont Liban : la part du bon et le problème de la peur qui a engendré le massacre des maronites en 1840 et 1860. La résilience s’est faite grâce à la protection de Napoléon III qui a permis aux chrétiens de bénéficier de la modernité : enseignement, soierie, imprimerie… Mais le problème un système de protection confessionnel : une répartition, certes pour protéger, mais qui féodalise les mentalités

Etape 2 : Arrive la période de la première guerre mondiale où les ottomans ont affamés les libanais, notamment les chrétiens, 1/3 est mort, 1/3 est parti et 1/3 est resté, grâce au protectorat la déclaration du grand Liban 1920 par le patriarche Hoayek mandaté par tous les Libanais. Point fort : un grand Liban qui dote l’entité libanaise d’une côté, le port de Beyrouth, d’une pleine, celle de la Bekaa, le grenier du Moyen-Orient, mais le point faible : le renforcement des appartenances communautaires. Mais à l’époque, diluées dans les parties politiques et un leadership chrétien.

Etape 3 : 5 ans après l’indépendance en 1943, la création de l’Etat d’Israël et le problème des palestiniens qui va être à la racine de la guerre au Liban et de la guerre civile, surtout après la défaite des pays arabes en 1967 et l’armement des palestiniens en 1969 (accord du Caire), dès 1973 des affrontements et dès 1975 la guerre qui a duré 15 ans, prolongée par 15 ans d’occupation israélienne et syrienne.

Etape 4 : A la fin de 1990 : le bon côté, la reconstruction, le mauvais l’oubli d’une relecture de la mémoire collective pour constituer une nation unifiée par son histoire et par son projet. Toutes les instances sont sorties affaiblies, les institutions étatiques qui ne se développaient pas, les institutions ecclésiales qui n’ont pas fait cette relecture non plus et qui se sont engouffrées dans la reconstruction de leurs établissements à fort tôt de rémunération. Elles se sont elles aussi « embourgeoisées ».

Etape 5 : La nation est née une deuxième fois avec deux problèmes : suite au départ d’Israël, un parti politique garde ses armes et suite au départ de la Syrie en 2005 laissant une politique de gouvernance clientéliste, communautariste et corrompu. Les structures de l’Etat ont sombré dans un clientélisme et une corruption systématisés. Tout le monde est devenu corrompu sans nommer les choses par leur nom, sinon les gens ne s’en sortaient plus. Ce qui a renforcé la place du protecteur, le zaïm et une sorte de loyauté au zaïm qui dépasse le bon sens parce qu’elle est indexée à la loyauté, à la protection et donc à la peur. Se rajoute à cela l’accueil après la guerre de 2010 de plus d’un million de syriens qui se rajoutent à plus d’un demi-million de palestiniens (officiellement)

Le bon côté : des secteurs forts : bancaires, éducatifs, sanitaires. Le faible : des déficits en tout genre : culturel, étatique, un déficit de productivité industrielle, on vit des intérêts et non de l’investissement. On dépense donc sans produire. L’Etat aussi embauche sans besoin….

Mais une douzaine d’années plus tard, l’effondrement du système bancaire, depuis trois ans, depuis le 17 octobre 2019 et surtout depuis l’explosion du port de Beyrouth 4 août 2020, l’effondrement est presque total. Il n’a survécu que grâce au soutien et à la solidarité.

  1. Quelques clés pour décrypter la situation actuelle

Clés géopolitiques 

  • Les axes régionaux
  • Les axes internationaux
  • La place de l’hydrocarbure et de l’eau

Clés religieuses 

  • Un pays de minorités
  • Des lignes de démarcations mobiles
  • Un mode de gouvernance qui s’est confessionnalisé et clanisé

Clés anthropologiques

  • Le zaïm et la mentalité clanique
  • La corruption et le chacun pour soi (même pendant la crise : 17 personnalités politiques ont fait sortir : 90 milliards de dollars sans compter les autres y compris les instances religieuses) : absence de la notion du bien commun
  • L’immédiateté s’en sortir à tout prix

Clés sociologiques

  • Un écart considération entre les plus riches et les plus pauvres
  • L’absence de droits sociaux
  • Les réfugiés palestiniens et syriens (dans l’espace de 10 ans presque 200 000 nouvelles naissances d’enfants de deux parents syriens, alors que le chiffre est de près de 20 000 pour les Libanais)

Clés économiques

  • Jusqu’à la guerre du Liban : Beyrouth, plateforme financière : la suisse de l’Orient
  • Un plan de reconstruction et mise en place d’un système de corruption
  • Généralisation de la corruption : clanique et confessionnelle, pyramide de Ponzi

Conséquences :

  • Faillite de l’Etat dans tous les secteurs.
  • Dépendance à tous les niveaux : peu de productivité
  • Départ massif, notamment de la jeunesse
  • Installation dans la pauvreté massive et l’exploitation d’une classe
  • Un pays de non droit

III. Les signes d’espérance à travers les visages : 5 visages

En résumé tout donne à désespérer. Et pourtant… quelques signes d’espérance persistent que je vais présenter sous forme de figures, 5 visages d’espérance pour exprimer l’œuvre de Dieu en ce pays. Il est donc important de prier et de soutenir ce type de figures.

Sœur Grazzia, psy : être auprès des pauvres, perturbés, mission et soutien extérieurs.

André, chef établissement, tenir coûte que coûte, accueillir la mixité

Roula, universitaire, faire dialoguer les composantes

Ruben, auprès des jeunes, changer l’image de l’Eglise

Mahmoud, médecin musulman, soutenir ceux qui prônent une transformation des musulmans.

On pourrait associer d’autres visages, d’autres noms que ce soit au Liban, dans la diaspora ou parmi tous ceux qui aident le Liban.

Que conclure ? Que retenir pour l’espérance ? 3 idées clés

  1. la différence de la fatalité, l’espérance est de croire que le changement est possible. Quand tout est fini, pas d’espoir, il est possible de changer.
  2. Loin de la démission, l’espérance est le fait d’agir, parce que l’espérance appelle à la relation, à la collaboration, à la coopération. On n’est pas dans une forme de déterminisme, l’espérance convoque notre liberté d’agir, notre responsabilité face aux événements sans tomber dans la facilité de dire c’est la faute des autres.
  3. L’espérance c’est la foi que Dieu n’abandonne pas son peuple, il l’accompagne, il l’aide, il le visite, il l’appelle à la transformation, à la sanctification, à la conversion.

Quand Marie a eu l’annonce (puisqu’on est selon la liturgie maronite au dimanche de l’annonciation) elle a été appelée à visiter Elisabeth : annonciation et visitation vont de pair. Marie et Elisabeth disent quelque chose du jumelage qui est aussi un signe d’espérance.

En savoir plus
Photo du voyage de la délégation lyonnaise au Liban, à Antélias, en mai 2022.