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Dans La Croix : “Affaire Barbarin, nous sommes témoins”

Dans La Croix : “Affaire Barbarin, nous sommes témoins”

[TRIBUNE] Mgr Jean-Pierre Batut, évêque de Blois, ancien évêque auxiliaire de Lyon, Mgr Pierre-Yves Michel, évêque de Valence, ancien vicaire général de Lyon, Pierre Durieux, ancien directeur de cabinet du cardinal Barbarin.

Les mois, les années passent et le scandale Preynat perdure. Libre à chacun d’avoir ses avis, de signer les pétitions qu’il veut, de publier sa légitime indignation sur des crimes aussi honteux et destructeurs pour les victimes. De notre côté, notre liberté et notre devoir est aussi de témoigner de quelques faits objectifs au sujet du cardinal Barbarin, auprès de qui nous avons travaillé respectivement 6, 7 et 10 ans. Ayant fait partie de ses plus proches collaborateurs, et l’ayant aujourd’hui quitté pour d’autres services, notre parole aussi est… libérée.

Nous sommes témoins que le cardinal Barbarin a rencontré toutes les victimes qui acceptaient ses propositions de rendez-vous, qu’il désirait les écouter toutes et chacune personnellement, et qu’il a entendu du fond du cœur l’immensité de leur souffrance.

Nous sommes témoins qu’il a tenu à faire intervenir des victimes dans une formation dispensée aux prêtres de son diocèse tout comme dans une Messe dite de « réparation ».

Nous sommes témoins qu’il a fait adopter des mesures les plus répressives qui soient en matière de lutte contre la pédophilie, plus nettes et plus claires que celles adoptées au plan national et au plan international, en particulier par cette disposition : « Tout prêtre ayant commis des faits d’agression sexuelle sur mineur quelles que soient la date des faits et la date de découverte de ces faits, se verra écarté définitivement de tout ministère » – mesures saluées en son temps par la Parole Libérée.

Nous sommes témoins qu’il a été un évêque courageux et intransigeant dans la gestion des dérives des communautés religieuses sur lesquelles il avait autorité.

Nous sommes témoins que c’est lui qui a demandé au pape de lever la prescription qui empêchait le procès canonique du Père Preynat, que c’est lui aussi qui a confié ce procès à trois juges indépendants pour que justice soit rendue par des non-lyonnais, et que c’est encore lui qui a suspendu le Père Preynat de son ministère, lui interdisant également la célébration des sacrements, même en privé.

Nous sommes témoins qu’il lui aurait été mille fois plus facile de démissionner et que la démission ne lui aurait pas posé l’ombre d’une difficulté si le pape l’avait demandée.

Nous sommes témoins qu’auditionné pendant 10 heures, perquisitionné à deux reprises, ausculté dans ses agendas et ses carnets personnels, traqué par certains journalistes, caricaturé, insulté, diffamé quotidiennement, il n’a jamais eu un mot, même en privé, contre les magistrats, les victimes, les journalistes…

Nous sommes témoins qu’il a insisté auprès des victimes pour qu’elles portent devant la justice les faits qui les concernent en justice, ainsi que l’a écrit le procureur de la République dans son classement sans suite d’août 2016, et comme le prouvent plusieurs correspondances.

Nous sommes témoins qu’il a agi sans détour dans deux affaires de mœurs qui touchaient des prêtres de son diocèse Nous sommes témoins qu’il s’est aussi trouvé face à des cas de conscience pour des faits plus anciens déjà gérés, même mal, par ses prédécesseurs. Nous sommes témoins qu’il a dix fois exprimé ses regrets pour ses hésitations, quand bien même elles n’ont jamais blessé un seul enfant.

Nous sommes témoins que, piégé par une journaliste de Mag2Lyon qui s’était fait passer pour une victime, il l’a directement encouragée à porter plainte. Chacun peut lire le discours qu’il tint alors en privé, puisque cette journaliste publia fidèlement son verbatim : « Tant pis si c’est une honte supplémentaire pour l’Église, car cela peut rendre service à tout le monde. Si vous portez plainte, on va interroger ce prêtre, et c’est très bien. Et même pour lui parce qu’il faut arrêter de mentir. »

Nous sommes témoins de la manière dont systématiquement on a omis ou déformé les décisions judicaires rendues, faisant croire qu’elles étaient motivées par la prescription. Nous sommes témoins de l‘oubli de la chronologie ou du contexte, laissant croire qu’il aurait couvert des faits sous sa responsabilité !

Nous sommes témoins que la stupide formule « Grâce à Dieu, les faits sont prescrits » n’était rien d’autre qu’une maladresse pour dire que fort heureusement aucun des faits reprochés au Père Preynat ne s’était reproduit depuis 1991, c’est-à-dire plus de 10 ans avant son arrivée à Lyon. Une formulation dont il s’est immédiatement expliqué et excusé, à la seconde où la question lui a été posée.

Nous sommes témoins que, dans toute cette adversité, il est resté un homme de Dieu, priant, centré sur sa mission, enthousiaste, soucieux de dialogue, désireux de comprendre, « créatif, courageux et missionnaire », comme l’a écrit le pape François.

Nous sommes témoins que nombre d’attaques contre le cardinal relèvent davantage du règlement de comptes idéologiques que de la lutte contre la pédophilie ou de l’amour de l’Église…

Nous sommes témoins qu’un archevêque de Lyon, ça ne démissionne pas. Tout évêque, solidaire de son peuple pour qui il a donné sa vie, se sait appelé à assumer sa mission jusqu’au bout.

Qu’il demeure archevêque de Lyon ou non est d’ailleurs une question qui le regarde. Notre responsabilité – votre responsabilité – c’est de demeurer dans la vérité. Dans cette « vérité qui rend libre » (Jean 8, 32).

Mgr Jean-Pierre Batut, Mgr Pierre-Yves Michel, Pierre Durieux.
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Eglise à Lyon n°71 avril 2024

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