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Les jumelages
Mgr Gabriel Sayaogo : « L’Église de Lyon nous inspire par sa vitalité et sa marche synodale »

Mgr Gabriel Sayaogo : « L’Église de Lyon nous inspire par sa vitalité et sa marche synodale »

Article extrait du magazine Eglise à Lyon, juin 2025.
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En visite à Lyon du 26 mai au 2 juin, une délégation du diocèse de Koupéla (Burkina Faso) est venue raviver les liens d’un jumelage historique initié en 1956. À la tête de cette délégation, Mgr Gabriel Sayaogo, archevêque de Koupéla depuis 2019, partage son regard sur l’Église lyonnaise, les défis pastoraux de son diocèse, l’importance des catéchistes en terres de mission, et évoque une coopération renouvelée entre les deux Églises sœurs.

Quel regard portez-vous sur le diocèse de Lyon ?
En arrivant à Lyon pour mon 3e séjour, je suis frappé par le dynamisme de cette Église.
Lyon depuis longtemps est en marche dans le sens synodal, où le pape invite à intégrer toute la composante de l’Église. Hier, j’ai vu une dame assise à l’entrée de l’archevêché. Elle m’a dit qu’elle était déléguée générale. J’ai été surpris ! J’ai été frappé aussi que Mgr Olivier de Germay, Mgr Loïc Lagadec et le père Matthieu Thouvenot, vicaire général, vivent sous le même toit. Ils forment une communauté de vie et de prière ; tout cela va dans le sens synodal. J’étais présent pour l’installation de Mgr Olivier de Germay en 2020, comme archevêque de Lyon, puis pour la remise de son pallium. Quand j’entends que les adultes reviennent à la foi et demandent le baptême, je vois là le signe d’une Église vivante. La vivacité d’une Église ne se mesure pas au leadership de ses responsables, mais à l’action de l’Esprit saint.

Comment percevez-vous l’élection du nouveau pape Léon XIV ?
L’élection du pape Léon XIV a été un signe pour l’Église et pour le monde entier. Nous attendons de Léon XIV qu’il soit un pasteur. Il reste bien sûr à ce qu’il définisse sa manière de gouverner, de collaborer, qu’il rassemble l’Église, qu’ii l’édifie par ses enseignements comme l’Église l’a demandé à Pierre. Je forme le vœu que la dimension de chef d’état ne prenne pas le dessus. Il est d’abord un pasteur dans son ministère pétrinien.

Quelle est la situation de votre archidiocèse de Koupéla ?
Le diocèse de Koupéla est toujours une terre de mission. Sur un 1,2 million d’habitants, 150 000 environ sont baptisés. Une grande partie de la population ne connait pas Jésus-Christ. Les protestants sont très peu nombreux. La majorité de la population est animiste ou musulmane.
Le premier défi, c’est l’annonce de Jésus-Christ. Nous avons besoin que les prêtres acceptent de se donner.
Le 2e défi, c’est l’ancrage de la foi. La terre de Koupéla a accueilli les pères blancs missionnaires en 1900, nos premiers baptisés, s’ils vivaient encore, auraient 120 ans. Nous commençons à devenir une vieille Église. Certains sont nostalgiques… « Au temps des pères blancs, ce n’était pas comme ça… » Les grands-pères et grands-mères ont des difficultés à transmettre la foi aux enfants et petits-enfants.
Le 3e défi est celui des vocations à la vie sacerdotale et religieuse. L’archidiocèse de Koupéla peut se glorifier d’un certain nombre de vocations. C’est un défi car il nous faut les accompagner et les former. Cette année, nous accueillons 265 petits séminaristes, accompagnés par 7 prêtres. Ils ne peuvent les connaître individuellement. Cela pose des difficultés.
Le 4e défi de notre diocèse est l’auto-prise en charge. Les anciens conservent leurs habitudes, selon lesquelles c’est au prêtre de tout faire vivre. La participation des laïcs à la vie de l’Église est croissante mais il nous reste un travail de sensibilisation à mener.

À l’heure où nous redécouvrons le ministère du catéchiste en Europe, que pouvez-vous nous en dire, alors que ce personnage revêt une place centrale dans l’organisation de vos communautés ?
Les catéchistes sont des fidèles baptisés auxquels nous demandons d’être auxiliaires des prêtres dans les paroisses. Nous avons de grandes étendues territoriales et paroissiales. Dans ces conditions, difficile de demander au prêtre d’allier administration civile et administration des sacrements. (Au Burkina Faso, l’Église se charge des registres d’état civil). C’est un homme généralement marié qui vit dans le village de la même manière que le villageois. Nous le formons pendant 4 ans au sein d’un centre de formation des catéchistes. Première possibilité : entrer célibataire. Il suit alors deux ans de formation, au terme desquels nous le renvoyons dans son village pour se marier. Le futur catéchiste est ensuite rappelé pour poursuivre sa formation pendant deux années avec son époux ou son épouse. Deuxième possibilité, être déjà marié. Le couple vient alors se former pour une durée de quatre ans. A la fin, tous deux sortent catéchistes. Ils sont alors envoyés tous les deux dans un même village. Et l’épouse anime elle-même un village.
Une fois dans le village, le catéchiste est vraiment un prêtre en miniature. Pour un problème de foi, aucun chrétien n’a le droit de passer outre le catéchiste avant de rencontrer le prêtre. Il ne dispense toutefois pas lui-même les sacrements. Le dimanche, il dit la prière en l’absence du prêtre et explique la parole selon ses possibilités. Selon les villages, il peut faire communier les fidèles grâce à la réserve eucharistique. Parallèlement, le prêtre passe toujours par le catéchiste pour donner une information.
Le catéchiste reçoit une rémunération par le diocèse : la scolarisation de deux de ses enfants est soutenue, il reçoit une somme de 91 euros par année et lorsqu’il part à la retraite, il perçoit environ 460 euros. (Le salaire minimum au Burkina Faso est de 68 euros par mois). Pour le reste, les catéchistes vivent de leur travail.
Cette année, le 15 mai dernier, j’ai envoyé 15 nouveaux catéchistes en mission, et le centre de formation en regroupe une soixantaine qui suivent les quatre ans de formation.

Dans le domaine interreligieux, quelle expérience pouvez-vous partager aux fidèles du diocèse de Lyon ?
La grande majorité sont adeptes de religions traditionnelles ou de l’Islam. Par nature, l’Église est dialogue. Le message évangélique est pour tout le monde ! Une commission est mise en place pour dialoguer avec les religions traditionnelles, dialoguer avec l’islam et dialoguer dans l’œcuménisme ; un prêtre à la tête de cette commission me représente auprès des leaders religieux et chefs coutumiers. À la différence peut-être de l’Europe, le dialogue interreligieux est vécu à la base de la société, au sein des familles, et non pas seulement entre responsables. Pour nous une famille est la somme de plusieurs couples qui se regroupent pour former une concession. Au sein d’une concession, il est très fréquent que quatre groupes religieux se côtoient. Il est donc habituel pour tout catholique de dialoguer avec une personne d’une autre confession.

Comment expliquer les tensions religieuses, parfois violentes qui nous sont reportées par les médias ?
Evidemment, il existe des frictions malgré cette cohésion sociale, dues à des individus ou des groupes formés. Aujourd’hui par exemple, un groupe est en train de renaitre : il s’agit des panafricanistes. Ils attaquent l’Église de front et l’accuse d’accaparer les terres et de ne pas les exploiter comme elles devraient l’être. Les propriétaires terriens sont donc incités à reprendre les terres qu’ils ont confiées à l’Église. Certains n’accueillent pas les messages de paix que l’Église délivre, au prétexte qu’elle ne devrait pas se mêler d’affaires de l’état. Dans tous les secteurs, il y a des extrémistes. Mais de manière générale, la cohésion sociale, le vivre ensemble harmonieux est une réalité au Burkina-Faso.

Quelles sont vos espérances pour redynamiser le vieux jumelage entre les diocèses de Koupéla et de Lyon ?
Premier jumelage diocésain mondial, il a été institué en 1956 à l’initiative du cardinal Gerlier, archevêque de Lyon, qui a consacré Mgr Yougbaré, premier évêque originaire de l’Afrique de l’ouest et premier titulaire du siège épiscopal de Koupéla. Un jumelage informel était alors créé. En 2006, le cardinal Barbarin et Mgr Rouamba ont formalisé ce jumelage. Avec l’archevêque de Lyon, j’essaie de poursuivre ce que nos prédécesseurs ont entrepris.
Certains de nos prêtres pourraient être envoyés en mission à Lyon. Parallèlement, la collaboration pourrait être renforcée pour soutenir la formation de nos prêtres et laïcs. Certains de nos villages sont dépourvus d’écoles catholiques. Des projets pourraient naître en ce sens… Nous pourrions également relancer les visites d’amitié entre entités jumelées, écoles et paroisses, afin que chacun redécouvre la réalité de l’autre.

Un mot pour conclure ?
J’aimerais féliciter le diocèse de Lyon, qui a vu Pauline Marie Jaricot béatifiée. Cela nous montre combien l’Église de Lyon est vivante tout au long de son histoire. C’est une joie d’être témoin d’une renaissance de la foi, ce qui témoigne de la vivacité de la vie chrétienne de votre diocèse. Que Lyon garde jalousement ce patrimoine spirituel qui est aussi entré dans le patrimoine culturel. Je pense là à Notre-Dame de Fourvière, à la maison de Lorette, que notre délégation a eu la joie de visiter. Je remercie enfin le comité de jumelage et en particulier Yves Chevalet pour son accueil et les nombreuses découvertes qui nous sont données de vivre.


Article extrait du magazine Eglise à Lyon, juin 2025.
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